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Lait
L'art de vivre et de produire : des éleveurs laitiers prennent la parole

Dans la perspective de la fin des quotas, les éleveurs s’interrogent sur leur volonté et leur capacité à produire plus. En jeu : l’équilibre travail, revenu et vie personnelle.

Lydie Robert, Christophe Gohier, Luc Boulestreau, Daniel Hautbois, Benoît Rubin.
Lydie Robert, Christophe Gohier, Luc Boulestreau, Daniel Hautbois, Benoît Rubin.
© AA

“Ce n’est pas parce qu’on libère du lait que l’on va maintenir une ambiance laitière”, a tenu à souligner Pascal Gallard, président du pôle élevage de la Chambre d’agriculture lors de la journée Lait qui a rassemblé plus de 250 personnes mardi à La Pommeraye autour du thème “l’art de vivre et de produire”. Difficile de savoir en effet, aujourd’hui, quelle orientation va prendre chaque exploitation tant les situations, les attentes, les projets sont divers. Quelle production, quel revenu, pour quelle charge de travail et pour quelle qualité de vie ? Comment concilier une augmentation de la production avec l'art de vivre, quand un certain nombre d'éleveurs trouvent déjà leur charge de travail excessive ? Quelle solution en termes d'organisation, d'équipement, de salariat ? Plusieurs éleveurs ont témoigné au cours de cette journée.

Étienne Augeul : “Mes objectifs : vivre de mon travail, voir mes enfants grandir, travailler dans la nature, avoir un salaire digne, payer mes dettes... autant d'objectifs dépendants les uns des autres”. À La Chapelle sur-Oudon, Étienne Augeul, marié et père de trois enfants, a formé un Gaec avec un tiers en 2000, une association résultant de la reprise de deux exploitations familiales. 120 hectares, 370 000 litres de lait. Étienne Augeul ne conçoit pas de vivre son métier seul. Il fait partie depuis dix ans d'un groupe de progrès, il a réalisé avec son associé un audit sur le travail, il a aussi plusieurs engagements à l'extérieur, autant de moments qui aident à “lever la tête du guidon”. “Le projet d'entreprise est très important, mais il y a autre chose autour de nous”, résume-t-il. Augmenter la production à la disparition des quotas ? : “pourquoi pas, répond l'agriculteur. Mais pas n'importe comment, pas à n'importe quel prix”. Si la décision appartiendra au Gaec, il compte bien en discuter auparavant en groupe de progrès.

Luc Boulestreau : Ancien contrôleur laitier, Luc Boulestreau s'est lancé un challenge en s'installant : de conseiller, il est passé éleveur, seul à la tête d'un cheptel de 30 vaches. Changement de statut, de mode de vie : il aime la liberté et la souplesse qu'offre le métier dans l'organisation de ses journées, de ses semaines : “se libérer pour envoyer les enfants à l'école”, par exemple. Les vacances sont bien sûr plus rares : une semaine l'été, pendant laquelle son père, jeune retraité, le remplace. Depuis son installation, il n'a de cesse d'aménager l'exploitation de manière à pouvoir faire face seul à la charge de travail : silo sandwich (herbe + maïs ensilage superposés), bâtiment neuf...

Christophe Gohier : Pour cet éleveur en Gaec, il est primordial de pouvoir “travailler sans jamais être sous pression”. Avec son associé, ils mettent tout en œuvre pour éviter se trouver dans cette situation : une organisation basée sur la traite, qu'ils effectuent chacun une semaine sur deux. Tout a été aménagé pour limiter le temps d'astreinte (stabulation, salle de traite, rabots hydrauliques, dal, dac...) Christophe Gohier est adjoint au maire, une fonction qu'il concilie bien avec le métier d'éleveur. Produire davantage ? L'éleveur trouve qu'on met un peu trop la pression par rapport à cette échéance de 2015 qu'il compare “au bug de l'an 2000”. “Notre but n'est pas de faire le maximum de lait, peut-être un peu plus, mais pas de façon démesurée. Humai-nement, je ne vois pas comment on le pourrait”. Il y a aussi des facteurs  limitants : “Nous disposons de 42 hectares non irrigués dans les Mauges, situés en bordure de bourg”. “Si financièrement on peut faire sans, on fera sans.” “La notion de parcellaire va être déter-minante”, a commenté Daniel Hautbois, conseiller Chambre d'agriculture. Augmenter la production va bouleverser les systèmes d'alimentation. Il faut savoir que parfois les derniers litres coûtent très cher, sont en limite de rentabilité”.

Lydie Robert : Avec son mari, Lydie Robert a fait le choix de monter une SCL avec un voisin éleveur. Une forme juridique qui apporte à la fois “sécurité” et “liberté”, apprécie la jeune femme. “Faire plus de lait pour gagner plus, c'est tentant, car on veut sécuriser au maximum le revenu. Mais on veut aussi se garder du temps libre, des vacances. Tout cela est difficilement conciliable. C'est pourquoi nous réfléchissons à investir dans un robot de traite, mais cela est  très coûteux. Le collègue, qui des vaches allaitantes, se pose, lui, la question de les garder.” Dans son choix, l'éleveuse veillera avant tout “à conserver l'équilibre familial” et à “éviter un trop fort endettement”. La réflexion n'est pas close.

S.H.

Se projeter après 2015

Stables, modérés ou développeurs ?

La Chambre d’agriculture a réalisé en février une enquête sur le positionnement des éleveurs laitiers de Maine-et-Loire après 2015. “L’objectif était de dresser un état des lieux sur le volume de travail, la satisfaction des éleveurs, détaille François Battais, de la Chambre d’agriculture. Il s’agissait aussi de voir comment se projettent les gens dans l’après-2015 et d’analyser si les moyens de l’exploitation sont en phase avec les objectifs de production”. 1850 questionnaires ont été envoyés avec un taux de retour de 12 %.
Principal enseignement : les agriculteurs interrogés sont à 68 % satisfaits de leur travail. Après la fin des quotas, ils déclarent en moyenne vouloir produire 14 % de lait supplémentaire.
On distingue trois grands profils d’éleveurs : les “stables” (35 %) ne souhaitent pas produire plus. Les “modérés” (32 %) prévoient une hausse de 10 % des volumes. Les “développeurs” (33 %) ambitionnent de produire 33 % de plus (beaucoup d’entre eux sont équipés en robots de traite). Produire davantage nécessitera une adaptation des équipements de traite, et du temps et de l’organisation du travail. L’autonomie fourragère et la SAU peuvent être des facteurs limitants tout comme l’environnement.
“L’embauche d’un salarié est une hypothèse très peu envisagée par les producteurs, c’est pourtant une solution intéressante surtout quand on travaille seul”, note François Battais.

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