Maine-et-Loire
La boule de fort, sport de l'Anjou
À Baugé-en-Anjou, ville de départ de la flamme olympique lors de son passage en Anjou mardi, on célèbre en ce moment une discipline non olympique mais bien locale, la boule de fort.
À Baugé-en-Anjou, ville de départ de la flamme olympique lors de son passage en Anjou mardi, on célèbre en ce moment une discipline non olympique mais bien locale, la boule de fort.
Depuis le 6 avril, le Château de Baugé consacre une exposition à ce "sport de l'Anjou". Un loisir singulier, qui se pratique non pas en baskets mais en chaussons, avec ses boules non sphériques, dotées d'un côté plus "fort" que l'autre, qui cheminent très lentement sur une piste concave pour s'approcher le plus possible du "maître".
Activité emblématique de l'Anjou depuis plusieurs siècles, elle perdure. Sur les 400 sociétés que l'on compte actuellement, 80% sont situées dans le Maine-et-Loire. Aux Rosiers-sur-Loire, le semencier à la retraite Jean-Pierre Mazé est un habitué du jeu. Il est adhérent depuis 1974 du Cercle des Agriculteurs. Il s'y est beaucoup investi : "je suis entré dans le bureau, comme secrétaire, en 1991, j'ai été élu président en 1999, jusqu'en 2010, et je suis maintenant simple membre", relate Jean-Pierre Mazé. L'ancien agriculteur a été aussi 24 ans conseiller municipal de sa commune et garde aujourd'hui des responsabilités à la FDSEA de Maine-et-Loire, en tant que président de la section des bailleurs. Il a été témoin de l'évolution des sociétés de boule. "À ce jour, il reste 3 cercles aux Rosiers, mais il y en a eu jusqu'à une bonne dizaine", se souvient-il. Beaucoup de jeux étaient extérieurs autrefois, ils étaient fabriqués en argile, et devaient être régulièrement arrosés et roulés. L'entretien s'est nettement simplifié depuis que les pistes sont couvertes, construites en béton et recouvertes d'une résine. Un artisan des Rosiers en fabrique encore.
La commune a connu la même tendance que l'Anjou, où l'on a compté, à la fin du XIXème siècle, un millier de sociétés. Il y en avait souvent plusieurs par village et celles-ci se créaient en fonction des affinités, des métiers, ou autour de valeurs. Les noms en témoignent : la Paix, l'Amitié, l'Union, le Commerce... Aux Rosiers, les cercles encore existants portent des noms qui rappellent leurs origines (les Amis réunis, l'Agriculture et les Sablons).
Fondé en 1875, le Cercle des Agriculteurs, qui rassemble aujourd'hui des gens toutes les professions, de 37 ans à plus de 85 ans, compte 70 sociétaires. Tous co-propriétaires du local, ils se relaient pour effectuer la conciergerie, à raison de 15 jours chacun. "Le cercle est ouvert tous les jours", souligne Jean-Pierre Mazé. Lieu de sociabilité, régi par un règlement intérieur, son fonctionnement repose sur le bénévolat. Ses membres se retrouvent régulièrement, notamment pour la traditionnelle mise en bouteille des vins ou les corvées de nettoyage.
Jean-Pierre Mazé se sent ici chez lui : "c'est le point de rencontre. Quand j'avais encore l'exploitation, il m'arrivait de venir au cercle, même en vêtements de travail, ce que je n'aurais pas fait dans un café du bourg". Le cercle n'est ouvert qu'aux sociétaires et à leurs invités. S'il compte aujourd'hui 3 femmes sur les 70 associés, il a, comme tous les jeux de boule de fort, longtemps été exclusivement masculin.
L'agriculteur retraité est satisfait que son cercle ait pu perdurer. Il a résisté à la crise du Covid, qui a mis à mal des lieux de sociabilité : "plusieurs sociétés qui n'étaient pas propriétaires de leur local et qui payaient un concierge ont fermé".
De jeunes agriculteurs aussi
La discipline intéresse aussi les plus jeunes et permet de rapprocher les générations. Au Louroux-Béconnais, a lieu chaque année un concours associatif auquel s'associent les JA. "Trois équipes de 2 jeunes y participent", explique Julien Rio, éleveur laitier de 29 ans, qui se souvient voir son grand-père jouer, lui aussi à la boule de fort. "Avec mon équipier Corentin Martin, nous sommes allés jusqu'en demi-finale la première année où nous avons participé", se réjouit Julien Rio. Une belle performance, car ils s'entraînent bien moins souvent que leurs aînés... "Nous sommes souvent les plus jeunes du tournoi ! Cela permet de passer un bon moment, les plus anciens nous racontent des histoires". Il faut avoir du temps devant soi, car les parties peuvent durer plus de 2 heures. Heureusement pour eux, le concours se déroule après les moissons...