Crises
Au delà des aides ponctuelles, mettre en place des outils de régulation
L’annonce d’une aide 280 millions d’euros pour le secteur laitier ne résout pas tout.
Ni pour le lait, ni pour les autres productions. Réaction d’Alain Cholet, président de la FDL.
Quelle est votre réaction après l'annonce d'un versement de 280 millions d'euros par l'Union européenne pour le secteur laitier ?
Alain Cholet : cette somme peut paraître importante, mais quand on y regarde de plus près, cela représente 450 euros par éleveur et par an. Pas vraiment de quoi remettre les trésoreries à flot. Il faut des aides plus conséquentes, mais surtout que les marchés poursuivent leur remontée, afin de pouvoir envisager une meilleure année 2010. En ce qui concerne les prix, l'Union européenne a sa part de responsabilité car c'est elle qui gère les stocks. Aujourd'hui si la reprise des marchés, amorcée depuis la mi-août, se poursuit, on va vers une amélioration du prix. Mais si l'Union européenne lâche du stock pour éviter que les prix augmentent, on repousse à nouveau le problème. Si on ne gère pas intelligemment, on va accentuer la volatilité des prix à la hausse comme à la baisse, ce n'est pas sain, car cela déstabilise les marchés et en particulier la consommation.
Les stocks sont donc une sorte de régulation du marché ?
C'est l'un des outils, mais pas le seul. La gestion des stocks peut accompagner la réactivité de la production. Quand on a besoin de lait, cela prend quelques mois pour monter en production. Le déblocage des stocks peut pallier ce délai. À l'inverse, créer du stock, à prix correct, permet de temporiser, le temps que les vaches baissent en production. C'est ce que nous demandons à l'Union européenne et aux pouvoirs publics. C'est notamment pour cela que nous étions à Nantes, le 16 octobre dernier.
Mariann Fischer-Boel a renvoyé la décision au 19 novembre, lors de la prochaine rencontre de la commission. Qu'en attendez-vous ?
Faut-il encore patienter jusqu'au 19 novembre ? Faut-il attendre les déclarations du Président de la République ? Il faut arrêter de rêver. Ce qu'il faut pour l'avenir, c'est réguler la production autrement qu'avec des aides ponctuelles. Ce qu'il faut, c'est que les producteurs prennent en main la gestion des volumes, c'est l'autre outil de la régulation. C’est ce que recommande la Cour des comptes européenne qui met en garde contre la libéralisation excessive du marché laitier. C'est ce à quoi la FDL travaille et réfléchit depuis cinq ans ; et c’est ce que la FNPL propose aujourd'hui.
Ce sera notamment un des sujets abordés lors de la réunion lait qu'organise la FDL le 5 novembre prochain ?
Absolument. Ce jour-là, deux projets seront présentés : celui de la FNPL avec Henri Brichart et celui de la FNCL par Dominique Chargé. Les deux projets seront non seulement présentés, mais débattus.
La Fnil (Fédération nationale des industries laitières) fait savoir que le prix du lait payé aux producteurs français est trop élevé, notamment vis-à-vis du prix allemand de 25 % inférieur ? Qu’en pensez-vous ? N’est-ce pas annonciateur du ton des prochaines négociations de prix ?
On voit que la réactivité demandée par les entreprises dans l’accord du 3 juin dernier, réactivité alors à la baisse, ne les intéresse plus dès lors que la tendance est haussière. C’est là qu’on s’aperçoit que, malgré le prix payé insuffisant en 2009, cet accord du 3 juin est pertinent. Il va donc se mettre en application sur des hausses et c’eut été une erreur de le dénoncer. Notre objectif, aujourd’hui, est de préserver cet accord pour les prochaines négociations.
Mariann Fischer-Boel a prévenu que cette somme de 280 millions d'euros aux laitiers était la dernière aide budgétairement possible et que, dès lors, les autres productions ne devaient plus rien espérer. N'est-ce pas une déclaration qui incite à la division interne ?
Effectivement, pour mettre la division, on ne s'y prendrait pas autrement. C'est redoutable, car cela sème le germe de la discorde et le monde agricole n'en a pas vraiment besoin. C'est vrai que l'on a beaucoup parlé du lait et je conçois l'agacement des autres productions. Mais si le prix du lait de vache repart, cela aidera les producteurs de lait de chèvre ou de lait bio qui ont, eux aussi, des soucis. La réforme des vaches laitières générant aussi des flux de viande bovine, ça pourrait aider à remonter le prix de la viande. En lait comme dans les autres productions, l'avenir passe par la régulation, sinon le système ultra libéral entraînera des restructurations importantes. C'est ce que préconise le rapport d'orientation de la FDSEA depuis deux ans. Il faut aussi insister pour que l'observatoire des marges continue son travail auprès de la grande distribution. Mais, quoi qu'il en soit, les producteurs de lait resteront solidaires des autres productions, car le
paysage agricole n'est pas que laitier.
Propos recueillis par M. L.-R.