Sécheresse
Faute de moyens, l'État en appelle à la solidarité professionnelle
On n’en sait pas encore l’ampleur, mais d'ores et déjà les conditions climatiques pèseront lourd dans les trésoreries des exploitations. Cinq pages pour faire le point.
étudiées. C'est l'objet des portes ouvertes qui se sont tenues cette semaine aux Trinottières.
Combien coûtera la sécheresse qui s’aggrave un peu plus chaque jour ? "Plusieurs centaines de millions d'euros", a estimé Bruno Le Maire lors d'une récente conférence de presse. Prenant en compte la situation et les demandes formulée par la FNSEA, le ministre de l'Agriculture prône une série de mesures (voir ci-dessous) qui, “faute de marge de manœuvre budgétaire", fait appel à la solidarité professionnelle. Et, comme le souhaite Xavier Beulin, président de la FNSEA, il ne sera pas soulevé d'impôt sécheresse (Voir aussi page 2 la chronique de Jean-François Cesbron, président de la Chambre d'agriculture).
Des achats extérieurs coûteux
"270 euros par UGB", indique Xavier Beulin. Voilà le surcoût estimé pour pallier le déficit fourrager. Pierre Chevalier, président de la FNB, parle de 200 euros par vache. Autant dire que le versement anticipé de la PMTVA viendra à peine combler la dépense supplémentaire. L'Institut de l'élevage, dans son dossier sécheresse (www.idele.fr) table, pour une exploitation de 80 mères et un atelier d'engraissement pour les mâles, sur un besoin en paille de 15 à 20 tonnes par mois. En l'occurrence, l'enjeu est de savoir à quel prix elle se négociera (voir interview de Jean-Marc Lézé en page 5). Mais même à un prix non spéculatif, la paille n'est pas suffisamment riche en énergie pour se substituer à une alimentation normale et les éleveurs devront compléter la ration avec d'autres aliments comme des céréales, des tourteaux, de la luzerne, des co-produits. S'il pleut ou s'il est irrigué, le maïs compensera un peu. Mais les systèmes herbagers paieront cash.
Pour la majorité des éleveurs de Maine-et-Loire, "il est trop tôt pour faire les comptes", mais on sait que, comme l'an dernier, il va falloir
sortir des sous pour faire face à la pénurie. Au Gaec de la Butte de la pierre, à Liré, 50 tonnes de paille ont été commandées par le biais de la FDSEA. "Le foin est à 40 % de rendement en moins", constate Damien Époury, un des associés du Gaec spécialisé lait. Pour économiser la paille, des plaquettes de bois vont être utilisées pour la litière. Sur l'exploitation de 160 hectares, une partie du maïs est irrigué, ce qui conforte la récolte. Avec le ray-grass et la luzerne, l'alimentation des vaches laitières devrait être assurée. "On va mettre des dérobés, moha, millet, avoine brésilienne…, sur les céréales, prévoit l'éleveur. Mais on espère la pluie. On attendra les récoltes pour faire le point et s'il faut, on vendra des bœufs".
Quelle ponction dans le porte monnaie ?
Au Gaec des Truchères, à La Pouëze, les trois associés scrutent le ciel, eux aussi. "L'an dernier, on a déjà déboursé 25 000 euros", se souvient Daniel Guillet. L'indemnité calamités agricoles est venue compenser la dépense à hauteur de 3 000 euros. "On vient d'acheter 10 tonnes d'aliment à 220 euros/ tonne pour les blondes d'aquitaine et autant à 240 euros pour les laitières", calcule l'éleveur. Et on a commandé 100 tonnes de paille”. La pluie d'orage (40 mm) a fait verser 6 des 12 hectares de blé mais redonne un peu d'espoir pour les maïs. "Est-ce qu'on va récu-pérer un peu d'herbe ? ", se demande-t- il. Les vaches ont été sorties des pâtures, "pour laisser les prairies redémarrer". Une dizaine de suitées ont été vendues, des réformes vont partir plus tôt que prévu. Des broutards ont été vendus, mais "j'ai perdu 100 euros sur chaque", indique l'éleveur. Comme à Liré, l'éleveur de la Pouëze attend encore pour faire les comptes, mais il se doute bien que la facture sera salée cette année encore.
M. L.-R.
AIDES AUX ÉLEVEURS
Une série de mesures
- Déblocage d'une somme de 700 millions d'euros par le Crédit agricole sous la forme de prêts à taux réduit de 1,5 % pour les JA, 2 % pour les autres. Une mesure automatique, immédiate en sans condition. La FNSEA réclamait la prise en charge des frais bancaires par l'État. D'ores et déjà, 20 % des cas auraient été rééxaminés par les banques, mais Xavier Beulin s'oppose à un réendettement des exploitations et préfère un rééchelonnement de la dette.
- Plan de 80 millions d'euros par la MSA et report de la cotisation de juin d'un montant de 3 000 euros (voir ci-contre).
- Versement anticipé de 80 % la prime à la vache allaitante (440 millions d'euros) et 50 % des DPU (4 milliards) au 16 octobre. Une mesure jugée "insuffisante pour répondre à la demande et au besoin" par la FNSEA.
- Lancement du processus d'indemnisation des calamités agricoles réservée aux éleveurs et polyculture élevage (étude des demandes le 12 juillet et versement vers le 15 septembre). Ce fonds de calamité suffira-t-il ? Il ne recèle que 90 à 100 millions d'euros, convient Bruno Le Maire, qui n'exclut pas d'envisager "des aides complémentaires à la trésorerie", si la situation empire.
- Pour les céréaliers, pour qui existe un système d'assurance récolte, le ministre sollicite la bienveillance des assureurs pour les dossiers JA déposés entre le 15 avril et le 15 mai.
- La solidarité européenne est également escomptée par Xavier Beulin qui sollicite de Bruxelles, comme cela a déjà été le cas pour d'autres pays, des mesures telles que la restitution aux exportations, voire une période de stockage de la viande. Le ministre de l'Agriculture annonce aussi la mise en place d'un groupe à haut niveau pour la filière bovine afin d'ouvrir des perspectives à long terme à cette production.
Interview Jean-Marc Lézé, secrétaire général de la FDSEA 49.
L’opération paille : un chantier immense, un vrai défi
La FDSEA a lancé une opération paille à laquelle s'est jointe la Chambre d'agriculture. Où en est-on aujourd'hui ?
Jean-Marc Lézé : une chose est sûre : on manquera de paille cette année. Les besoins sont énormes et la capacité d'approvisionnement moindre. Certains départements ont opté pour l'interdiction du broyage. Ce n'est pas le cas en Maine-et-Loire et on pourra vérifier, dès le début des moissons, que les agriculteurs se sentent responsables et jouent la solidarité. On le voit déjà ici ou là (voir p. 4 de l'Anjou Agricole du 10 juin).
Des contacts ont été pris ?
Oui, et depuis plusieurs semaines déjà, dès que nous avons mesuré l'ampleur du déficit. C'est d'abord les possibilités d'approvisionnement de proximité qu'il faut privilégier. Mais bien sûr, cela ne suffira pas car le Maine-et-Loire n'est pas un grand département céréalier. Nous avons donc pris des contacts avec des départements voisins comme l'Indre-et-Loire, mais aussi le Loir-et- Cher, la Seine-et-Marne et l'Eure-et-Loir. Les pourparlers avancent, notamment là où existent déjà des relations de travail. Des contacts ont également été pris avec les marchands de paille qui ont l'habitude de la logistique sur les départements les plus proches. Mais nos investi-gations nous mènent plus loin, jusqu'en Espagne. Tout dépend du tonnage nécessaire.
Comment cela va-t-il s'organiser ?
Dans certains endroits, comme l'Indre-et-Loire, les moissons de pois et d'orge vont commencer dès la semaine prochaine. Il faut donc des machines disponibles pour presser. Nous avons aussi pris contact avec les ETA et la fédération des Cumas pour intervenir en renfort. Il faut aussi organiser les transports.
Plus généralement, dans la mesure où les céréaliers ont l'habitude de broyer, ils ne disposent pas sur place du matériel pour presser. C'est quelque chose qu'il nous faut résoudre. Je reconnais qu'il s'agit là d'une logistique lourde à mettre en place. Mais les céréaliers jouent le jeu de la solidarité. À nous de trouver les moyens de mener l'opération jusqu'au bout. C'est un chantier immense, un vrai défi.
Il y aura de la paille pour tout le monde ?
Aujourd'hui, les besoins estimés pour le Maine-et-Loire sont de 10 000 tonnes. Les premiers contrats sont signés. Mais pour trouver la paille, il faut connaître les besoins des agriculteurs. Il faut donc que ceux-ci les fassent connaître sans délai. Sinon, comment passer commande ?
Qui peut passer commande ?
Cette opération paille est ouverte à tous les éleveurs, syndiqués ou non. La Chambre d'agriculture en a confié la gestion à la FDSEA. D'un point de vue pratique, les éleveurs s'adressent au président communal qui détient les bons de commandes qui seront à envoyer à la FDSEA le 17 juin au plus tard. Ils peuvent aussi s'adresser directement à la FDSEA ou se connecter sur le site www.fdsea49.fr.
RECUEILLI PAR M. L.-R.
Contact : Fdsea 02 41 96 76 30.
MSA
Report de paiement des cotisations
Tenant compte de la situation actuelle, la MSA propose aux exploitants agricoles en difficulté de demander un report de leur 2e appel provisionnel de cotisations normalement à payer pour le 27 juin 2011. Ceux en prélèvement automatique à l’échéance du 27 juin peuvent demander à suspendre ce mode de paiement. Toutefois, cette annulation du prélèvement ne sera plus possible au-delà du 16 juin. Pour les chefs
d’exploitation en prélèvement mensuel, la suspension de ce mode de paiement ne pourra intervenir qu’à compter de l’échéance du mois de juillet 2011. Les agriculteurs en difficulté souhaitant bénéficier d’un report du deuxième appel provisionnel sont invités à contacter immédiatement le service recouvrement de la MSA 49. En retour, il leur sera adressé un formulaire “demande de délai de paiement du
2e appel de cotisations” à renseigner. Ce formulaire est aussi disponible sur le site internet de la MSA (www.msa49.fr).