Viande bovine
Coup de projecteur sur les difficultés de la viande bovine
Au secrétaire général de la préfecture, en visite, mardi après-midi, sur une exploitation de La Tessoualle, des demandes précises d’allègement de charges ont été formulées.
« 8 000 euros ? » D’un ton interloqué, le secrétaire général de la préfecture, Louis Le Franc, se fait confirmer la somme par Mickaël Bazantay : « 8 000 euros, le revenu d’un producteur de viande en Maine-et-Loire, en 2008 ? ». Le responsable de la section bovine FDSEA49 acquiesce : 8 000 euros par an, c’est bien ce que gagnent les éleveurs spécialisés, « à peu près le seuil de pauvreté ». Les éleveurs en savent quelque chose, eux qui voient une dégradation de leur revenu depuis trois ans - 27 % en 2007, - 32 % en 2008 et des prévisions, selon l’Institut de l’élevage, qui tablent sur un revenu oscillant de 6 à 8 000 euros par Uta en 2009. Le secrétaire général de la préfecture, qui a suivi de près la crise du lait, hoche la tête : « Je n’avais jusqu’à présent pas mesuré l’importance de la chute dans ce domaine ».
Cette rencontre se tient sur l’exploitation de Luc et Pascal Barbaud, à La Tessoualle. Les agriculteurs de la commune les entourent, ainsi que les responsables de la Cuma. C’est le terrain qui parle, aux côtés des représentants départementaux de la FDSEA et de la Chambre d’agriculture. Le Gaec de 100 hectares, dont 85 hectares d’herbe, les deux frères l’ont spécialisé en élevage de rouges des prés avec AOC Maine anjou. De la stabulation, on aperçoit les toits du lotissement voisin. Le centre bourg de La Tessoualle n’est qu’à quelques minutes. Mise aux normes, logement en stabulation libre, filtre à paille, tout a été conçu en tenant compte des critères environnementaux pour lequel un CTE a été signé en son temps. Vient la fin des CTE ; les nouveaux critères d’éligi-bilité au CAD feront disparaître 13 000 € du bilan.
La chute des cours et la hausse des charges
Deux raisons expliquent la chute du revenu, indique Mickaël Bazantay. Deux facteurs d’impact quasiment équivalents, estiment les éleveurs. Le premier, c’est la chute des cours, décelable dès 2007 : « 2006 restera, pour les éleveurs bovins, l’année de référence », précise-t-il. La hausse des charges ensuite. Et d’énumérer les nouvelles charges qui plombent les comptes des exploitations : la FCO dont le coût peut être estimé à 4 euros/animal, la taxe équarrissage, la redevance élevage… sans compter la hausse des matières premières et de l’énergie. La grande diversité du marché bovin (animaux gras, jeunes bovins, marché du maigre…) complique le tableau. « Quand l’un de ces secteurs va mal, c’est l’ensemble qui pâtit », explique Mickaël Bazantay. A joué aussi, sur le marché, l’arrivée de vaches laitières de réforme. « L’Union européenne avait créé des dispositifs de gestion des marchés qui sont aujourd’hui affaiblis et l’intervention n’est plus suffisante », remarque Christiane Lambert, présidente de la FDSEA. De plus, nous craignons beaucoup ce que réserve l’OMC ». Autant de motifs d’inquiétude. « On parle beaucoup de crise pour les salariés, mais en agriculture, c’est insidieux. »
1 exploitation sur 2
Car personne, dans le secteur de la viande bovine, n’est épargné. Et moins encore les jeunes installés :
« Les charges ne font pas de différence d’âge », commente Frédéric Vincent, le président de JA49. Ou encore les « nouveaux investisseurs », ceux qui, en vitesse de croisière, choisissent de continuer à se développer. Il faut donc jongler avec les dépenses, réduire le train de vie, limiter au maximum pour éviter de se retrouver dans le rouge à la banque. « C’est le fournisseur qui fait crédit », remarque un éleveur. « Depuis plusieurs mois, on constate une baisse du taux de recouvrement des factures », confirme Jean-Paul Piet, le président d’Afga.
Que faire alors pour ce secteur rongé par la crise ? Quel avenir pour cette production qui occupe une exploitation sur deux dans les Mauges ? Les responsables agricoles veulent appuyer sur deux leviers, celui des pouvoirs publics et celui de Bruxelles. Au représentant de l’État, ils ont formulé plusieurs demandes : une « année blanche » pour les annuités d’emprunt. « L’État s’est montré capable d’aider les banques », glisse au passage Mickaël Bazantay ; le versement des aides à la trésorerie prévu dans le plan Barnier, voici onze mois ; des avancées sur le dossier équarrissage. Le responsable de la section bovine pointe également la mise sous le boisseau du rapport Perrin sur la non utilisation par certains abattoirs de la machine à classer, ce qui engendre un manque à gagner de 75 à 80 euros par animal. Quant à l’acompte sur les aides Pac, avancé certes au 16 octobre au lieu du 1er décembre, il ne sera que de 70 %, au lieu des 80 % demandés. Enfin, la Loi de modernisation devra prévoir les modalités de la contractualisation et le rôle de l’interprofession.
Reste Bruxelles. Une rencontre est prévue, fin août, sur une exploitation de Segréen, avec Christophe Béchu, président du Conseil général, désormais député européen et membre de la commission agricole. Nul doute que les demandes à destination de la commission européenne lui seront formulées. Car, pendant les vacances, la crise continue.
mlr