Hemp'It, chanvre à part
A Beaufort-en-Vallée, la coopérative Hemp’It produit des semences de chanvre pour l’industrie et l’agriculture. Elle s’appuie sur un écosystème local entièrement autonome, de la récolte
à la certification des produits.
La Coopérative centrale des producteurs de semences de chanvre (CCPSC) voit le jour à Beaufort-en-Vallée en 1965. Trois-cents hectares de chanvre industriel sont alors implantés dans la région, avec des rendements en paille de 7-8 t/ha, et en semences de 500-600 kg/ha.
Les membres de la CCPSC régulent eux-même la production, suivant le principe de « l ‘épuration ». « Aujourd’hui, grâce au travail de sélection sur les semences pré-base, on est en mesure d’assurer la pureté monoïque de 95 % de notre chanvre, de la 1ère à la 4ème génération », énonce Christophe Février, directeur de la coopérative rebaptisée Hemp’It (de l’anglais hemp, chanvre). L’épuration consiste donc à éradiquer des parcelles tous les pieds dioïques résiduels, afin d’éviter la pollinisation croisée. Ne portant pas à la fois des fleurs femelles et des fleurs mâles - à l’inverse des monoïques, ces plantes sont également responsables de décalages de maturités. Et de baisses de rendements, par conséquent. « L’élimination des spécimens dioïques mâles a lieu en juillet-août, un à deux mois avant la récolte. Il faut passer dans le champ tous les 2 jours – soit à pied, soit à l’enjambeur », développe Christophe Février. Contrôle visuel suivi d’une inspection de l’agent certificateur du SOC1.
Le producteur récolte le matin, pour livrer son chanvre l’après-midi chez un prestataire ou sur le site historique de Hemp’It aux Sables, à Beaufort, afin d’y être séché. Les semences transitent ensuite par les appareils de tri et de nettoyage de l’usine.
« Le passage sur la table densimétrique nous permet de déterminer le taux d’impuretés, l’une des bases du prix payé aux exploitants », indique le directeur de Hemp’It. Celui-ci varie entre 1,70 € et 2,20 € / kg de semence certifiée - avec des rendements aux alentours de 1,2 t/ha.
La culture du chanvre est de plus en plus rentable, à l’évidence, ce qui explique en partie le doublement en 5 ans des volumes produits et des surfaces : 1 720 t et 1 550 ha en 2018. Répartis entre 155 exploitations, situées dans une zone de 100 km2 s’étendant de la Vallée à Loudun (86).
Le niveau de rémunération des adhérents n’est que la juste contrepartie d’une culture très technique. « Et notre souhait serait de le voir encore progresser », escompte le dirigeant de la coopérative.
Cannabis sativa L pâtit en effet « d’une forte sensibilité à l’égrenage par le vent », et d’une fragilité supplémentaire à l’égard de la lumière et de la chaleur, en raison de sa proportion élevée en composants oléiques. « Cette plante est apprivoisée, note Christophe Février, pas standardisée comme le maïs ou le blé. » Installé depuis peu au coeur des activités de production d’Hemp’It, un laboratoire de R&D travaille à conférer aux pieds de chanvre davantage de robustesse. Après analyse d’échantillons par la Snes2, à Angers, les semences sont certifiées. Prêtes au conditionnement en sacs de 2, 5, 25 kg, en big-bags d’1 t, etc.
La diversité des marchés approvisionnés n’a d’égale que la complexité de la conduite d’une parcelle de chanvre. Espèce dont tous les produits sont valorisables. La fibre, le plus connu, provient de la paille. Inodore et d’une grande élasticité, elle intéresse le secteur de la plasturgie (automobile, aéronautique, construction nautique...), où elle est substituée à moindre coût à la fibre de verre. Les industries du textile, de la papéterie spécialisée et de l’isolation de bâtiments sont aussi clientes.
Sur ces débouchés, les principaux concurrents sont américains, canadiens, et à court terme chinois. Partie centrale et dure de la tige de chanvre, la chènevotte est quant à elle employée dans le paillage animal et horticole, en particulier. Dans ce domaine, la clientèle se recrute principalement parmi les jardineries grand public. Il y a enfin le chènevis, ou graine de chanvre, utilisée brute pour la pêche et l’oisellerie, et matière première dans la fabrication d’huiles alimentaires et de condiments. Toutes filières confondues, « 71 % des semences commerciales que nous produisons sont exportées, en Europe, Amérique du Nord, Australie et Nouvelle-Zélande », révèle Christophe Février.
1 Service officiel de contrôle et de certification.
2 Station nationale d’essais de semences.