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Réserves
117 millions d’euros pour le plan d’adaptation de la gestion de l’eau

Les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement ont annoncé, le 16 novembre, le lancement d’un plan d’adaptation de la gestion de l’eau en agriculture de 117 millions d’euros sur cinq ans. Des aides financières vont être apportées par l’Europe et les agences de l’eau respectivement à hauteur de 15 et 75 millions d’euros sur cinq ans afin de permettre la construction de capacités de stockage de 40 millions de m3 supplémentaires. En parallèle, des modifications législatives et réglementaires sont prévues pour le premier trimestre 2012 afin d'encourager la réalisation de ces projets. Le second volet du plan concerne la réduction des volumes d’eau prélevés sur 14 000 hectares par l’implantation de cultures économes en eau comme du soja. 27 millions d’euros de fonds européens et français, dans le cadre du second pilier de la Pac vont être déployés à cet effet. La FNSEA, les Jeunes agriculteurs, Orama et les Irrigants de France ont vivement réagi à ce plan estimant qu’il n’était « ni fait ni à faire ». « Le volet concernant la réalisation de retenues ne représente que 10% des besoins en stockage », regrettent notamment les syndicats.

L'irrigation, une sécurité pour les productions

Au Gaec de l'Égrasseau, en Maine-et-Loire, quatre réserves alimentent les cultures et sécurisent l'autonomie alimentaire de l'exploitation bovine. En productions spécialisées, l’accès à l’eau est tout aussi indispensable.

Sans eau, au Gaec de l'Égrasseau pas de cultures. Et sans cultures, pas d'élevage. L'exploitation est située à quelques encablures de Beaupréau, 6 000 habitants, en plein cœur des Mauges, pays de bocage et de vallons. Ici l'élevage est une tradition. Ici on est agriculteur de père en fils. Sur les sept enfants de la famille Chevalier, les trois garçons ont pris la suite sur la ferme. L'aîné, Jean-Louis, 49 ans, s'est installé avec son père Louis en 1985. Christophe, de 7 ans son cadet, est arrivé en 1990. Enfin, Pascal, le benjamin. Quand il rejoint le Gaec, en 1998, deux ans après le départ en retraite de son père, il a 26 ans.
Au fil du temps et des arrivées successives, la ferme s'est agrandie. Lors de l'installation de Jean-Louis, en 1985, l'exploitation passe de 16 à 26 hectares. Elle en compte aujourd'hui 120 et trois productions : 610 000 litres de lait, c'est le travail de Pascal ; un troupeau de 67 vaches allaitantes, l'affaire de Christophe qui s'occupe aussi des cultures et de l'alimentation et enfin un atelier cunicole de 450 cages mères, conduit par Jean-Louis qui s'occupe aussi de la partie administrative. L'assolement se répartit en 30 hectares de maïs, irrigué à 80 %, 25 hectares de céréales - dont 60 % en culture de vente - à 70 quintaux/ha de moyenne, 25 ha de RGI "pour faire du stock". C'est essentiellement le régime destiné aux vaches laitières. Et 10 hectares de prairies temporaires et naturelles, pour le troupeau allaitant.
La recherche de l'autonomie alimentaire est un souci constant au Gaec de l'Égrasseau. Elle passe aussi par une adaptation des cultures, mais aussi du cheptel. “Bien plus rentable aujourd'hui de miser sur le lait que sur la viande”, calculent les associés. Les agriculteurs envisagent un assolement en luzerne à ajouter dans la ration du maïs, pour favoriser la rumination. C'est une fibre appétente, d'une bonne valeur alimentaire, “avec un ray grass ensilé plus tôt, ça permettrait d'économiser sur l'achat des tourteaux”.

“Il y a toujours eu de l'eau”
L'assolement de l'exploitation, répartie sur 4 sites, est organisé en fonction des réserves d'eau dont le Gaec dispose. Les frères Chevalier se souviennent très bien des débuts de l'irrigation, quasi anecdotique ; elle remonte à 1976. "On tirait sur le puits et on arrosait le maïs tout autour". 1976, année de référence en matière de sécheresse et sans doute, une "prise de conscience", conviennent les agriculteurs. “À l'époque, l'irrigation nous semblait - déjà - vitale car il n'était pas possible d'augmenter en surface. C'est également la limitation des surfaces qui avait conduit les associés à installer un atelier hors sol.
Deux ans plus tard, une réserve de 2 à 3 000 m3 voit le jour sur le site de l'Aulnay. Pas très bien située, elle n'existe plus aujourd'hui. En 1990, est creusée, juste à côté, dans le "Grand pré" une réserve de 5 000 m3 située dans des terres humides, à faible potentiel. “C'est une réserve alimentée par des sources. On avait le droit à l'époque”, se souvient Christophe.
Les agriculteurs n'en restent pas là, persuadés que leur système repose sur cette indépendance. Une autre réserve de 9 000 m3 assure l'irrigation du maïs à l'Aulnay Boisseau. Une autre suivra, en 2006, pour plus de 20 000 m3 sur le site de la Boulaye. Une réserve collinaire qui se remplit l'hiver. Un creusement soumis à autorisation. S'y est créé ou recrée une flore et une faune. "Je vois des animaux, des oiseaux que je ne voyais pas avant", confirme Pascal qui précise : “les trois réserves sont reliées par des canalisations pour assurer l'irrigation de l'ensemble des parcelles". Au total, trois réserves et un volume de 30 000 m3, dont 22 000 m2 en pompage électrique fixe. Ainsi, quelques manipulations suffisent, sur le tableau, pour mettre la pompe en route et à arroser le maïs situé en amont. “on organise les tours d'eau en fonction de la pluviométrie”, indiquent les agriculteurs.
Enfin, en 2008, la reprise d'une exploitation va encore venir augmenter la capacité d'irrigation du Gaec qui "hérite" en quelque sorte d'une réserve collective, liée au foncier. Cette réserve est gérée par une association de huit irriguants. Située au Trou du Fenil, elle cube 130 000 m3 au total, dont 12 000 pour le Gaec de l'Égrasseau. “C'est là qu'on mettra la luzerne”, prévoit Christophe. La particularité de cette réserve, c'est qu'elle est construite sur une butte. “Une aberration” considèrent les agriculteurs, mais imposée par les associations environnementales. “On pompe l'hiver dans l'Èvre pour y amener l'eau”, s'exclament-ils. “C'est une assurance récolte qui coûte cher”. Car les frères Chevalier font leurs comptes : le coût de fonctionnement et l'amortissement pour la réserve collinaire privée de 22 000 m3, c'est 180 euros/hectare hors EDF. La réserve collective, 300 €/ha.
Pour autant, pas question de se passer de l'une ou de l'autre. Sur les parcelles de maïs irrigé, semé avant le 10 mai, les agriculteurs s'attendent à un rendement quasi normal, soit 17 tonnes de matière sèche/ha. De quoi assurer, cette année encore, l'alimentation du troupeau laitier sans trop d'inquiétude. Une fois de plus, le besoin d'irrigation se vérifie. “Sauf en 1987, on a irrigué tous les ans”, conclut Pascal.

M. L.-R.
Pascal Laizé, responsable de la commission environnement à la FDSEA

Une forte demande
de la part des agriculteurs

On vient de connaître deux années de sécheresse. Est-ce que l'idée de constituer des réserves pour stocker l'eau avance dans les esprits ?
Pascal Laizé : chez les agriculteurs, sans aucun doute. Auprès du grand public, je pense aussi que l'idée fait son chemin. Auprès de l'administration qui applique les textes, c'est un peu plus compliqué. Tout repose sur l'interprétation de ces textes quand on en vient au lieu d'implantation de la réserve. Les textes prévoient des mesures compensatoires allant parfois jusqu'à 200 % de l'existant.  Ce que nous souhaitons, nous, profession agricole, c'est que soit évaluée la fonctionnalité de la zone humide où va s'implanter la réserve et ne compenser que cette fonctionnalité. Si elle existe. Il faudra bien admettre que modifier un milieu n'est pas forcément dramatique, ni dommageable. Mais que se crée autre chose, qui peut être bénéfique.

Vous voyez un risque de sanctuarisation ?
Oui, bien sûr. Le vrai risque, c'est l'immobilisme. On ne sécurisera pas la production agricole sans irrigation et stockage de l'eau. Sinon, on va tout droit vers une perte des moyens de production et, par voie de conséquence, une perte d'emplois et de dynamique rurale.

Qui est concerné par des réserves ?
Tous les éleveurs qui ont besoin de sécuriser l'affouragement et les producteurs de cultures spécialisées qui n'ont pas accès à une nappe profonde ou à un pompage en rivière sont concernés au premier chef. Cette solution peut aussi convenir à qui pompe en rivière en fonction du degré de vulnérabilité du cours d'eau.

Êtes-vous néanmoins optimiste ?
La demande est très forte du côté des agriculteurs, on sent une véritable dynamique. Mais sans financement public, bon nombre de productions n’ont pas une rentabilité suffisante pour armortir de tels investissements. Or, ce n'est pas dans l'air du temps des élus de soutenir ce genre de projet, bien que le ministre de l'Agriculture l'ait encouragé récemment. Mais sans qu'on puisse disposer de fonds. Je pense aussi qu'il faut continuer les recherches pour que l'irrigation gagne en efficacité.

M. l.-R.

Une montée des projets

Pour évaluer les besoins d’accompagnement et de financement, la FDSEA a conduit une première enquête sur les projets de création de réserves pour l’irrigation en 2010. Celle-ci a été conduite auprès des présidents communaux, et a permis de recenser 18 projets envisagés dans les deux années suivantes (dont un projet collectif déjà engagé) et 6 projets à plus long terme.
Face à une seconde sécheresse, ces résultats ont été mis à jour en septembre 2011. Ils restent partiels, mais montrent une progression importante du nombre de réserves envisagées.
Au total, on recense 38 projets à court terme (dont 5 collectifs impliquant au total 20 exploitations), et 23 projets à moyen ou long terme. Ils se répartissent sur plusieurs bassins, Layon-Aubance, Oudon, Loir, etc., le plus souvent sur des exploitations de polyculture-élevage. À titre de comparaison, sur les dernières années on voyait émerger moins de 5 projets par an dans le Maine-et-Loire.
Actuellement, des freins réglementaires et financiers retardent une partie de ces projets.
La profession s’attache à les lever, notamment au niveau national dans le cadre du groupe eau de la FNSEA, au niveau régional dans le Projet d’agriculture durable en cours d’élaboration, et par l’accompagnement individuel de la Chambre d’agriculture.

M. C.
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