Échanges
Afdi Pays de la Loire : trente ans de partenariat Nord-Sud
En trente ans, les familles d’accueil ont reçu 330 animateurs-paysans du Burkina-Faso et 600 personnes de la région sont allées découvrir le pays lors de voyages d’études.
Le Burkina-Faso a plus que doublé sa population entre 1980 et 2011. Elle est passée de 7 millions d’habitants à 16 millions. C’est dire l’importance de l’enjeu agricole et alimentaire dans ce pays d’Afrique subsaharienne, en proie en ce moment même à des tensions.
L’association Afdi Pays de la Loire, Agriculteurs français et développement international, accompagne depuis trente ans les organisations professionnelles agricoles de ce pays, la FNGN et la Fepab*. “Le Burkina a su relever les défis de la sécurité alimentaire, en adaptant sa production agricole aux besoins”, observe le président d’Afdi, Marcel Briffaud. Des changements se sont produits en quelques décennies : “Émancipation paysanne, avancées dans le domaine de la culture attelée, irrigation”. Mais “beaucoup reste à faire, souligne l’agriculteur vendéen : organisation des marchés, valorisation des productions par la transformation, conservation, transport, gestion des exploitations et des ressources…”
Afdi défend une agriculture familiale, génératrice d’emploi en milieu rural et de richesses locales, apte à relever le défi alimentaire. Mais à une condition, souligne encore Marcel Briffaud : celle que “les paysans puissent obtenir un revenu suffisant de leur travail et accéder à un niveau de vie acceptable”. La faim est “moins un problème de capacité de production que d’accès et de disponibilité de la nourriture”.
Basée sur des échanges réciproques, l’activité d’Afdi a commencé par une coopération sur le maraîchage et les questions d’accès à l’eau, débouchant en 1989 sur la construction d’un barrage à Laaba, dans le nord du pays. S’en est suivie la mise en place d’un service de conseil permanent aux paysans. Le conseil de gestion à l’exploitation familiale, dont ont bénéficié 2 000 familles, est une des actions phares des partenariats Afdi-groupements Naam. Ce soutien aux organisations paysannes s’est aussi renforcé en 2003, lorsque Afdi a lancé un programmé européen sur la sécurité alimentaire avec la Fepab.
S.H.
*La FNGN : Fédération nationale des groupements Naam, l’une des plus importantes organisations paysannes de l’Afrique de l’Ouest.
La Febab : Fédération des professionnels agricoles du Burkina-Faso.
Perspectives
Créer des politiques agricoles favorables au monde rural
Quelle place pour les ruraux dans le développement de l’Afrique ? À l’occasion des 30 ans d’Afdi, trois personnalités étaient invitées à donner leur point de vue, le 15 avril au lycée du Fresne à Angers. Autosuffisance alimentaire, organisation des agriculteurs face aux pouvoirs publics et aux institutions internationales, beaucoup de questions ont été abordées.
“L’Afrique a les potentialités pour être autosuffisante, les techniques existent, mais les impulsions politiques manquent”, analyse Michel Griffon, défenseur d’une agriculture “doublement verte”. “Les gouvernements font le choix de prix alimentaires bas pour nourrir les villes et éviter les révoltes des populations urbaines. Mais cela signifie aussi des prix agricoles bas, des revenus faibles pour les agriculteurs qui n’ont pas la capacité d’investir.
Il faudrait parvenir à augmenter progressivement les prix alimentaires urbains, maintenus bas en raison d’importations”. Alors que le rôle dédié à l’agriculture africaine a été depuis longtemps les monocultures d’exportation, il est nécessaire, estime Michel Griffon, de persuader les gouvernements africains d’entrer dans une dynamique de reconnection de la production locale et de la consommation des villes. La question de l’emploi est cruciale : d’ici quarante ans, on s’attend à un milliard d’humains supplémentaires en Afrique. “L’occupation principale de cette population ne sera pasl’industrie ou les services mais bien l’agriculture”. Ce qui est en jeu, c’est donc bien la création de “politiques agricoles favorables au monde rural.”
Aminata Dramane Traoré, intellectuelle et écrivain malienne, porte, elle, un regard très sévère sur l’état global du monde et les relations Nord-Sud, encore marquées par "l'héritage de rapports de domination” et met en avant le peu de poids des organisations agricoles africaines.
Dans quelques semaines, se tiendra le G20 agricole qui, pour Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA, sera justement l’occasion de tendre une main aux organisations du Sud et permettra d’aborder l’enjeu alimentaire, mais aussi de poser la question de la préservation des espaces fonciers, la nécessité de politiques agricoles régulatrices, les relations Nord-Sud et le changement climatique. “Le développement doit passer par la reconnaissance des forces agricoles”, assure-t-elle.
S.H.
INTERVIEW
Gérard Renouard*
Vous venez de participer, à Dakar, à deux jours de rencontres entre gouvernements et organisations paysannes. De quoi y a-t-il été question ?
Gérard Renouard : Cette rencontre, la deuxième depuis 2005, est une sorte de Davos agricole. Les questions essentielles, à mon sens, ont porté sur la régulation : "Comment limiter l'amplitude de la volatilité sur les matières premières agricoles ? Quelle gouvernance internationale pour l'alimentation et l'agriculture ?” Ce Dakar agricole vient en prélude du G20 agricole de Paris, en juin prochain, lequel a pour objectif de sensibiliser les chefs d'État avant le G20 de Cannes.
En quoi Afdi peut accompagner les agriculteurs de l'Afrique de l'Ouest ?
L'organisation agricole française, même si elle est complexe, est pertinente. Elle est transversale. Elle s'intéresse au foncier, aux revenus, aux filières, etc. Par ses échanges d'expérience, Afdi peut accompagner les organisations africaines agricoles. Aujourd'hui, l'Afrique, de par son potentiel de productivité, ses réserves de terres, n’apparaît, non plus comme un problème, mais comme une solution. Il me semble important d'aider les paysans africains à encadrer ce développement afin de s'assurer qu'il leur revienne.
M. L.-R.
* Président d’Afdi national.