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L’agriculture Burkinabé change
Afdi œuvre en collaboration avec les paysans du Burkina Faso depuis 30 ans. Entre agro-business et agriculture familiale, des changements sont à l’œuvre dans ce pays.
Sept millions d’habitants il y a trente ans, quand Afdi a commencé les échanges avec le Burkina Faso. 17,5 millions aujourd’hui, et sans doute
25 millions d’ici 25 ans. La croissance démographique de ce pays d’Afrique de l’Ouest est “la principale angoisse des dirigants”, explique Bertrand Métayer, animateur d’Afdi Pays de la Loire. “Entre les années 80 et aujourd’hui, les paysans ont réussi à nourrir le pays, mais qu’en sera-t-il demain ?” La sécurité alimentaire est, avec l’emploi, le gros enjeu des années à venir. D’autant plus que la croissance du pays, de 8 %, reste très aléatoire car “liée à l’exploitation des matières premières, l’or (on assiste aujourd’hui à une véritable ruée vers l’or) et le coton. Elle est donc très dépendante des marchés internationaux.
Qu’en est-il de l’agriculture ? Sur 9 millions d’hectares agricoles, 45 % seulement sont mis en oeuvre. Beaucoup de terres restent à exploiter en céréales locales, le mil, le sorgho, le maïs, le fonio... Des terres très pauvres, mais “pas perdues. On récupère les sols grâce à des techniques locales comme le zaï. Un travail colossal qui permet d’obtenir des rendements en céréales de l’ordre de 1 à 3 tonnes à l’hectare. C’est une réussite pour la sécurité alimentaire des familles et du pays”, souligne l’animateur.
L’agriculture emploie 84 % des actifs du pays, qui sont d’ailleurs souvent des pluriactifs. Pour une majorité d’entre eux, il s’agit encore d’une agriculture de subsistance. Depuis trente ans, un certain nombre de changements sont toutefois apparus. Les cultures maraîchères, pour lesquelles Afdi a apporté un appui technique, se sont beaucoup développées, en contre-saison. Ainsi que la culture attelée. En élevage, on voit apparaître des mini-laiteries. Mais est on loin de la notion de paysan à temps plein. La diversification des revenus est encore la règle. Mais cela évolue, notamment grâce à la mise en place de réseaux d’irrigation. “En saison sèche, on observait avant un exode des hommes vers les pays cotiers pour travailler dans les cultures de café, de cacao... Cette migration, qui pouvait durer trois à six mois de l’année, n’existe quasiment plus”, explique Bertrand Métayer. “Lorsque le revenu est là, les gens n’ont plus à partir”, constate Marc Colas, le président d’Afdi Maine-et-Loire.
Grands barrages en projet
Plutôt bon éleve auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, le Burkina Faso consacre plus de 10 % de son budget au secteur agricole. “Le pays respecte là les engagements de Maputo pris en 2009”, explique Bertrand Métayer. Un engagement, mais pour quelle politique agricole ? “L’état burbinabé considère que l’agriculture familiale n’arrivera pas à nourrir le pays”, résume Bertrand Métayer. Cet état mise sur de grands aménagements et se lance dans la construction de barrages comme celui du lac de Bagré (1,7 millions de m3), qui a coûté 50 millions d’euros et qui bénéficié, notamment, d’un financement de l’Opep. “à ce jour, quatre projets de ce type sont dans les tuyaux”. Ces aménagements ne sont pas de nature à promouvoir une agriculture familiale, souligne Afdi. Et cette politique aurait des conséquences fâcheuses pour les populations locales. “Pour mettre en valeur les terres dans la vallée de Sourou (au nord du pays), on fait venir des populations d’autres régions. Ce brassage se traduit par un échec total”, relate Bertrand Métayer. Les organisations professionnelles nationales aidées par Afdi, la Fepab* et la FNGN**, craignent même que des millions de paysans se retrouvent sans terre, comme en Amérique du Sud. Inquiétude renforcée par le fait que des terres sont convoitées pour la culture de biocarburants afin de réduire la facture énergétique du pays.
Les organisations peinent aujourd’hui à prouver aux pouvoirs publics que l’agriculture familiale pourrait, grâce à de nouveaux aménagements en matière d’irrigation par exemple, -et à condition que cette agriculture soit suffisament rémunératrice-, relever le défi alimentaire. Leur représentativité est fortement contestée. “L’état leur reproche de ne pas représenter les 84 % d’actifs agricoles du pays”. L’enjeu pour Afdi, qui renouvelle en ce moment ses conventions avec la Fepab et la FNGN, est d’accompagner le renforcement et la reconnaissance de ces organisations paysannes. Il en sera sans doute question lors du déplacement, en janvier prochain, de 30 membres d’Afdi Pays de la Loire au Burkina Faso.
S.H.