Crise
Un “avocat de l’agriculture” à Bruxelles
Le député européen Christophe Béchu s’est engagé à défendre, à Bruxelles, la position des agriculteurs français et du Grand ouest. Convaincra-t-il Mariann Fischer Boel ?
Au Gaec de la Chaussepierre, à Thorigné-d’Anjou, les salaires ont été amputés d’un tiers en raison de la baisse du prix du lait et de la hausse des charges. L’exploitation produit 660 000 litres de lait, de la volaille label et des poules pondeuses. Pour avoir un outil de travail performant, les quatre associés ont investi, mis aux normes, aménagé. « Quand on s’installe, il faut que l’outil soit rémunérateur », commente Yannick Forestier. Installé en 2001 sur l’exploitation familiale, rejoint en 2008 par Anthony Mezière, le jeune agriculteur a expliqué sa situation à Christophe Béchu, président du conseil général de Maine-et-Loire, mais aussi député européen nouvellement élu, membre de la Commission agricole européenne. Ce choix n’est pas le fruit du hasard et Christophe Béchu entend faire entendre sa voix, parmi ses 46 autres co-élus, face au parlement européen mais aussi auprès de Mariann Fischer Boel, la redoutable commissaire que la commission devait rencontrer ce mardi et ce mercredi. Une Mariann Fischer Boel plus déterminée que jamais. Qui n’exclut pas de rempiler à sa fonction pour un second mandat et qui campe sur ses positions (voir page 11).
Un travail de fond
C’est la troisième fois cet été que la FDSEA organise une rencontre sur des exploitations. Un travail de fond, d’information et de prospective. La première de ces visites s’est déroulée sur une exploitation bovine de La Tessoualle, le 4 août. Au secrétaire général de la Préfecture, Louis Le Franc, avaient été exposées les difficultés récurrentes auxquelles cette production, qui occupe une exploitation sur deux dans les Mauges, est confrontée. La semaine dernière, c’est le préfet, Marc Cabane, qui se rendait sur une exploitation de Saint-Lézin pour mesurer l’ampleur de la crise qui touche la production
porcine. Enfin, ce lundi, Franck Guehennec, responsable Lait de la FRSEAO, récapitulait pour le député européen et les élus locaux, les raisons de la crise laitière et ses conséquences. « Nous avons toujours été opposés à la suppression des quotas mais les 27 États-membres, dont la France, ne nous ont pas suivis sur ce point. Face à cette situation, plutôt que la démagogie, nous préférons adopter une logique d’adaptation pour que les volumes produits correspondent aux besoins du marché. C’est un nouveau rapport de force qui doit s’établir par le biais d’une contractualisation collective ». Et de rappeler, au député européen, la remise en cause de l’interprofession par les services de la DGCCRF qui a emboîté le pas à Bruxelles. « Nous attendons votre concours pour que l’interprofession soit consolidée et légitimée ».
Par ailleurs, la mise en place d’un identifiant français permettrait de positionner socialement, environnementalement et économiquement les produits français. « Une dimension d’aménagement du territoire auquel je suis très attaché », a souligné ChristopheBéchu. Le député européen sait le poids que représente la production laitière dans le Grand ouest : 8 milliards de litres de lait, des entreprises, des emplois, un maillage.
Enfin le travail de transparence sur l’équilibre de la valeur ajoutée, initié il y a quelques mois et pour lequel s’est engagé le Président de la République, à Daumeray, en annonçant une loi de modernisation agricole, doit être poursuivi. Le rapport au CESE présenté par Christiane Lambert est explicite sur ce point : « Sur un litre de lait payé 0,32 euro au producteur en juin 2008, sa marge est de 0,08 pour une astreinte de 365 jours par an. La grande distribution, pour un stock de 6 jours, gagne 0,35 sur un litre de lait demi écrémé UHT, marge à laquelle s’ajoute le gain sur les produits dérivés (crème, yaourts, etc) », a rappelé Christiane Lambert (voir article ci-dessous).
Enfin, Joël Limouzin, président de la FRSEA pays de la Loire et Laurent Kerlir, président de la FRSEA Bretagne, ont également rappelé les difficultés de la viande bovine et de la production porcine.
Ce n’est pas donc un cahier de doléances qui a été remis au député européen, mais un dossier de perspectives, de réflexions et de propositions argumentées en vue du maintien d’un secteur d’activité qui mérite, aux yeux des agriculteurs, autant de soutien que celui de l’automobile et des banques. Christophe Béchu s’est bien gardé de contredire ces orientations, et s’engage à les défendre en avançant le projet d’une nouvelle Pac, à savoir une « politique d’alimentation commune qui fasse comprendre aux consommateurs qu’ils en sont les premiers bénéficiaires et où le terme régulation n’est pas un gros mot ».
Quant au court terme, il doit être traité par « des mesures exceptionnelles ». La voix de l’ “avocat de l’agriculture”, comme le désigne Christiane Lambert, sera-t-elle entendue ? La présidente de la FDSEA prend date pour « faire des points réguliers sur l’avancée des dossiers ».
m. l.-r.