Bovins viande
interview : Alain denieulle, président de Bovi-Loire
Les perspectives à moyen terme sont bonnes pour la viande bovine. Les éleveurs pourront-ils attendre ?
Quel est votre sentiment à l'issue de la mobilisation du 23 juin à Paris, en soutien à l'élevage ?
Alain Denieulle : nos messages étaient clairs sur la défense de l'élevage : alerte, nous allons dans le mur. Pourquoi de tels messages ? Plusieurs raisons à cela : il va être difficile de renouveler les chefs d'exploitation. Par ailleurs, un éleveur ne gagne pas toujours beaucoup d'argent, par rapport à l'investissement et aux horaires. De plus, les productions végétales attirent par leur apparente simplicité. La mobilisation de Paris était aussi l'occasion de rappeler qu'autour de l'élevage, en amont comme en aval, il y a des emplois, l'entretien des paysages, des effluents organiques, la défense de la biodiversité. C'est pour toutes ces raisons que la profession s'est mobilisée pour aller à Paris. C'était notre rôle de le faire. Et on a eu raison d'y aller. On l'a fait de façon polie, en alertant le consommateur, le citoyen, les politiques. C'est maintenant dans leur camp que se trouve la balle.
N'y a-t-il pas un paradoxe quand on voit que la vache R, par exemple, a augmenté de 42 % depuis 2011, de 17 % entre 2012 et 2013 et cette crise ?
La hausse des cours était plus que nécessaire. En 2011, il manquait 60 centimes du kilo carcasse, soit 20 % du prix. Mais les charges ont augmenté dans le même temps de 20 %. La situation s'est certes améliorée pour les femelles à tel point que c'est parfois un casse-tête pour répondre à la demande. Mais sur les autres catégories, la conjoncture est plus difficile ; les marchés d'Europe du Sud sont très compliqués avec des baisses importantes de consommation en Grèce et en Italie. Ce qui complique le marché du JB aujourd'hui et du maigre demain.
Quelles perspectives voyez- vous ?
On sait que la conjoncture mondiale d'offre en viande bovine est à la baisse et que la demande augmente, donc les cours ne devraient pas baisser à moyen terme. Il reste aussi des marchés à explorer. Et il faut mieux s'organiser, via la contractualisation. Et faire pression sur la grande distribution en avançant groupé. Réfléchir aussi à mettre en place de nouveaux rapports de force au niveau de la production. Vendre autre chose, plus immatériel, comme le local : c'est à dire faire du producteur un partenaire incontournable dans les rayons de la GMS. Qu'il fasse partie de la négociation. C'est là qu'est notre poids vis à vis de la GMS, qui fait ses marges sur l'alimentation.
Est ce que l'accord bilatéral entre l'UE et les USA, encore au stade des pourparlers, est de nature à aggraver la situation ?
Il faut empêcher cet accord à tout prix. Une fois que les quotas auront été attribués, la viande entrera ; elle trouvera des circuits de distribution et le consommateur ne se rendra pas compte de ce qu'il consomme. Je pense à la restauration hors domicile, commerciale, scolaire, hospitalière. Ce serait vraiment un comble alors qu'on oblige le producteur français à la biodiversité, à l'environnement, d'ouvrir la porte à de la viande qui ne respecte pas les mêmes normes. Avec le risque d'amalgames sur toutes les viandes. Du pain béni pour les détracteurs de viande bovine.
Et la Pac ?
On attend les décisions des trilogues. Reste aussi à savoir ce qu'on pourra faire de ces accords au niveau national. Mais il faut bien comprendre que c'est le prix qui fait désormais le revenu. Avec des fluctuations inexorables en productions agricoles. Le problème, c'est qu'on ne connaît pas les cycles à l'avance.
À très court terme, le danger est où ?
Le plus grand danger, c'est l'abandon de l'élevage par manque de perspectives à court terme, alors qu'il y a des perspectives à moyen terme très porteuses. Et c'est en s'organisant qu'on sera capable de temporiser. Et de passer le cap. On a tous les atouts dans l'Ouest pour le faire : les outils, les hommes, les sols, le cheptel. Ce serait dommage de tout casser. Le pire, c'est ce qui arrive de façon diffuse. On perd 200 à 250 élevages en Maine-et-Loire par an, 1 000 en Pays de la Loire. Parmi eux, de petites exploitations bien sûr. Mais des surfaces d'élevage qui disparaissent au profit de la végétalisation. Quand on va se réveiller, il sera trop tard.
M. L.-R.
À découvrir dans l'Anjou agricole du 28 juin, un dossier spécial sur les bovins viande :
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