Cultures
Contourner les freins pour se lancer dans la production de protéagineux
L’autonomie protéique et la diversification étaient au cœur des débats, mardi 9 novembre 2021 au Domaine des Rues à Chenillé-Changé et à la ferme expérimentale de Thorigné.
L’autonomie protéique et la diversification étaient au cœur des débats, mardi 9 novembre 2021 au Domaine des Rues à Chenillé-Changé et à la ferme expérimentale de Thorigné.
Pas toujours facile de cultiver des protéagineux. « Les rendements sont très variables. La culture de féverole, par exemple, est peu compétitive vis-à-vis des adventices », constate Guénaëlle Hellou, enseignante-chercheuse de l’Esa, lors d’un des 4 ateliers de la journée organisée par le GIS GC HP2E et DiverImpacts*.
Des cultures complémentaires
Associer ces cultures avec une céréale permettrait-il de contourner ces problèmes ? Chaque culture va être complémentaire, « en sachant que la culture principale sera le protéagineux. » Afin de maximiser la part de protéagineux à la récolte, ce dernier est semé à une densité proche de 100 % de celle en culture pure et la céréale à 30 % de sa densité en culture pure.
Guénaëlle Hellou a présenté comme “duo gagnant” le lupin - triticale d’hiver ou encore un pois associé avec un blé. Dans les 2 cas, la céréale va permettre de limiter les adventices. « Le lupin est incapable de réduire les adventices avant le stade de la floraison ». Dans le cas d’une association pois-blé, la céréale servira de tuteur pour la culture du pois. Mais la culture de protéagineux profitera aussi à la céréale. Elle permettra de ne pas faire d’apport d’azote. « Et la teneur en protéine de la céréale augmente grâce aux protéagineux. »
En moyenne, l’association de protéagineux-céréales permet d’augmenter le rendement de 25 % avec le même niveau de ressources.« Associer protéagineux et céréales permet d’obtenir un rendement additionnel et d’éviter un échec total sur une parcelle ».
Un étape clé : le tri
Un des principaux freins dans la mise en place de ce type d’association est le tri. Premier conseil prodigué par Gwénaëlle Hellou : « privilégier des mélanges binaires. Ils sont plus faciles à gérer en végétation et plus faciles à trier qu’un mélange complexe ».
Le tri commence dès la récolte, avec une moissonneuse-batteuse bien réglée. « Il faut attendre la maturité complète de la plus tardive des deux espèces, souligne Séverine Borrin, de la FRCuma de l’Ouest. Pour un tri de qualité, il faut éviter la casse des grains de pois à la récolte ».
Le tri des deux espèces associées peut être réalisé chez l’agriculteur ou chez le collecteur si celui-ci accepte les mélanges. En fonction des besoins, il existe plusieurs types de trieurs. « L’incontournable, c’est le trieur rotatif. Le taux de déchets s’élève à 55 %. » C’est dans ce type de matériel en version mobile que certaines Cuma investissent. En fonction de la valorisation, d’autres outils existent comme le trieur alvéolaire (élimination des graines rondes et longues), la table densimétrique (tri en fonction de la densité) et -le plus précis- le trieur optique qui trie en fonction de la couleur et de la forme.
Malgré le coût de l’opération de triage, le gain économique à associer ces espèces reste réel en raison des bénéfices obtenus (rendement et teneur en protéines) et de l’absence de fertilisation.
* GIS GC HP2E : Groupement d’intérêt scientifique Grande culture à Hautes performances économiques et environnementales
DiverImpacts : projet européen pour des systèmes de culture durables (Diversification through Rotation, Intercropping, Multiple cropping, Promoted with Actors and value-Chains Towards Sustainability)
Une filière développée en Belgique
En Belgique, le principal collecteur de Wallonie Walagri a déjà organisé une filière pour valoriser des associations pois d’hiver-froment d’hiver (semés et récoltés en même temps). La mise en place de la filière a été un long cheminement. L’idée a débuté en 2012. Les premiers essais pilote ont débuté en 2015. « Avant de nous lancer, il a fallu adapter l’itinéraire technique, mettre au point le triage, puis faire une évaluation économique et développer la filière », explique Benoît Gillain, de Walagri. Ensuite, la société a dû aussi former ses conseillers pour accompagner les agriculteurs dans ce nouveau type de culture. « En 2021, 500 ha ont été semés et nous pensons augmenter les surfaces jusqu’à 1 000 ha ». Les 2 cultures séparées sont valorisées dans le marché de l’alimentation humaine. La plus-value des 2 produits ? Proposer un pois de qualité, homogène et local et produire un blé avec une haute teneur en protéines en réduisant par 4 la quantité d’intrants. Quelques points sont à améliorer : « dans le pois, il faut qu’il n’y ait plus de résidus de froment pour répondre à une demande sans gluten et nous devons être vigilants quant aux brisures de pois dans le blé pour commercialiser nos blés pour la panification. »