Distribution
Pression maximale pour une remontée des prix à la production
Mercredi, en Maine-et-Loire, une nouvelle action de stickage a visé les deux enseignes, Leclerc et Carrefour, qui refusent d’entamer toute discussion sur la hausse des prix.
Angers. Face à face tendu.
Combien faudra-t-il de visites des producteurs dans les grandes surfaces et de démarches auprès des transformateurs pour sauver l’élevage ? La mobilisation est en train de s’inscrire dans la durée. Mercredi matin, une nouvelle action de stickage des produits a été organisée dans des grandes surfaces, avec plusieurs dizaines d’agriculteurs. Dans leur action pour une hausse des prix à la production, les éleveurs ont le soutien du ministre de l’Agriculture. Bruno Le Maire vient de lancer, le 28 septembre à l’Assemblée nationale, un « appel solennel à l'ensemble des acteurs de la filière, industriels privés, coopératives, grande distribution pour qu'ils fassent en sorte que la rémunération des producteurs » de bœuf et de porc « s'améliore dans les semaines à venir ». Le ministre a jugé qu'il n'était pas « acceptable que le kilo de viande augmente pour la ménagère pendant que la rémuné-ration des producteurs ne cesse de baisser ».
Hausse des aliments lapins
Cette situation est dénoncée sans relâche par les éleveurs qui entendent intensifier la pression sur les distributeurs : « Nous avons ciblé nos actions sur Leclerc et Carrefour, a expliqué mercredi Jean-Marc Lézé, vice-président de la FDSEA, pour dénoncer l’attitude de ces deux enseignes. Elles refusent, au niveau national, d’entamer toute discussion sur la hausse des prix aux producteurs. On espère que la distribution va comprendre qu’on n’est pas prêts à lâcher le morceau. » Des étiquettes “Produit non équitable, ne rémunère pas le producteur” ont été placées sur les barquettes de viande bovine, porcine, et également de volaille et de lapin. « Nous sommes dans la même problématique. On nous annonce 25 % de hausse des aliments lapins avant la fin de cette année », souligne Stéphane Bouju, éleveur cunicole, venu sticker les produits avec cinq autres producteurs. À côté, deux éleveuses de volailles expliquent à une consommatrice le pourquoi de leur présence dans le magasin : « D’un côté, vous payez cher les produits, de l’autre nous avons du mal à vivre de nos productions ». Les responsables syndicaux ont échangé un moment avec la direction du magasin, avec un seul objectif : faire en sorte qu’au niveau national, l’enseigne accepte de discuter de la répartition des marges. La même démarche a été entreprise à Carrefour Saint-Serge, et Leclerc Segré.
S.H.
Interview d’Eugène Schaeffer, président de la CFA
Les producteurs de volailles et lapins se joignent à l’action
La Confédération française de l’aviculture a interpellé à plusieurs reprises les représentants de la grande distribution pour obtenir une revalorisation des produits avicoles et cunicoles. Pourquoi cette exigence ?
ES : Les produits avicoles ont pu bénéficier, au cours des années passées, de coûts de production particulièrement bas en raison notamment de cours de céréales inférieurs à leurs coûts de production. Cette situation ne pouvait raisonnablement pas durer.À la très forte augmentation des prix des céréales en 2007-2008, a succédé une baisse des cours très importante. Cela nous a été favorable à tous. L’évolution de la consommation avicole (volumes en croissance et prix consommateurs en baisse) en 2009 et début 2010 est là pour nous le rappeler. Cependant, avec la récente flambée des prix des céréales, le niveau des prix payés aux aviculteurs et cuniculteurs ne leur permet plus de couvrir leurs charges de production qui par ailleurs subissent d’autres augmentations (gaz, environnement, bien-être animal…).
D’ailleurs, malgré des coûts de production avicoles relativement bas, les revenus des aviculteurs n’étaient déjà pas satisfaisants et n’ont pas permis d’investir, de moderniser ou d’installer de jeunes éleveurs pour assurer le renouvellement du parc de bâtiments d’élevages.
Quelles sont les demandes concrètes de la CFA vis-à-vis de la grande distribution ?
Les producteurs demandent aux entreprises d’abattage et de transformation qu’elles revalorisent les rémunérations et les prix à la production et qu’elles répercutent à leurs acheteurs, la grande distribution, les évolutions des coûts de production. Or, par des déclarations à la presse, certains intervenants de la distribution laissent entendre qu’ils n’accepteront pas de hausses de leurs fournisseurs. Certains d’entre eux allant jusqu’à contester la réalité même de l’évolution des coûts de production des produits.
Nous n’avons aucunement l’intention de faire remonter artificiellement les prix et d’avoir des pratiques anticoncurrentielles mais nous ne pouvons pas accepter l’expression de volontés délibérées visant à faire pression pour bloquer les revalorisations. Nous exigeons simplement que nos produits soient vendus à leur juste valeur.
De la prise en compte des évolutions de nos charges, dépendra l’avenir des filières avicole et cunicole.
Joël Limouzin, président FRSEA
Une action nationale en novembre
Dans tout l’Ouest, les éleveurs ont mené des opérations de stickage. Ces actions vont-elles se poursuivre ?
Joël Limouzin : Non seulement elles vont se poursuivre, mais elles vont s’amplifier et s’élargir. Les producteurs de volailles et de lapins ont décidé de rejoindre les producteurs de porcs et de viande bovine. Nous avons un message très clair et très simple : “Nos produits ont un prix”. Nous allons dans les grandes surfaces car nous savons que ce sont eux qui imposent des prix bas aux transformateurs. Les négociations commerciales entre transformateurs et distributeurs sont en fait une véritable guerre commerciale dans laquelle les producteurs sont toujours perdants. Si les directeurs des grandes surfaces en ont marre de voir des agriculteurs en colère dans leurs rayons, ils n’ont qu’à imposer à leurs centrales d’achat de desserrer la pression sur les transformateurs.
Prévoyez-vous également des actions dans les entreprises de transformation ?
Ce n’est pas notre cible prioritaire aujourd’hui mais nous ne l’excluons pas. Dans certaines productions, nous savons que certains abatteurs-transformateurs, en porc et viande bovine en particulier, bradent nos produits pour écouler la marchandise, contribuant ainsi à une baisse supplémentaire du prix payé au producteur : nous trouvons cela insupportable. Donc, nous irons demander des comptes à ces entreprises.
L’Ouest est mobilisé mais ne faudrait-il pas une mobilisation plus générale pour être entendu ?
Nous allons proposer à la FNSEA et à Jeunes agriculteurs national d’organiser, en novembre, une grande action nationale de sauvetage de l’élevage, toutes productions animales confondues.
Propos recueillis
par Jean Paul GOUTINES