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À Emmaüs, dans les pas d’André
Les compagnons d’Emmaüs accomplissent un travail de fourmi pour redonner vie aux objets dont personne ne veut plus. La vente et le recyclage de ces dons font vivre une communauté d’une trentaine de personnes.
André, « pas encore soixante ans », est compagnon d’Emmaüs depuis 27 ans. Les circonstances de la vie l’ont, un jour, amené à frapper à la porte de la communauté de Poitiers. « C’était une veille de Noël. J’y suis resté ». Ont suivi quelques années à Bordeaux, puis il s’est posé à Angers, il y a trois ans. « Je suis bien ici, nous avons des loisirs, le booling, le karting, les matchs de foot de temps en temps ». André connaît par cœur les coulisses du village Emmaüs, tout ce que l’acheteur aperçoit à peine lorsqu’il entre dans l’immense salle des ventes. La recyclerie, où l’on reçoit tout, on trie, on répartit les objets en fonction de leur état. Des bacs débordant d’écrans de télévision et d’ordinateurs, des néons usagés, des bouteilles de gaz, des bibelots, on trouve de tout à Emmaüs.
Malgré l’abondance et l’éclectisme des dons, aucune place n’est laissée au désordre ou au hasard. Dans chaque atelier, un compagnon ou un bénévole s’affaire : ici pour remettre en état des vélos, là pour redonner du lustre à des meubles anciens. Un peu plus loin, sous un autre préfabriqué, des piles de vêtements sont triées par un compagnon, « un ami », comme dit André. Dans un coin, un chariot de supermarché rempli de couvertures pliées : « Voyez, ça, c’est pour le 115, le Samu social d’Angers. Chaque soir, des compagnons assurent une permanence. Et toutes les nuits, des personnes viennent coucher ici. Il y a de la place pour quatre. On garde aussi des lits pour les compagnons d’autres communautés qui sont de passage ». André, lui, habite depuis peu dans un des studios aménagés du nouveau bâtiment circulaire, inauguré l’année dernière. Chaque appartement comprend douche et toilette individuelles, plaques chauffantes, télévision. La résidence porte le nom de Lucie Coutaz, résistante et co-fondatrice d’Emmaüs. En passant dans les pièces communes, salle de restauration et d’accueil, André s’arrête devant les photos de la sortie à Esteville, en Normandie. En septembre dernier, les compagnons de Saint-Jean-de- Linières étaient allés se recueillir sur la tombe du fondateur disparu en janvier 2007. « Je l’avais rencontré trois fois, l’abbé Pierre », se souvient André. Un petit tour enfin par la salle des ventes où s’affairent bénévoles et compagnons. En cette veille de fêtes, le travail ne manque pas. Polyvalent, André revêtira un costume de Père Noël pour animer les ventes de décorations.
S.H.