Chasse : être en phase avec le monde agricole
Depuis le 1er août 2020, Philippe Justeau est à la tête de la Fédération des chasseurs du Maine-et-Loire. Il succède à Edouard-Alain Bidault. à la veille de l’ouverture de la chasse, nous avons souhaité recueillir son point de vue sur l’actualité et ses analyses sur les sujets de friction entre le monde agricole et les chasseurs.
La chasse, comme l’élevage, est dans le viseur du référendum d’initiative partagée (Rip) sur la maltraitance animale. Comment jugez-vous la situation ?
Philippe Justeau : Je la juge très préoccupante. Les tenants de cette écologie dogmatique et intolérante veulent effacer ce qui fait notre culture, nos territoires ruraux, notre histoire... Le problème, c’est qu’ils remportent une certaine adhésion auprès d’une population qui n’a pas ces repères. Et il ne faudrait surtout pas qu’ils obtiennent les 185 signatures de parlementaires, car après ils n’auraient aucun mal à réunir les 4,5 millions de signatures d’électeurs. Le drame des chasseurs, c’est qu’on ne sait pas dire ce que l’on fait, et pourtant on fait beaucoup en matière de biodiversité. à l’échelle de la région, on a embauché 5 jeunes doctorants rien que sur cette thématique !
En Anjou, on a monté le réseau ARBRE (ndlr : Agriculteurs respectueux de la biodiversité et des richesses de l’environnement) qui compte 165 agriculteurs volontaires. On y plante des haies, on y pose des nichoirs, on y implante des bandes enherbées, on y restaure des mares… Bref, on est dans le concret. Et on a intérêt à continuer à marcher main dans la main avec le monde agricole, car c’est notre seule planche de salut.
Avec les agriculteurs, il y a quand même au moins un sujet qui fâche : le sanglier, et le grand gibier de manière générale, dont les dégâts on presque doublé en 10 ans ?
C’est un problème en effet, et je rappelle que c’est la Fédération des chasseurs qui finance les dégâts. Sur le Maine-et-Loire, on arrive à un peu plus de 400 000 € répartis pour moitié en indemnités aux agriculteurs et pour l’autre moitié en frais de fonctionnement, donc ça n’est pas rien. Après, nous tenons un discours très clair vis-à-vis des chasseurs : chassez, tapez dedans ! Nous avons une réglementation départementale relativement souple, on peut aujourd’hui prolonger la période de chasse jusqu’au 31 mars, on ne donne pas de consigne de tir… à notre niveau, on est vraiment en phase avec le monde agricole pour endiguer la prolifération.
Mais pour quelles raisons n’y arrive-t-on pas, alors ?
Déjà parce que ce n’est pas si simple. Nous avons aujourd’hui des territoires entiers qui ne sont pas chassés, soit par la volonté des propriétaires, soit parce qu’on est en périphérie de villes ou d’axes de circulation, qui se sont multipliés. Ces territoires servent de refuges. Ensuite, il y a probablement des effets liés au changement climatique, qui favorise la prolificité des naissances. Enfin, je dirais qu’il y a aussi un effet lié au changement de systèmes agricoles, depuis une vingtaine d’années, avec plus de maïs, donc d’attrait pour les animaux. Tout ceci combiné a fait que j’ai vraiment vu les perdrix et les lièvres baisser et les sangliers et les chevreuils arriver dans nos territoires.
Dans ces conditions, le temps n’est-il pas venu d’interdire l’agrainage ?
C’est un sujet très compliqué car l’agrainage de dissuasion fonctionne lorsqu’il est bien mené, c’est-à-dire toute l’année, et pas que pendant la période de chasse. Nous avons d’ailleurs une charte sur le sujet et les contrevenants peuvent être verbalisés. Après il ne faut pas être dogmatique, et si l’effet de l’agrainage s’avère contre-productif, il n’est pas certain qu’à terme on continue d’agrainer.
Propos recueillis par Arnaud Fruchet