Lait
« Manque de prudence, d'anticipation et idéologie »
Edito de Jacques Mousseau, président de la section régionale Agriculture biologique de la FRSEA Pays de la Loire.
Edito de Jacques Mousseau, président de la section régionale Agriculture biologique de la FRSEA Pays de la Loire.
« Les ventes de produits laitiers bio s’essoufflent depuis le début de l’année 2021 dans toutes les catégories de produits (ndlr : cf article p.16-17). Cette inversion de tendance de consommation arrive au plus mauvais moment car nous sommes toujours en pleine phase de croissance de la production. Selon le Cniel, la collecte de lait bio en France pourrait atteindre les 1,35 milliards de litres d’ici à fin 2022, soit une augmentation de 22 % par rapport à 2020. Dans ce contexte de courbes qui se croisent, on ne peut qu’être inquiet à la fois pour tous les futurs agriculteurs dont le projet est de s’engager en agriculture biologique, pour tous ceux qui sont en train d’achever leur phase de conversion et qui ne peuvent plus reculer, mais aussi pour tous les autres, qui doivent accepter des mesures de déclassement de leur lait bio pour épurer le marché. Du lait bio payé au prix du conventionnel, les plus anciens d’entre nous ont déjà connu ça par le passé dans les années 2000, et on espérait ne pas avoir à revivre ça. Pour nous éleveurs, 100 % de notre lait est produit avec le cahier des charges bio. Nous n’avons pas de marge de manœuvre ! D’ailleurs, on voit aujourd’hui des producteurs qui arrêtent, dont certains passés très récemment en bio. Quel gâchis !
Bien sûr, il y a tout un tas de raisons que l’on peut invoquer, à commencer par la pandémie mondiale, que personne n’avait vu venir, et qui entraîne toute une série de flambées de prix, qui ne vont sans doute pas favoriser le pouvoir d’achat des consommateurs. Néanmoins j’en veux beaucoup à tous ceux qui, par manque de prudence, d’anticipation, mais aussi parfois par idéologie, ont fait miroiter aux producteurs que passer en bio allait tout régler. Car à la fin, c’est bien le consommateur qui a le dernier mot à travers ses actes d’achat. Certainement pas les pouvoirs publics, malgré leurs nombreuses incantations à développer la production. Pas non plus les laiteries, qui pour certaines, ont amplifié le phénomène avec des aides mises sur la table pour inciter les producteurs à s’engager, sans avoir de réelle visibilité sur ce que les marchés allaient bien pouvoir absorber. Et que dire de l’ensemble des opérateurs de la distribution dont les marges, plus importantes sur les produits bio que sur les autres, frisent l’indécence. Il est grand temps dans la filière, de faire preuve de sérieux et de responsabilité, en se mettant autour de la table pour revenir à une logique de juste rémunération des producteurs ! »