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Histoires d’Épiphanie
Les fêtes de Noël se terminent avec l’Épiphanie. Mais l’ensemble de ces célébrations, religieuses et païennes, constitue un tout. Histoires et traditions de la galette.

Si la fin d’année permet de célébrer Noël puis, le 31 décembre au soir, le début de l’année suivante, certaines commémorations, célébrations et fêtes se poursuivent début janvier. Elles ont même un rapport direct avec le 25 décembre et le 1er janvier puisqu’elles terminent un cycle.
Car Noël, en particulier, avant d’être un jour particulier, représente un cycle : celui qui amène au retour des jours plus longs. Autrement dit, on célèbre alors la renaissance de la lumière. La célébration du cycle de Noël dure ensuite 12 jours, ce qui amène naturellement au 6 janvier (jour officiel de l’Épiphanie, reconverti en deuxième di-manche après Noël car ce jour n’est pas déclaré férié, notamment en France). Ce mot vient du grec et signifie, chose remarquable mais pas du tout due au hasard, manifestation ou apparition. Dans la culture grecque ancienne, les Épiphanes étaient les divinités qui apparaissaient aux hommes. Quant à l’Épiphanie chrétienne, elle célèbre la manifestation publique du fils de Dieu au monde, incarné par la naissance de l’enfant Jésus. Cette Épiphanie permet de fêter “trois grands mystères” concernant le Christ : l’ado-ration des Mages (des savants qui faisaient une étude particulière de la sagesse) ; le baptême de Jésus par saint Jean-Baptiste ; le changement de l’eau en vin lors des noces de Cana.
Antiquité
En fait, l’origine de l’Épiphanie et des festivités qui l’accom-pagnent prennent aussi racines dans l’Antiquité romaine. À cette époque, les Romains célébraient les Saturnales, en l’honneur du dieu Saturne bien sûr. Cette fête a eu d’abord lieu le 14 avant les calendes (premier jour de chaque mois) de janvier. Modifiées plusieurs fois, les Saturnales ont même duré jusqu’à sept jours, du 17 au 24 décembre sous Gaius Aurelius Valerius Diocletianus (c.245 - 313), plus connu sous le nom de Dioclétien. Outre les réjouissances, elles permettaient en particulier aux esclaves de jouir d’une relative liberté et de renverser les rôles du maître et de l’esclave. Un des moyens d’intervertir les positions était de désigner le roi de la fête en tirant une fève glissée dans le gâteau des rois. Quant aux soldats de la fameuse légion, ils tiraient au sort grâce à une fève, un condamné à mort qui devenait “roi” le temps des réjouissances. Plus loin encore, chez les Grecs, cette fête correspondait à l’apparition du dieu Dionysos, fils de Zeus et dieu de la vigne, du vin et des alcooliques et célébré dans tout le monde grec.
Il semblerait donc bien que l’origine de la galette des rois remonte à très longtemps. Sous l’Ancien régime, la galette était offerte par les simples sujets à leur seigneur. Elle pouvait alors servir pour régler une dette contractée auprès de lui puisque l’événement prenait place au moment de la collecte des redevances féodales. Une tradition voulait que la galette soit partagée en autant de parts qu’il y avait de convives plus une part (la part du Bon Dieu) pour le premier pauvre qui se présenterait.
On l’aura compris, la galette, gâteau très ancien, pouvait être offerte pendant une période qui dépasse largement le créneau calendaire qui est devenu la norme aujourd’hui. Le fait de la voir disponible dès début décembre parfois dans certains magasins ne correspondrait qu’à un retour vers de vieilles traditions. Même si les raisons qui expliquent cette tendance sont plutôt purement commerciales et sans rapport avec les préoccupations des temps antiques, féodaux ou de celles des Chrétiens.
Thierry Michel
Galettes et régions
La galette des rois fait toujours recette au pays de la République. À la frangipane (mélange onctueux de crème d’amande et de crème pâtissière), elle a élu domicile en région parisienne et au nord de la Loire. En Franche-Comté, on déguste la galette de goumeau (pâte briochée nappée d’une pâte à choux). Dans le Languedoc, on sert la fougasse des rois et en Ariège la coque des rois. Le Béarn parle de garfou (parfumé au rhum et à l’anis vert), le Perche de fouace, la Bresse de flamusse (farine de maïs), la Drôme et l’Ardèche de pogne, la Normandie de garot (on confectionne aussi des nouroles), Marseille de modane et le Sud-Ouest de brioche en couronne garnie de fruits confits. La Provence est célèbre pour sa brioche des rois. En Basses-Alpes, la fève se dissimule dans une tarte aux pommes alors que dans le Nord, on la trouve dans le gâteau de Verviers à la cannelle et au sucre candi. À Bordeaux, le gâteau des rois est une couronne briochée garnie de cédrat confit. En Auvergne, le gâteau des rois était fendu en étoile pour donner des triangles de pâte rabattus vers l’extérieur. Enfin, dans le Périgord, pas de brioche mais des beignets appelés crépeaux ou pâtissous.
T. M.