“La décision du tribunal de Quimper est déconcertante pour les producteurs mais était prévisible. Pourtant l’accord entre partenaires avec Sofiprotéol paraissait le plus judicieux. À quoi tient cette décision ? Une dévotion totale envers un grand patron “breton” ? Le refus d’entériner une solution globale sans pouvoir affirmer “leur solution” ? Ce qui est sûr, c’est que la décision n’a rien réglé, bien au contraire.Par ailleurs, c’est non sans agacement que j’entends certains commentaires de ceux qui pensent à la place des producteurs et leur donnent des leçons sur leur compétitivité. Dans la filière, scindée en quatre collèges (éleveurs, couvoirs, aliments, abattage) le maillon faible, c’est bien celui de l’abattage alors que ce sont les “donneurs d’ordre” qui tiennent le gouvernail. Une étude de l’Itavi (Institut technique de l’aviculture) fait ressortir que le coût de production sorti élevage est correct vis-à-vis de nos concurrents européens. Par contre, les unités d’abattage sont beaucoup moins compétitives, notamment sur la massification de l’offre, les relations avec la grande distribution, la dimension des abattoirs… Les abattoirs sont peu rentables car tous les gains de productivités ont été cédés à la grande distribution. Il faut aller plus loin dans la transformation vers des produits “élaborés”, ce que n’a pas su faire le groupe Doux sur les produits frais avec la marque “Père Dodu”.
La variation du prix des céréalesUn autre point aussi sur la négociation des prix avec la grande distribution puisque c’est d’actualité. Depuis 2008 on dépense beaucoup d’énergie toujours pour la même chose, à savoir la variation du prix des céréales avec la spéculation en toile de fond. Il y a un an, deux mois ont été nécessaires pour avoir une revalorisation, et début décembre 2012, le leader de la filière (LDC) accorde une baisse de 4 % à la grande distribution sur, soi-disant, une détente du prix des céréales. Les autres entreprises ont suivi le mouvement par force, excepté Doux qui a refusé à juste raison, mais qui a perdu des volumes de ventes auprès de ses fournisseurs. À un moment donné, il faut choisir. Soit on a une vraie cohérence de filière et on tire tout le monde vers le haut en gardant une dynamique nationale, soit on sacrifie la filière française (salariés et producteurs en tête) pour mieux absorber ses concurrents, comme a voulu le faire Doux avec son aventure brésilienne.
Le marché à l’exportCertains se demandent d’ailleurs, l’intérêt de l’export. C’est vrai que les plus de 50 millions d’aides Pac qui vont au groupe Doux nous interpellent pour l’avenir. Toutefois, si on abandonnait ce marché, d’autres le feront pour nous. Avec ou sans aide, cette production reste à des prix raisonnables et permet d’avoir une certaine paix sociale, en particulier au Moyen-Orient et ça ne laisse pas l’Europe indifférente. Pour en revenir à la grande difficulté du groupe Doux, les producteurs sont inquiets, c’est légitime. Vont-ils trouver des partenaires pour la partie “frais” ? Que va décider le tribunal pour les autres secteurs : redressement ? Liquidation ? Cession à des repreneurs potentiels.Le groupe Doux a décidé de continuer “l’aventure” en entraînant une partie des éleveurs dans cette galère. Dans son projet déposé au tribunal, la banque Barclays va devenir majoritaire. Mais quel peut-être son intérêt principal si ce n’est récupérer sa créance et il est à craindre que l’intérêt des éleveurs vienne loin derrière. C’est inadmissible d’en arriver là quand on sait la dette du groupe envers les éleveurs qui dure depuis des années et s’est accentuée durant les six derniers mois, sans parler des intérêts pour ceux qui ont une ouverture de crédit.Comment l’entreprise Doux, qui doit son succès passé aux éleveurs, peut-elle autant les mépriser et ne pas avoir réagi plus tôt ?
S’organiser au sein d’OPLa solidarité agricole va tout mettre en œuvre pour que chaque éleveur retrouve son dû, même si la bataille sera difficile. Que cette affaire dramatique nous serve de leçon pour mieux nous organiser au sein d’OP (organisation de production) afin d’être de vrais partenaires respectés dans nos différentes filières.”
Jean-François RamondReprise de Doux fraisPas d'offres déposées mais “ça bouge”
Les 1 700 salariés du pôle frais du groupe Doux, placé en liquidation, devraient être fixés sur leur sort le 10 août, date butoir arrêtée par le tribunal de commerce de Quimper pour le dépôt d'offres de reprise : aucune offre n'a été déposée à ce jour (8 août), mais plusieurs noms circulent. “Ca discute, ça bouge (...) on peut espérer que les discussions débouchent sur du concret”, explique une source proche du dossier, qui cite un intérêt pour l'abattoir de poulets de Laval (303 emplois) de la part du groupe LDC, tout comme les abattoirs de Blancafort (Cher, 244 emplois) et Serent (Morbihan, 175 emplois) intéresseraient le groupe Duc. Les discussions entre les différents partenaires se déroulent dans la plus grande discrétion. Concernant les autres activités de Doux, le tribunal a prolongé la période d'observation jusqu'au 30 novembre. La CGT a fait savoir qu'elle avait “décidé de travailler à interjeter appel de la décision”, mais cet appel, qui doit être formulé avant le 13 août, n'est pas suspensif.