Prospectives
Agriculture : les grands enjeux de 2011
Loi de modernisation agricole, Pac, productions en crise, G20, OMC, contractualisation... en 2011, de nombreux défis attendent le monde agricole.
1. La difficile application de la Loi de modernisation.
Parmi les mesures emblématiques de la LMA : la contractualisation entre les agriculteurs et leurs acheteurs, le renforcement des interprofessions et des producteurs dans leurs filières, la gestion des risques (création de fonds de mutualisation des risques sanitaires, développement de l’assurance...), sans oublier la maîtrise du foncier (par un système de taxation lors de modifications de l’usage des terres agricoles)... Autant de dispositifs délicats à mettre en œuvre. Bruno Le Maire devra déjà réussir la contractualisation dans la filière laitière. Le rendez-vous qu’il a lui même fixé est pour mars 2011. S’il réussit, sa loi fera date dans le monde agricole. S’il échoue, elle ne sera qu’une loi de plus, vite oubliée.
2 - 2011, “année cruciale pour la Pac”.
Sous la présidence de la Hongrie puis de la Pologne, l’UE va poursuivre en 2011 la négociation sur l’ambition et la configuration de sa politique agricole après 2013, afin, espère Dacian Ciolos, de “parvenir à un accord politique en 2012. 2011 sera cruciale pour la Pac”, a-t-il dit. Le débat est lié au cadre financier que les Vingt-sept établiront pour l’avenir. L’an prochain, “sur la base des chiffres provisoires pour le financement futur de la Pac” que proposera la Commission de Bruxelles, “nous élaborerons des propositions pour rendre notre politique plus compréhensible et mieux préparée aux défis alimentaire, environnemental et territorial”, confirme le commissaire à l’Agriculture.
3. Le G20 et la régulation des matières premières.
Depuis novembre 2010 et pour un an, la France préside les sessions du G20, le groupe des vingt principales puissances de la planète. Parmi les trois objectifs prioritaires de cette présidence, figure la régulation des matières premières, agricoles ou non, soumises ces dernières années à une volatilité des cours de grande ampleur. Une réunion avec l’ensemble des ministres de l’Agriculture est prévue au printemps. L’objectif est d’aboutir à une situation réduisant l’amplitude des variations de cours. Bruno Le Maire, le ministre français de l’Agriculture, a multiplié ses déplacements dans les pays qui comptent le plus sur ce sujet. À l’heure où l’alimentation redevient une donnée stratégique, il n’est pas certain qu’un consensus puisse être obtenu sur une régulation effective des marchés.
4. Lait : 2011, l’année de tous les changements.
Même si le prix du lait retrouve des couleurs en 2010 (avec, sur les huit premiers mois de l’année, une moyenne à 295,8 euros, soit +18 euros/1 000 litres - source FranceAgriMer), même si les perspectives sont bonnes pour janvier (322 euros/1 000 litres en Bretagne et Pays de la Loire) et pour le premier trimestre selon la FNPL, la filière risque d’entrer en zone de turbulence en 2011. La contractualisation entre les producteurs et leurs transformateurs devra devenir effective en mars. Le décret qui est passé au Conseil d’État est attendu dans les tous prochains jours. Les syndicats d’agriculteurs alertent sur un “tempo” qu’ils jugent trop rapide. Deuxième motif de tensions : la contractualisation telle que formalisée dans le décret est jugée “peu protectrice” pour les producteurs.
Autre chantier : la gestion des quotas laitiers par bassin de production et non plus par département.
5. Les marchés céréaliers toujours sous tension.
Les prix des céréales devraient rester sur de hauts niveaux en 2011. Les stocks européens de fin de campagne 2010-2011 sont estimés à
8,2 Mt (- 39 % par rapport à 2009-2010), les semis d’automne dans le nord de l’Europe sont limités par des conditions humides. De plus, les récoltes dans l’hémisphère sud seraient pénalisées par des conditions climatiques difficiles. Au niveau politique, l’embargo russe sur les exportations de céréales se prolonge jusqu’à l’été 2011, et le Congrès américain va prolonger les subventions à la production d’E15, principalement à base de maïs, pour un an supplémentaire.
6. La mention d’origine pour faire remonter les prix en porc. (voir ci-dessous)
Le 15 décembre, un accord volontaire sur la mention d’origine des produits du porc, en charcuterie comme en frais, a été signé en interprofession. Cet accord, souvent qualifié de “stratégique” doit débuter au 31 mars 2011. Il a pour but, entre autres, de favoriser l’achat de porc français par les salaisonniers et indirectement d’aider à faire remonter le prix à la production. En effet, “la répercussion des coûts de revient est indispensable et le marché seul ne peut le faire”. Avec la hausse des cours des céréales, les éleveurs de porcs ne couvrent plus leurs coûts de production. Un tiers d’entre eux risquent de disparaître d’ici l’été prochain.
7. Fruits et légumes : lutter contre les distorsions de concurrence.
2010 a apporté au secteur des fruits et légumes des raisons de ne pas désespérer : conditions climatiques, allègement des charges sur le travail saisonnier, entré en vigueur en 2010. La même avancée est attendue en 2011 avec l’allè-gement des charges sur le travail salarié des permanents, comme le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire l’a lui-même déclaré à l’automne. Un dossier qui, avec la mention d’origine des produits, devrait contribuer à atténuer les distorsions de concurrence dont bénéficient d’autres pays producteurs.
Le dossier de contractualisation des fruits et légumes tout au long de la filière se met en place, mais il s’annonce plus difficile à traiter que les précédents, les producteurs espérant sécuriser leur revenu.
8. Des négociations internationales cruciales pour la viande bovine et la volaille de chair. (voir ci-dessous)
Des négociations à l’OMC pourraient modifier complètement le paysage de la production de viande bovine et de volaille de chair. Or, elles pourraient aboutir en 2011. En viande bovine, les négociations avec le Mercosur portent sur des milliers de tonnes de viandes importées (de 250 000 t à 800 000 t, voire 1,5 million pour 2020), “qui déstabiliseraient entièrement la production nationale”, précise la Fédération nationale bovine. Côté volaille de chair, les négociations portent sur le retrait des aides directes à l’exportation, avec une diminution des droits de douane, une modification des contingents à droit de douane 0. La France, première exportatrice de viande de volaille de l’Union européenne (200 000 tonnes sur 240 000 tonnes) serait la première atteinte. En clair, “cet accord signé, c’est 20 % de la production française qui
disparaît”, affirme Christian Marinov, directeur de la Confédération de l’aviculture.
9. Agriculture biologique : des objectifs plus difficiles à atteindre.
Parvenir à cultiver 6 % des surfaces agricoles en bio en 2012 : ce défi fixé par le plan Barnier en fa-veur de l’agri-culture biologique était déjà difficile à relever ; il le devient plus encore avec la division par deux du crédit d’impôt (2 000 euros au lieu de 4 000) imposée par la Loi des finances 2011.
10. Vin : reconquérir ou non le marché mondial.
Vendre, et surtout exporter, à un prix rémunérateur, sera le principal enjeu du monde viticole en 2011. La remontée des prix cette année, par rapport à 2009, ne permet pas encore de revenir au niveau des cours moyens des cinq dernières années, selon France AgriMer. La demande en forte croissance des pays d’Asie et des pays d’Europe du Nord représente un espoir. Autre négociation importante : l’après 2013, le futur de la Pac. L’année 2011 s’annonce comme une année charnière.
11. Le Grenelle tangue mais ne sombre pas.
Le gouvernement assure que l’intégralité des 201 décrets d’application issus de la loi Grenelle 2 de l’environnement (votée le 29 juin 2010) sera publiée d’ici le premier trimestre 2012. Pourtant, tous les indicateurs ne sont pas au vert. Bruno Le Maire plaide pour “une pause en matière de règles environnementales” afin de laisser aux agriculteurs le temps de digérer les mesures déjà votées. Pour ce qui concerne l’agriculture, un certain nombre de mesures emblématiques comme l’agrément des utilisateurs des produits phytosanitaires est quand même attendu d’ici le printemps 2011 devant le Conseil d’État. Certains dossiers sont déjà sur les rails comme le plan Écophyto 2018 (le Certiphyto sera généralisé en juin 2011) mais d’autres semblent au point mort. C’est notamment le cas de la certification environnementale des exploitations agricoles et de la mise en place des trames verte et bleue.
12. Année charnière pour les OGM.
La Commission européenne a décidé de débloquer le processus d’autorisation de mise en culture de plantes génétiquement modifiées au sein de l’UE. Bruxelles propose aux États de pouvoir interdire la culture d’OGM sur tout ou partie de leur territoire “à condition que ces mesures soient fondées sur des motifs autres que ceux liés à l’évaluation de l’effet néfaste sur la santé et l’environ-nement”. Mais ce projet de renationalisation des autori-sations n’a pas reçu un très bon accueil de la part des États-membres. En France, la mise en application de la Loi de 2008 sur les OGM a pris du retard. Le décret définissant le “sans OGM” devrait voir le jour au premier semestre. Une fois publié, les autres décrets suivront : conditions de co-existence entre filières et information au public.
13. Énergies renouvelables : coup d’arrêt ou relance ?
La suspension du tarif de rachat de l’électricité photovoltaïque par le gouvernement pour éviter une surchauffe a jeté un coup de froid sur tout le secteur des énergies renouvelables. Une phase de concertation a commencé entre l’ensemble de la filière photovoltaïque et les pouvoirs publics qui devrait aboutir à la rédaction d’un texte réglementaire pour le mois de mars. Une chose est sûre : les tarifs de rachat seront revus à la baisse. Un autre enjeu est la préservation du foncier agricole face aux centrales solaires au sol.
D’APRÈS AGRAPRESSE
GÉrard Bourcier*, production porcine
"Un bassin de production au niveau Grand Ouest"
L'année 2010 aura été marquée par une série d'actions syndicales qui, estime le responsable de la section porcine, auront porté leurs fruits. L'acquis le plus emblématique concerne la mention VPF que, in fine, la Fict a accepté de faire figurer sur les produits de salaisonnerie. "L'interprofession peut fonctionner", se félicite Gérard Bourcier. Dans les objectifs pour 2011, figure la mise en place d'un bassin de production au niveau régional grand ouest, à travers l'interprofession régionale. Sur le plan syndical, le travail en commun avec la Bretagne et la Basse Normandie va se développer.
Autres enjeux que fixe la production porcine : la modernisation du MPB, la restructuration des outils industriels dont certains ne tournent qu'à 70 % de leurs capacités. Autant d'éléments qui doivent conduire à une meilleure rémunération des producteurs. "Techniquement, les producteurs français figurent parmi les meilleurs, il n'y a plus de marge de compétitivité dans nos exploitations". La situation catastrophique dans laquelle se trouvent des exploitations porcines fait craindre des arrêts de production ; un rendez vous pour évoquer le sujet était prévu hier, jeudi, chez le préfet de Région.
M. L.-R.
*Président des sections porcines de la FRSEA Pays de la Loire et de la FDSEA de Maine-et-Loire.
MICKAËL BAZANTAY, VIANDE BOVINE
Gestion de l’offre : “Les producteurs ont un rôle déterminant à jouer”
Que peuvent espérer, pour 2011, les éleveurs de viande bovine ? La fin de l'année 2010 a montré quelques signes encourageants : ouverture de nouveaux marchés vers la Turquie, le Liban, l'Algérie, mais sans réelle retombée directe pour les producteurs dénonce Mickaël Bazantay. Toutefois, celui-ci espère que ce débouché va "contribuer à améliorer les cours dans les semaines qui viennent". Pour les cours, précisément, celui des mâles s'est relativement bien tenu en fin d'année mais le marché de la femelle reste toujours catastrophique. Toutefois, la consommation de fin d'année a été correcte, mais la guerre entre industriels de la viande continue à faire des ravages.
Pour 2011, le grand chantier qui attend notamment les producteurs de viande est celui de la gestion de l'offre. "Dans ce domaine, les producteurs ont un rôle déterminant à jouer", estime le responsable de la section viande bovine de la FDSEA.
"Il faut que chacun soit convaincu que tout est à construire et que cela dépend de nous car nous n'avons rien à attendre de personne".
M. L.-R.
Emmanuel Lachaize, grandes cultures
Une réflexion entre filières animaleet végétale
Les cours des céréales, dont on s'accorde à dire qu'ils pourraient se maintenir, étant donné la conjoncture climatique et économique, influent
directement sur les coûts de production du secteur animal. Un effet qui touche particulièrement les exploitations en polyculture-élevage de la région. "Cela pose un vrai problème d'équilibre pour les productions animales qui sont pénalisées chaque fois que le prix des céréales augmente", convient Emmanuel Lachaize, responsable de la section grandes cultures à la FDSEA. "Il y a vraiment une réflexion à mener entre filières animale et végétale sur le sujet au sein du syndicalisme".
M. L.-R.