Segréen
Développement durable : « On ne pourra pas tout faire en même temps »
Du local au global, le développement durable est une question de choix. C’était le thème de l’AG du Cratéas.

a lancé Jean-Pierre Tillon, directeur scientifique d’Invivo.
En remplaçant ses barquettes de steak haché non empilables par des barquettes empilables, Soviba a réduit par dix l’encombrement de ses emballages. Il faut aujourd’hui un camion toutes les trois semaines contre un par semaine avant, pour acheminer les barquettes au Lion-d’Angers. Autant de véhicules en moins sur les routes. Étape par étape, Terrena Viande engage ainsi des actions de développement durable. Pour le directeur qualité du site du Lion-d’Angers, invité à témoigner à l’assemblée générale du Cratéas, jeudi 13 mars, « il est indispensable d’envoyer des signaux forts envers nos clients ». L’abattoir réfléchit aussi au traitement des 100 000 tonnes de déchets générés par an. Méthanisation, compostage et cogénération sont à l’étude.
Équivalent litre de fioul
Dominique Bordeau, éleveur dans la région de Château- Gontier, ne parle plus qu’en équivalent fuel : « 1 000 têtes de peuplier, c’est 600 tonnes de fuel, laissées sur place le plus souvent faute débouchés ! », s’exclame-t-il. Sur sa ferme, le bilan énergétique d’exploitation est tenu comme une comptabilité, toutes les consommations d’énergie étant calculées en équivalent litre de fuel. Cet élu à la Chambre régionale d’agriculture est venu dire comment une filière bois-énergie s’est constituée avec succès dans sa petite région. Des haies replantées, une chaudière bois alimentant une école, une autre à la piscine de Château-Gontier… « Il y a un gros potentiel bois en Pays de la Loire, a expliqué Dominique Bordeau. Mais il manque de chaudières pour l’exploiter ». Christian Huet, agriculteur bio à Champigné, a dit, lui, la nécessité d’une évolution des consciences pour entreprendre des démarches de développement durable. Sa conversion ne s’est concrétisée qu’après le départ en retraite de son père. « Pour lui, passer au bio était tout simplement impensable. C’était contraire à tout le mouvement de modernisation qui lui avait permis d’améliorer ses conditions de travail et de sécuriser sa production ».
« Déjà en 2020 »
« Il se fait des choses ici ! », a constaté Jean-Pierre Tillon, qui a participé aux travaux du Grenelle de l’environnement. Vétérinaire de formation, il préside, entre autres, l’union de coopératives In Vivo et travaille sur la veille scientifique et la prospective : « Les gens que je fréquente sont déjà en 2020, parfois 2050 ». Pour lui, il est clair qu’« on ne peut pas tout faire à la fois en matière de développement durable, comme le voudraient certains. Sinon, on s’arrêterait de produire ». Quels choix opérer alors ? « Toujours se demander si ce que l’on produit n’est pas trop coûteux en énergie ». Face à la demande croissante en alimentation et la raréfaction des terres cultivables, il conseille de se demander : « Que peut-on faire de mieux sur telle ou telle parcelle ? » Pour le chercheur, il faut se méfier de tomber dans le dogmatisme : « Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. On a déjà beaucoup réduit les impacts de la production agricole sur l’environnement ». Il est nécessaire, a-t-il martelé, de combiner intelligemment les différents systèmes de production, bio, conventionnel, raisonné : « Chacun a sa place ». Solutions environnementales Plus réfléchie, plus efficace, l’agriculture peut faire encore mieux, en étant pourvoyeuse de solutions environnementales : « Pourquoi les agriculteurs du Segréen ne vendraient-ils pas des crédits carbone à Air France ? » imagine Jean-Pierre Tillon. Ouvert à toutes les innovations, le chercheur rêve de balayer les freins administratifs au lancement d’expériences novatrices. « Il faut permettre à la créativité et à l’imagination de prendre le pouvoir. C’est de la controverse permanente que naissent les idées nouvelles ».
S.H.