Réflexion
Réaffirmer la puissance agricole française
Plus de 70 personnes ont participé à l'événement annuel organisé par la FRSEA des Pays de la Loire qui s'est tenu lundi 3 octobre à Angers.
Plus de 70 personnes ont participé à l'événement annuel organisé par la FRSEA des Pays de la Loire qui s'est tenu lundi 3 octobre à Angers.

Reconquérir notre souveraineté : utopie, rêve ou réalité ? Tel était le thème abordé lors de l’événement annuel de la FRSEA. Le premier élément annoncé lors de la table ronde peut sembler optimiste : « la balance commerciale du secteur agroalimentaire de la France sera encore excédentaire entre 8 et 10 milliards d’euros pour 2022 », estime Thierry Pouch, chef de service études, références et prospectives à la Chambre d’agriculture France.
Des déficits commerciaux inquiétants
Mais en détaillant cette balance commerciale, le constat est amer : « si on retire les céréales et le vin, la France devient déficitaire », souligne Baptiste PetitJean, conseiller au Haut commissariat au plan. Il prend pour exemple l’indice “ratatouille” : le déficit commercial des légumes qui composent ce plat (tomates, poivron, oignons, courgettes et aubergines) s’élevait à 650 millions d’€ en 2020. « Cette situation est préoccupante, alors que la “végétalisation de l’assiette” constitue une tendance forte », alerte le conseiller.
Pour le Haut commissariat au plan, il faut davantage maîtriser la chaine de production de l’amont à l’aval. Prenons l’exemple de la pomme de terre. La France est le premier exportateur mondial de pommes de terre. « Mais d’un côté la France n’est pas capable de fournir de machines à récolter et elle est déficitaire de 120 millions d’euros pour les chips... »
Ces déficits sont le résultat de la désindustrialisation progressive du pays. « Nous sommes passés d’un modèle de production à un modèle de consommation ».
Cet accroissement de notre dépendance aux importations peut aussi s’expliquer, entre autres, par une baisse de compétitivité de l’agriculture française. « L’érosion de la compétitivité de l’agriculture française vient de l’Union européenne. Ne faut-il pas revoir le logiciel du fonctionnement de l’UE », s’interroge Thierry Pouch sous entendant la mise en place d’un salaire minimum commun ou d’une fiscalité commune par exemple. Le conseiller au Haut commissariat au plan abonde dans le même sens : « Des “dames de fraises” venues du Maroc travaillent pour 7 €/jour pour la récolte des fraises en Espagne. Est-ce acceptable dans l’Union européenne ? »
Face à une rupture alimentaire qui s’annonce, les intervenants s’interrogent sur la stratégie de la montée en gamme. « Quand l’Union européenne préconise 25 % d’exploitations agricoles bio, c’est, selon moi, une erreur stratégique », note Brice Guyau, lui-même agriculteur bio et secrétaire général de la FRSEA Pays de la Loire.
« La France est la 1ère puissance agricole de l’Union européenne. Ne doit-elle pas davantage le faire savoir auprès des autres membres de l’UE ? », demande Thierry Pouch. Surtout que la qualité de la production agricole française n’a plus à faire ses preuves. « Le bas de gamme en agriculture française n’existe pas. Par contre, il existe des distorsions de concurrence », souligne Baptiste Petitjean.
L’alimentation a un prix
Si l’Etat a pris conscience de l’importance de la souveraineté alimentaire, quid du consommateur... D’après Yannick Fialip, la téléphonie est passée devant l’alimentation dans les dépenses des ménages... « Seulement, 20 % de la population regarde à 1 € près le prix des produits alimentaires qu’elle achète. La grande distribution conduit sa politique pour ces 20 %. Ce qui détruit la valeur en amont de nos produits. Le consommateur doit aussi comprendre que l’alimentation a un prix », insiste Yannick Fialip, président de la commission économie de la FNSEA. Il y a 150 ans, Léon Gambetta disait : « il faut apprendre et enseigner aux paysans ce qu’ils doivent à la société et ce qu’ils peuvent exiger d’elle. » Pour permettre la souveraineté alimentaire, Baptiste Petitjean propose d’inverser la formule : « il faut apprendre et enseigner à la société ce qu’elle doit aux agriculteurs et ce qu’elle peut exiger d’eux. »
Ces déficits commerciaux agricoles croissants peuvent conduire à une “désagricultarisation”, s’inquiètent tous les intervenants de la table ronde. Pour lutter contre un tel phénomène, Emmanuel Macron a promis construire un pacte d’orientation et d’avenir pour l’agriculture Pour Brice Guyau, « on doit inciter à nouveau les jeunes à s’installer en leur proposant un plan agricole avec une vision à moyen terme ». La FNSEA espère que ce pacte permettra « de retrouver la liberté d’entreprendre dans notre métier et nous donner les moyens de productions », souligne Yannick Fialip