Production laitière
Accord « insatisfaisant mais indispensable » sur les bases proposées par les médiateurs
Les pouvoirs publics voulaient un accord. Pour 2009, l’interprofession
a accepté de signer pour un prix moyen annuel fixé à 280 euros/1 000 litres.
Le gouvernement a décidé de siffler la fin de la partie », indique la FNSEA. 280 euros, c’est finalement le montant sur lequel les trois membres de l’interprofession laitière – éleveurs, coopératives et industriels – se sont quittés, dans la nuit de mercredi à jeudi. Un prix moyen annuel du lait établi sur les bases proposées par les médiateurs. Un accord toutefois
« nécessaire », estime Alain Cholet, qualifié de « courageux » par la FNSEA, au terme de plusieurs mois de mobilisation. Le premier ministre, François Fillon, y était d’ailleurs allé de son injonction, en annonçant, le 29 mai, une « pression maximale » sur les négociations. L’accord conclu établit trois niveaux de prix moyen annuel, en fonction du mix-produit de chaque entreprise : 280 euros/1 000 litres en cas de produits industriels à hauteur de 20 %, 272 euros/1 000 litres pour des PI à 30 % et 262 euros/1 000 litres pour des PI à 40 %. Selon Alain Cholet, pour les entreprises de la région ouest, le prix moyen théorique annuel pourrait se situer autour de 273 euros/1 000 litres.
À calculer sur la durée
« Bien sûr que c’est insuffisant, reconnaît Alain Cholet, mais il faut placer cet accord dans le contexte laitier du moment ». Le président de la FDL, qui s’engage dès à présent à donner toutes les explications nécessaires, notamment à l’occasion de la tournée régionale FDSEA qui a démarré hier soir par Beaufort-en-Vallée, estime qu’il s’agit là d’un « accord à lire dans la durée ». Et se dit persuadé que, « en fin d’année, les éleveurs laitiers français considèreront qu’ils n’ont pas été si mal traités que cela, comparativement à ce qui se passe ailleurs en Europe ». Parallèlement, Michel Barnier, qui avait enjoint les différentes parties à trouver un accord, a mis 30 millions d’euros dans l’escarcelle afin de venir soutenir les exploitations en difficulté. Ce que dénonçait immédiatement JA dans un communiqué : « Ceux qui veulent aujourd’hui éteindre l’incendie sont ceux qui l’ont déclenché il y a quelques mois avec la remise en cause par la DGCCRF du cadre de négociation des évolutions de prix de la filière lait ». Le président de JA national, William Villeneuve, en congrès la semaine prochaine, réclame : « Nous voulons être payés à un prix rémunérateur pour nous permettre non seulement de couvrir leurs coûts de production mais aussi de gagner notre vie. Il appartient aujourd’hui aux industriels de prendre leurs responsabilités pour obtenir une meilleure valorisation de la transformation des produits laitiers. » « Il est sûr que les trésoreries des exploitations laitières vont être compliquées à gérer dans les prochaines semaines », souligne Alain Cholet.
« Il faut d’ores et déjà penser à de mesures de compensation qui aillent au-delà des 30 millions mis sur la table par le ministère de l’Agriculture, sous la forme de reports d’annuité ou de charges sociales ».
Un accord en pis-aller
D’aucuns ne manqueront pas de s’interroger sur la pertinence d’un accord à ce stade. Et iront de leur couplet démagogique. Mais fallait-il un accord ou aurait-il mieux valu rester sur un échec ? « Les pouvoirs publics ont jeté les bases d’un accord difficilement acceptable par le collège des producteurs mais à défaut, les conséquences auraient été sans doute plus dramatiques pour les éleveurs, car on allait à un prix fixé entreprise par entreprise, à des niveaux annoncés de 205, 210 ou 215. Au-delà de la seule considération du prix, l’accord accrédite et confirme le rôle que doit tenir l’interprofession dans la fixation du prix », argumente Alain Cholet. Et réinscrit le principe de la contractualisation. Il n’empêche que cet accord, difficile à obtenir, s’est finalisé dans une tension intense. Tension intense autour de la table des négociations, tension également « à un niveau rarement atteint » pour, dans les régions, les éleveurs et les responsables professionnels qui, jour après jour, ont maintenu la mobilisation et ont exprimé, à maintes reprises et sous des formes diverses, leur désarroi et leur colère. Ainsi, mardi, à Laval, ils étaient 3 500, venus de toute la région des Pays de la Loire, mais également d’une partie de l’Ille-et-Vilaine et de la Manche, pour manifester devant l’entreprise Lactalis. « On est ici parce que cette entreprise pèse sur le marché », rappelait Joël Limousin. Entre les éleveurs et les représentants de l’entreprise, venus exposer leur position, un déploiement de CRS.
Que peut-il se passer maintenant ? On ignore encore, à l’heure du bouclage du journal, à quel prix seront payés les éleveurs laitiers pour le mois de mai. La mobilisation sur le prix du lait dénonçait aussi les marges excessives prises par les distributeurs. Mais le lait n’est pas la seule victime de ce hold-up. La viande bovine, le porc, les productions végétales sont également concernés. C’est pourquoi une nouvelle mobilisation se prépare, qui concernera l’ensemble des productions, afin de faire pression sur la grande distribution. Mais aussi à destination des pouvoirs publics afin qu’évolue la Loi de modernisation économique. Et que l’observatoire des prix et des marges, mis en place par le gouvernement grâce à l’action syndicale, remplisse pleinement son office et donne lieu à de véritables sanctions dissuasives.
M.L.-R.