Projet Agrinovo
Qui sont les nouveaux agriculteurs ?
Alors que le renouvellement des générations est un enjeu majeur, l'Esa a mené l'enquête Agrinovo, sur les nouveaux agriculteurs, restituée le 20 mars à Angers.
Alors que le renouvellement des générations est un enjeu majeur, l'Esa a mené l'enquête Agrinovo, sur les nouveaux agriculteurs, restituée le 20 mars à Angers.

3 400 agriculteurs ont répondu à l'enquête lancée par l'Esa auprès de 28 000 exploitants installés en 2018 et 2022, dans le cadre d'un appel à projet du ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, sur le thème des nouveaux actifs agricoles. L'objectif était de mesurer les effets des expériences professionnelles pré-installation sur la pratique du métier, et de "dépasser l'opposition un peu simple entre Nima, non issus du milieu agricole, et Ima, issus du milieu agricole", a expliqué Caroline Mazaud, enseignante-chercheuse en sociologie à l'Esa.
5 profils-types
L'agriculture est-elle toujours une affaire de famille ? Pour plus de la moitié des installés, oui, puisqu'ils sont 55 % à avoir au moins un parent agriculteur. Qui sont les autres ? Agrinovo a ressorti de cette enquête 5 profils types de nouveaux agriculteurs.
Les "héritiers bien préparés"
Les héritiers bien préparés, 34 % des installés, représentent le groupe le plus important en nombre. Ils se définissent en majorité comme "chefs d'entreprise" (59%). Dans ce groupe, surtout masculin (à 81 %), 96 % des installés sont au moins un parent exerçant dans le métier. Ils s'installent plutôt jeunes, puisque 80 % ont moins de 35 ans au moment de l'installation, et la moitié ont même moins de 25 ans. Ils ont bénéficié d'une immersion précoce dans le monde agricole. Si la majorité des héritiers bien préparés vont reprendre une exploitation existante, et souvent familiale, dans une logique patrimoniale et identitaire, une petite part (15 %) créent leur propre structure. C'est le cas, par exemple, de Nicolas Gaultier, de La Jumellière, qui a participé à l'enquête.
Agrinovo qualifie ces héritiers bien préparés comme un "pilier structurant du monde agricole français". C'est sans surprise dans ce groupe que l'on retrouve le plus d'adhérents à un syndicat (43 %, contre 35 % pour l'ensemble de l'échantillon), et que l'on a le vivier des responsables professionnels, en OPA ou coopérative par exemple. "Dans notre conseil d'administration, il n'y a que des HPB. Pour prendre des responsabilités, il faut être costaud sur le pilotage de l'exploitation, car cela prend beaucoup de temps", constate David Walckenaer, directeur financier de la coopérative Eureden, qui s'est donnée pour objectif d'installer 300 jeunes par an.
Les "héritiers sans vocation"
Catégorie moins connue, à la trajectoire moins linéaire que les HBP, celle des "héritiers sans vocation" représentent 22 % de l'échantillon. Se définissant d'abord comme "paysans" (47%), "ils sont issus du milieu agricole, enfants d'agriculteurs en majorité, mais ils n'ont pas suivi de formation agricole, ils ne se destinaient pas à la reprise, décrit Caroline Mazaud, enseignante-chercheuse en sociologie à l'Esa. Avec leurs expériences agricoles, ils sont à la fois des reconvertis et des héritiers". Cette catégorie, majoritairement féminine (à 61%), s'installe plus tardivement, souvent par le biais d'un conjoint déjà exploitant, après avoir exercé un autre métier.
Les "classes populaires hors cadre"
Représentant 16 % des interrogées, ces nouveaux installés sont à 97 %, non issus de familles d'exploitants, mais près des 3/4 d'entre eux comptent quand même un agriculteur dans leur entourage familial élargi. Ils se définissent à 54 % comme "paysans". 2/3 suivent des formations agricoles initiales, avec un niveau de qualification parfois plus faible que les "héritiers", et ont des expériences de salariat agricole avant de s'installer. Le fait d'accéder au métier d'agriculteur est vécu comme un moyen d'émancipation. "Ces nouveaux profils permettent d'assurer une transmission en local et de garder la dynamique des territoires ruraux. Nous allons devoir trouver des moyens d'accompagner l'installation de cette population", commente Romain Fontaine, chargé de mission à Chambres d'agriculture France. D'une manière générale, Agrinovo est d'ailleurs une ressource sur laquelle les chambres vont s'appuyer pour adapter leur conseil.
Les "reconvertis des classes moyennes"
20 % des sondés sont aujourd'hui des "reconvertis des classes moyennes", avec souvent dans leurs bagages, une ou plusieurs expériences professionnelles. Contrairement aux "classes populaires hors cadre", ils sont plutôt d'origine urbaine et n'ont aucun ancrage familial dans le secteur agricole. Une de leurs particularités ? Ils accèdent à la terre via des agences immobilières : c'est le cas pour 20 % d'entre eux. Ils s'installent plus tard, un tiers passant ce cap à plus de 40 ans. Les 3/4 vendent en circuits courts, 60 % sont en bio et un tiers se spécialisent dans le maraîchage. 72 % d'entre eux ne sont pas syndiqués.
Les "reconvertis des classes supérieures"
8 % sont des "reconvertis des classes supérieures" (Bac +5 ou plus), majoritairement issus des milieux urbains, mais non sans lien avec l'agriculture. En effet 42 % d'entre eux sont issus d'une famille agricole : Agrinovo les nomme les "contre-mobiles". Après une carrière hors du monde agricole, ils reviennent vers la profession de leurs parents. "30 % ont suivi une formation en lien avec l'agriculture, ce qui nuance l'image d'une élite néo-rurale en quête d'un simple retour à la terre", indique l'étude. Ils se considèrent, pour 59 % d'entre eux, comme des "chefs d'entreprise".