Interview : en épandage, le volontarisme avant la contrainte
Dans nos campagnes, l’épandage est souvent pointé du doigt. Polluant, gênant, odorant. Les pouvoirs publics se penchent sur la question, dans un souci d’amélioration. Tour d’horizon avec Hervé Masserot, expert épandage à la Fédération départementale des Cuma de Mayenne.
>> Quelles sont les actualités dans le monde de l’épandage ?
Hervé Masserot : ce qui est applicable, c’est la Loi “Prepa”, sortie en 2017, un “Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques”, qui fixe des objectifs de réduction à horizon 2020, 2025 et 2030. L’enjeu c’est la qualité de l’air, notamment sur les dégagements d’azote ammoniacales, qui forment des particules fines. On considère que l’agriculture en est responsable à hauteur de 97 %. Ce plan d’action a été mis en place par le Ministère, de manière volontaire sans obligation, mais avec un objectif de réduction de 10 % d’ici à 2025. Le but n’est pas d’imposer dans un premier temps. Mais si les objectifs ne sont pas atteints, il y aura des contraintes.
>> Qu’observe-t-on sur le terrain suite à cette loi ?
à l’heure actuelle, on n’observe pas d’amélioration. Mais c’est logique, il y a un phénomène de latence et d’inertie qui ne permet pas d’observer de manière immédiate des résultats. La loi Prepa, si elle a boosté certains groupes, a surtout eu le mérite de soulever des questions. On ne se rend pas forcément compte à son échelle de l’impact de ses pratiques d’épandage, car l’azote ammoniacale n’a pas d’odeur. Il y a également un problème de mentalité sur ce dossier, on ne prend pas le problème à l’origine. On a trop tendance à considérer la matière organique épandue comme un déchet, on ne se rend pas compte de tout ce qu’on perd au champ. En fait, plus la matière organique est riche en azote, plus le risque potentiel de perte est élevé. Et plus cette matière organique reste longtemps au sol, plus on en perd. Ainsi, le plus gros taux de perte se joue dans les premières heures.
>> Comment limiter ces pertes ?
On peut changer son équipement d’épandage, bien entendu. Par exemple, lorsqu’on utilise une buse palette, au bout de 6 heures on a perdu 40 % d’azote, à 10°C. S’il fait 30°C, c’est 80% de l’azote qu’on perd. à titre de comparaison, avec un pendillard, la perte oscille entre 20 et 40%. Le mieux restant l’enfouissement, puisqu’on limite les pertes à 5%. Cependant, il est également important de travailler sur la qualité de sa matière organique. En bovin, on se retrouve trop souvent avec du lisier trop hétérogène pour avoir du matériel spécifique, du fait du bouchage. Souvent, la fosse récupère tout, et on brasse uniquement la veille de l’épandage, diminuant la qualité structurelle… En France, on a tendance à vouloir pomper du fumier pour vouloir sortir du liquide ! Mais le problème n’est pas centré sur l’épandage. On peut jouer sur l’alimentation, sur les bâtiments, couvrir les fosses, introduire des légumineuses… L’épandage est la partie visible, mais de nombreux moyens sont à mettre en place pour atteindre les objectifs. Des fiches pratiques ont été réalisées par l’Ademe au sein d’un guide, intitulé “Guide des bonnes pratiques agricoles pour l’amélioration de la qualité de l’air”. Pour revenir à ce plan, c’est une occasion d’être proactif et de ne pas attendre d’être face au mur pour s’adapter.