Interview Angélique Delahaye
« Casser l’image irréelle de cherté des légumes »
Présidente de la Fédération nationale des producteurs de légumes (FNPLég)
Comment expliquer que les prix de nombreux légumes baissent* ?
Angélique Delahaye : Le printemps a été catastrophique sur le plan climatique, provoquant de mauvais rendements. Puis, il y a eu un revirement complet au 14 juillet avec le retour de conditions estivales, permettant à la production de rattraper un peu son retard. Ce retour de production s’est fait sur un espace de temps court. Donc les prix ont baissé. Et le temps de réaction du commerce, normalement de huit jours, a aussi été de nature à engorger le marché, alors que nous continuions à produire. Il aurait fallu déclencher immédiatement des opérations de vente au déballage (sur les parkings des grandes et moyennes surfaces par exemple). En face, la consommation ne suit pas, alors que les prix ont diminué.
Au point que vous ayez alerté les politiques début août…
Nous avons envoyé un courrier au ministre de l’Agriculture pour qu’il donne la consigne aux préfets d’appliquer de façon souple la réglementation relative à la vente au déballage pendant trois semaines, jusqu’à début septembre. Les fruits et légumes ne sont pas chers mais les consommateurs ronchonnent toujours à en acheter. Je suis persuadée que, dans l’inconscient collectif des Français, on a introduit une notion de cherté qui n’est pas une réalité. Je l’explique par le fait que les producteurs perdent du revenu et ils le disent, comme ils disent qu’ils vendent leur produit tel prix au distributeur et qu’ils le retrouvent en magasin à un prix plus élevé. Résultat, le consommateur se dit qu’il le paie deux ou trois fois plus cher que le prix producteur. On aurait dû lui expliquer qu’un prix moyen de 2 à 3 euros le kilo selon le produit est un prix juste. Nous n’avons pas su le faire, car notre interprofession est longue et les intérêts des producteurs et des commerçants ne sont pas les mêmes.
Quel est le climat des relations interprofessionnelles ?
Il y a un peu plus de transparence. Certains acteurs ont convaincu leurs collègues de jouer le jeu sur les ventes au déballage. Mais cela date seulement de cette année. Les débats de la loi Chatel et de la loi de modernisation de l’économie (LME) ont forcément mis la pression sur les distributeurs. De notre côté, on ne doit pas tout miser sur les GMS, mais aussi sur les grandes halles et la restauration hors domicile qu’on ne doit pas laisser aux grossistes, qui basent exclusivement leurs approvisionnements sur des importations. Il n’y a pas un concombre français en RHD.
D’après Actuagri
(Lire aussi en page 7 de l'Anjou Agricole du 22 août )