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La cameline en dérobée : un potentiel à développer

  Les opportunités de débouchés industriels pour la cameline, notamment comme carburant dans l’aviation, sont favorables à cette culture en dérobée.

Appartenant à la famille des Brassicacées, la cameline est une plante moins connue que le tournesol et le soja. Mais depuis quelques années, elle intéresse la communauté agricole, scientifique et industrielle, pour ses nombreux atouts en tant que culture dérobée. Dans le cadre des rencontres techniques digitales de Terres Inovia, Domitille Jamet les a détaillés. « C'est une plante à cycle court, allant de 90 à 100 jours selon les variétés et demandant entre 1 600 et 1 900 degrés jours pour arriver à maturité, introduit-elle. C'est aussi une culture rustique, peu exigeante en eau, en intrants, peu sensible aux températures élevées et résistante aux bio-agresseurs ».


Implantation critique
Pour insérer la cameline dans une rotation, mieux vaut choisir un précédent qui se récolte tôt, tel l'orge ou le pois, « pour un objectif de levée fin juin/début juillet ». « Mais une légumineuse en précédent permet de faire l'impasse sur l'apport d'azote », conseille l'ingénieure de Terres Inovia. « L'implantation de cette graine, très petite, est une opération critique, admet-elle. Mieux vaut privilégier le semis direct, à faible profondeur (1 à 2 cm), pour favoriser une levée rapide et vigoureuse, avec une densité de 8 kg/ha. Enfin je recommande le retrait des pailles ». Les conditions idéales pour le cycle de la cameline sont ensuite une pluie de 20 mm et un cumul de 1 700 degrés jour, sans dépasser les 35°C, avant fin octobre.

La récolte de la cameline est encore aujourd'hui "aléatoire". « Le rendement objectif est de 10 q/ha alors que son potentiel est de 17 q/ha, rappelle Domitille Jamet. La technique du fauchage andainage donne néanmoins des perspectives pour améliorer ce résultat ».  Très peu pratiquée, cette méthode vise à « accélérer le cycle des cultures ». « On gagne ainsi 6 points d'humidité sur le soja », indique Louis-Marie Allard, de Terres Inovia. Il suggère de déclencher le fauchage lorsque les premiers étages de la plante jaunissent, « en coupant à une hauteur de 5 à 10 cm du sol pour préserver les gousses basses » et ensuite « de ne pas retourner l'andain afin d'éviter l'égrenage ». La récolte, facilitée sur sol sec, est possible avec une moissonneuse-batteuse, avec une coupe à tapis classique. « Elle  est vraisemblablement possible aussi avec un pick-up », considère-t-il.


Carburant aérien durable
Adaptée au contexte estival dans le Nord-Ouest de la France, la cameline a non seulement un intérêt agronomique et environnemental - faible en intrants et en émissions de gaz à effets de serre -, mais aussi un intérêt industriel.  De nombreux débouchés sont d’ores et déjà identifiés dont celui de la filière carburant pour l’aviation. L’évolution de l’accord mondial Corsia(1) permet en effet aux “ productions additionnelles des surfaces agricoles” d’être utilisées comme matière première pour le carburant aérien durable. La réglementation européenne a commencé à décliner cet accord en validant une liste des intercultures éligibles et fixant des taux d’incorporation d’ici 2050(2). Saipol, engagé depuis six ans dans le développement de la carinata en Argentine « avec un potentiel de 20 millions d’ha pour un objectif d’1 million de t d’huile », a rejoint un groupe d’acteurs (Terres Inovia, le semencier espagnol Camelina Company et une dizaine de coopératives du Nord-Ouest de la France), autour du développement de la cameline. Entre 2020 et 2022, la surface cultivée est passée de 1 350 à 1 800 ha.  « Le secteur aérien est intéressant, confirme Christophe Beaunoir, directeur général de Saipol. Car l’usager est prêt à payer pour son impact environnemental. Cela représente donc un gisement de valeur avec des volumes colossaux. Le débouché n’est pas le facteur limitant, mais plutôt la capacité de doubler le prix de ces huiles par rapport aux huiles alimentaires, et aussi leur rendement ».

 

(1) Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA)
(2) Tous les vols au départ de l’Union européenne seront obligés d'incorporer une part minimale de CAD de 2 % dès 2025. Cette part augmentera ensuite à 6 % en 2030, 20 % en 2035, 34 % en 2040, 42 % en 2045 et 70 % en 2050.

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