Interview
« Concilier viabilité économique et respect de l’environnement »
Jean-Paul Coutard, responsable de la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou.
Jeudi 14 mai, la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou ouvre ses portes à l’occasion de ses dix ans. À qui s’adresse cette journée ?
Jean-Paul Coutard : À tous les agriculteurs, qu’ils soient en bio, en conversion, ou en système conventionnel. La ferme de Thorigné est exploitée en bio depuis 8 ans, les deux premières années ayant été consacrées à la conversion. Mais, plus largement, elle a été mise en place pour contribuer au développement d’une agriculture durable, à une époque où le concept n’était pas encore répandu. Les premières limousines sont arrivées sur la ferme en septembre 1998.
Quels principaux enseignements tirez-vous de ces années d’expérience ?
Nous avons prouvé qu’on peut concilier une agriculture qui soit efficace aux niveaux économiques et techniques, dans le respect le plus total de l’environnement. Une fois retirés les frais afférents à l’expérimentation, la ferme est en effet viable économiquement.
Quels résultats concrets obtenez-vous en termes de cultures ?
On a pu considérablement améliorer le statut d’acidité des terres. Nous avons des teneurs de P et K satisfaisantes, sans d’autres apports que ceux des animaux (bouses et pissats en pâture, fumiers et composts).
On a montré l’intérêt des légumineuses utilisées en mélange avec des graminées dans les systèmes d’élevage bio ou conventionnels à faibles niveaux d’intrants. C’est le principe des prairies à flore variée. Les légumineuses apportent de l’azote, mais aussi de l’énergie, de l’appétence et de la souplesse dans les rythmes d’utilisation. Nos prairies à flore variée produisent une tonne et demi de matière sèche en plus à l’hectare par rapport à une association Ray grass anglais-trèfle blanc. La valeur nutritive est certes plus faible, mais la facilité d’utilisation est meilleure.
On a affirmé que cultiver de la luzerne sur des sols acides est possible, et que les vrais facteurs limitants sont en réalité l’hydromorphie et le manque de profondeur des sols.
On a mis en valeur l’intérêt des associations céréales et protéagineux. En ensilage, ce fourrage récolté au stade immature vient remplacer le maïs dans des conditions de sécheresse comme celles qu’on a connues plusieurs étés de suite. Autre atout : la présence d’un protéagineux se traduit par un enrichissement en azote de la céréale récoltée. Seul facteur limitant sur lequel nous travaillons aujourd’hui : la grande variabilité de la proportion de protéagineux d’une année sur l’autre.
Comment est mené l’élevage de limousines ?
La conduite du troupeau est pensée pour optimiser au maximum les performances, dans les conditions de la ferme, c’est-à-dire sur les terres médiocres, mais pas atypiques. La clé de la réussite est dans la rigueur : échographies systématiques, réforme précoce et systématique des vaches vides, bon suivi alimentaire… Les premiers vêlages sont réalisés à 30 mois, avec deux périodes de vêlage dans l’année, ce qui nous fait gagner trois mois par rapport à la moyenne des élevages de limousines inscrits dans la base de sélection. L’intervalle vêlage-vêlage s’établit à 367 jours en moyenne sur dix ans, contre 383 jours pour l’ensemble des élevages de limousines angevins. Dans la sélection, nous privilégions les qualités maternelles.
Par rapport à un élevage conventionnel, la ferme réalise une plus-value d’environ 60 centimes d’euro par kilo de carcasse. Nous valorisons les femelles, les veaux, les bœufs et nous nous lançons dans une nouvelle catégorie, le baron, mâle non castré de 12 à 15 mois. La filière manque de production, il y a des opportunités en élevage bio.
Comment s’organisera la journée du 14 mai ?
Nous souhaitons que les visiteurs puissent voir et toucher au sens propre du terme, les résultats des essais. Ils auront accès aux parcelles d’essais de prairies à flore variée, d’associations de céréales et de protéagineux. Il y aura une fosse pédologique.
Dix ateliers recevront les visiteurs tout au long de la journée, regroupés en quatre grands thèmes : Sols et cultures, Troupeau allaitant, Qualité, Énergie (panneaux photovoltaïques). Quatre conférences sont également proposées. Elles durent chacune une demi-heure, suivie d’un quart d’heure d’échange avec la salle.
Propos recueillis par S.H.