Vache connectée, vache heureuse ?
Pour leur 4ème édition, les rendez-vous de l’agriculture connectée #esaconnect, organisés par l’Esa d'Angers, se sont penchés sur l’impact du numérique en matière de santé et bien-être. Notamment des animaux.
« Tout semble assez simple. Les start-up proposent des solutions, que les agriculteurs peuvent mettre en place. Mais en réalité, les nouvelles technologies numériques transforment les métiers agricoles, et on identifie un certain nombre de tensions », analysait la sociologue Bertille Thareau, titulaire de la chaire des Mutations agricoles de l’ésa, en ouverture des 4èmes Rendez-vous de l’agriculture connectée, le
21 novembre à Angers.
L’agriculture connectée est porteuse de nombreuses promesses pour une meilleure santé et un meilleur traitement des animaux. Mais lorsqu’on équipe des vaches avec des colliers connectés, ne risque-t-on pas de réduire l’animal à un ensemble de données et de standardiser les choses ? Et l’image renvoyée par des animaux hyperconnectés, entourés de robots, est-elle compatible avec la demande sociétale ? Pour en débattre, une table ronde réunissait plusieurs acteurs de la santé animale le matin, dont l’éleveur ligérien Christophe Sablé, élu Chambre d’agriculture. Pour estimer le bien-être animal, les productions spécialisées sont beaucoup plus avancées à ce jour, mais « des outils se développent en ruminants pour analyser le déplacement, la rumination, et demain le suivi de la température », indique Christophe Sablé.
Vaches et poulets équipés de GPS
Jusqu’où aller dans l’utilisation des nouvelles technologies numériques ? Guillaume Ardillon, directeur digital groupe chez Terrena, rappelle que la coopérative travaille avec une association welfariste sur les questions de bien-être animal. Des applications smartphone pour techniciens et agriculteurs ont été déclinées pour travailler sur cinq axes du bien-être animal et fournir des conseils. Mais Guillaume Ardillon s’interroge sur les limites du développement numérique : « aujourd’hui, on peut poser sur une vache des dizaines de capteurs, on est capable de le faire. La Chine va le faire, elle a annoncé qu’un milliard de vaches vont être équipées de GPS... Il est aussi question d’équiper des poulets de GPS pour valoriser leur nombre de pas au niveau du consommateur ».
L’outil numérique est sans doute à concevoir comme complémentaire à l’observation humaine, indique Claire Manoli, responsable de l’unité de recherche sur les systèmes d’élevage à l’Esa : « on est sur l’idée de combiner les choses, et c’est intéressant dans le cadre de l’agrandissement des troupeaux ».
L’outil numérique, une troisième main
Le numérique est conçu par certains acteurs comme un précieux outil d’aide au diagnostic, c’est le cas de “2ème avis” créé par la société en santé animale
Pronozia. « Le numérique est bête. Il n’a libre arbitre, ni sensibilité, il ne donne pas de diagnostic, souligne Patrice Domas, de Pronozia. Mais il peut aider le vétérinaire à penser à des hypothèses qu’il n’aurait pas envisagé », pour plus de prévention et plus de précision. Aujourd’hui, « l’outil numérique est une 3ème main ». Denis Avignon, vice-président de l’ordre des vétérinaires, le rejoint, considérant que les outils numériques doivent participer « à la création d’un vétérinaire augmenté ».
Et qu’en est-il de la relation de l’éleveur avec ses animaux ? Pour Christophe Sablé, « le numérique change la façon d’appréhender l’observation ». Il apporte des outils d’aide à la décision, avec cette réserve qu’il est nécessaire de former l’agriculteur à son utilisation : il faudra notamment veiller à « ne pas se retrouver enfermé par les alertes qu’il génère ». Et privilégier le « smart data au big data », comme le suggère
Patrice Domas.
S.H.