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AEI
Agriculture écologiquement intensive : entrer dans le concret

Les deuxièmes entretiens se sont tenus à l'Ésa d'Angers, en début de semaine. Son président, Michel Griffon, donne d'ores et déjà rendez-vous l'an prochain.

À la tribune : Laurent Fracony de Système U, Christiane Lambert vice-présidente de la Chambre d’agriculture, Vincent Favrichon, directeur général de la Draaf et Michel Griffon, président de l’AEI.
À la tribune : Laurent Fracony de Système U, Christiane Lambert vice-présidente de la Chambre d’agriculture, Vincent Favrichon, directeur général de la Draaf et Michel Griffon, président de l’AEI.
© AA

“Que ce lieu reste un endroit de dialogue et d'ouverture où chacun s'exprime  au-delà des étiquettes habituelles”. Ainsi s'exprimait Michel Griffon, cette semaine à Angers, en conclusion des deuxièmes entretiens de l'AEI (Agriculture écologiquement intensive) dont il est le président. Il répondait en cela au premier vice-président du Conseil général, Christophe Clergeau qui, en appelant de ses vœux un “modèle de développement agricole spécifique pour le Grand Ouest qui préserve l'agriculture, l'industrie agro-alimentaire et les territoires, soutient cette démarche “a-dogmatique et heuristique parce que plurielle”. Voilà résumé l'esprit qui prévaut à ces entretiens. Voilà ce qui ressort de la dizaine d'ateliers qui se sont échelonnés sur les deux jours : des échanges, des regards croisés, des expériences, des innovations, des remises en cause, des recherches et des questions sur des sujets qui, ailleurs, parfois, fâchent. Des réalisations concrètes déjà, comme le verger AEI de 2,5 hectares en Maine-et-Loire. Le but de ces échanges ? Permettre à l’agriculture de s'adapter aux nouvelles donnes que sont la volatilité des prix, le changement climatique, les demandes sociétales et environnementales, la sécurité alimentaire, l'équilibre nord-sud, etc. D'où le thème retenu pour la table ronde de clôture : “Dans un univers plus chaotique, la nécessité de s'adapter”. Des différents ateliers (voir notamment ci-dessous) se dégagent plusieurs points communs : une indispensable circulation de l'information et une non moins indispensable nécessité de formation. Le rôle de la recherche, pilier de l'évolution des pratiques : “Il y a, à l'issue de ces ateliers, des questions précises à poser aux chercheurs”, indiquait Michel Griffon.  L'intérêt de l'innovation, du travail en groupe, a été souligné. Une approche globale et systémique des exploitations est à chaque fois évoquée. Quant aux aspects économiques, “les systèmes orientés AEI ne sont pas pénalisés économiquement”, a-t-on souligné dans l'atelier “AEI et compétitivité”.  En l'occurrence le pire ennemi de l'AEI serait la volatilité en tendance haussière, qui inciterait, à des pratiques moins vertueuses en matière d'environnement.
Si des coopératives, les OPA dont les Chambres d'agriculture, notamment du Grand Ouest, des entreprises agricoles, des établissements scolaires et des agriculteurs eux-mêmes sont aujourd'hui convaincus et partenaires de l'AEI, qu'en est-il des consommateurs et de la grande distribution ? Pour la première fois, une association de consommateurs a pris part à des ateliers. Une enseigne nationale, désormais, accompagne la démarche. “Avec vos moyens de communication, vous détenez un rôle clé dans le lien avec le consommateur”, a dit Christiane Lambert à Laurent Francony de Système U. Lequel a invité au travail en commun afin de “trouver les bons indicateurs pour convaincre de la valeur environnementale du produit auprès de clients aux attentes de plus en plus diversifiées”.  Cela  passe-t-il par une identification AEI ? Un premier pas dans la reconnaissance du travail accompli pourrait être franchi avec la mise en place officielle, cette semaine, de la certification HVE (Haute valeur environnementale) dont le niveau trois prévoit un étiquetage. “Une garantie que l’on pourra faire savoir”, convient le représentant de la GMS.

M. L.-R.

L’exemple de la ferme biologique de Thorigné-d’Anjou

L’élevage, un facilitateur d’AEI ?

Comment concilier, par le choix du système fourrager, de bons résultats zootechniques, une qualité environnementale et une meilleure autonomie de l’exploitation ? À cette question, les intervenants de l’atelier consacré à l’élevage ont cherché des réponses adaptées à leur contexte.
Une des pistes explorées par la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou est celle des associations céréales – protéagineux, pour l’alimentation des vaches allaitantes. La conduite culturale est ici en agriculture biologique, mais transposable dans un système conventionnel. “L’objectif des éleveurs est de récolter un mélange productif, riche en légumineuses, en évitant la verse, et avec une bonne maîtrise des adventices. Les associations céréales - protéagineux constituent une solution pour produire un concentré plus riche en matières azotées,” explique Jean-Paul Coutard, responsable de la ferme.
Deux pistes d’exploitations sont envisageables : la récolte en grains ou en ensilage. En grains, les mélanges de triticale et pois fourragers donnent de bons résultats : un aussi bon rendement que le triticale seul, avec une nette amélioration de la valeur nutritive par rapport à la céréale seule. On observe une synergie entre le protéagineux et la céréale, dont le taux de protéines est augmenté. D’autres mélanges ont été testés, notamment l’association blé - pois protéagineux, qui présente moins d’intérêt pour les bovins (car moins productif) mais peut être utilisé pour les monogastriques. D’un point de vue environnemental : aucun phytosanitaire et aucun engrais n’est utilisé.
L’exploitation en ensilage au stade laiteux-pâteux de la céréale est également explorée. Elle présente l’avantage de produire un rendement élevé, en une seule coupe, avant la sécheresse estivale.
Ces techniques présentent donc des avantages qui justifieraient une plus large utilisation. Mais elles supposent un changement de raisonnement de la ration et une forte adaptabilité. “Avec les associations on sait ce que l’on sème, et on constate ce que l’on récolte”, en fonction des conditions climatiques de l’année. Pour optimiser la ration, il faut donc savoir ajuster les compléments au pourcentage de protéagineux dans la récolte.
Pour Pierre Chenu et Anton Sidler, éleveurs laitiers respectivement en Bretagne et en Normandie, la réponse au défi de l’AEI passe par l’introduction de plusieurs légumineuses en mélanges, le semis direct et des cultures dérobées. Ces systèmes, adaptés à des régions recevant une pluviométrie importante, permettent une plus faible utilisation de concentrés, une diminution de l’utilisation des intrants, et donc de faibles coûts de productions, mais sont difficilement reproductibles dans le contexte angevin…
Ces témoignages ont bousculé les participants et fait l’objet de riches débats. Même si leur transposition à l’identique dans une exploitation n’est pas possible, ils ouvrent des pistes de réflexion pour résoudre la difficile équation de l’agriculture écologiquement intensive.


Marie Calmejane
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