Réforme
Pour la France, la Pac doit rester la première politique communautaire
La récente rencontre des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne laisse apparaître des divergences entre les États plus anciens et les nouveaux venus.

communautaire ».
La bataille difficile est devant nous ». Les propos de Bruno le maire, ministre de l’Agriculture à son retour de Mérida où se tenait, du 30 mai au 1e juin, la rencontre informelle des ministres de l’agriculture de l’UE, laissent entendre que le modèle agricole français aura du mal à s’imposer. Il s’agissait des derniers conciliabules sur la réforme de la Pac après 2013 avant le lancement officiel des négociations prévu à la fin de l’année. La plupart des ministres ont reconnu la place centrale que doit occuper la Pac dans la stratégie 2020 proposée par Bruxelles. Ainsi, une grande majorité s’est-elle prononcée pour le maintien d’une Pac forte. La France a notamment insisté pour que les instruments en vigueur soient plus efficaces (diversité, environnement, occupation des sols). Le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède ont, en revanche, réclamé la mise en place de nouveaux outils axés sur la recherche et l’innovation pour compenser le manque de compétitivité de l’agriculture européenne. Une nette majorité s’est dessinée à Mérida en faveur du maintien du budget agricole au-delà de 2013. C’est notamment le cas de la France, des Pays-Bas, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, de l’Irlande et du
Portugal. Le Royaume-Uni, en revanche, a une nouvelle fois affiché sa différence en réclamant « une réduction et une réorientation des dépenses agricoles ».
Favorable à une réforme « ambitieuse », le ministre français a souligné avec force que la Pac doit rester la première politique communautaire. « Ce point n’est pas négociable », a-t-il averti. Un rapprochement avec l’Allemagne et la Pologne est souhaité par le ministre. Mais la France et ces deux pays ne sont pas sur la même ligne sur des questions majeures. Ainsi, la régulation des marchés pour protéger les agriculteurs des fluctuations des cours est un autre point « non négociable » pour le ministre français, alors que l’Allemagne a une position beaucoup moins dogmatique. De fortes divergences existent aussi entre Paris et Varsovie sur les critères d’attribution des aides directes. Comme la plupart des
nouveaux États-membres de l’Union, la Pologne souhaite obtenir la fin des références historiques.
Le casse-tête des aides directes
« Nous sommes prêts à revoir les références historiques, c’est déjà une vraie ouverture » face à Varsovie, juge Bruno Le Maire, tout en reconnaissant que la question de savoir « jusqu’où il faut aller et à quel rythme » allait être l’un des points de négociation « les plus essentiels ». Le budget agricole suscite aussi « beaucoup de convoitise » : la ministre allemande a donné, en quelque sorte, l’impression de ne pas vouloir aboutir à une réforme agricole trop ambitieuse à un moment où l’Europe est en proie à une grave crise économique. « Je ne peux pas dire à mes agriculteurs qu’on va entamer la négociation en acceptant d’emblée une réduction des dépenses », a-t-elle déclaré en souhaitant que le rééquilibrage en faveur des nouveaux États-membres soit le plus « progressif ». Dans un document conjoint publié en mars 2010, la République tchèque, la Bulgarie, l’Estonie, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne et la Slovaquie déclarent refuser fermement une autre période de transition pour les paiements directs après 2013. Ces huit pays sont également opposés à tout système de cofinancement.
Réformer ne veut pas dire affaiblir
Dacian Ciolos a expliqué, quant à lui, que « les critères d’attribution des aides directes doivent être revus car il y a des différences entre les catégories d’agriculteurs qui ne sont plus justifiées. Pour moi, réformer ne veut pas dire affaiblir la Pac », a-t-il fait valoir. Pour traiter de la volatilité des prix, « on a tout d’abord besoin de systèmes d’intervention sur les marchés, mais utilisés comme filet de sécurité et non pas comme un mécanisme permanent qui augmenterait le budget et fausserait les signaux que les marchés transmettent aux producteurs ». Il faudra voir, pour chaque secteur, « comment adapter certains instruments sans que cela n’implique des dépenses budgétaires importantes ». Il faudra aussi, selon lui, trouver des mécanismes complémentaires qui, « autant que possible, empêchent d’arriver à une situation de forte volatilité des prix sur les marchés européens ».
d’après AGRAPRESSE