Événement
Fiers de produire et protéger
Sylvie Brunel, auteur de « Comment les Paysans vont sauver le monde ? », interviendra, à l'invitation de la FDSEA49, lors d’une soirée-débat qui aura lieue le 9 septembre prochain au campus de Pouillé.
Sylvie Brunel, auteur de « Comment les Paysans vont sauver le monde ? », interviendra, à l'invitation de la FDSEA49, lors d’une soirée-débat qui aura lieue le 9 septembre prochain au campus de Pouillé.
Sylvie Brunel, professeur en géographie et économiste, lançait un cri d’alarme, il y a 3 ans, sur l’état de l’agriculture dans le monde et en France. « Pendant vingt ans, j’ai travaillé dans des ONG qui étaient confrontées à de graves crises alimentaires. Nous nous battions contre les famines et contre la faim chronique, qui continuent d’affecter des millions de personnes à travers le monde. Et puis, je suis revenue travailler en France. Et là, j’ai découvert une situation qui m’a sidérée : ceux qui nous nourrissent y sont maltraités. Pas un jour où le travail agricole n’est cloué au pilori. Grâce à lui pourtant, notre tout petit pays a acquis son indépendance alimentaire et il est même devenu un grand exportateur de nourriture. Alors que la marque France reste dans bien des pays du monde un signe de qualité, les Français conspuent leur agriculture, prenant le risque de la voir disparaître. Le pacte qui a uni la France à ses paysans après la seconde guerre mondiale, et qui a fait de notre pays une grande nation nourricière et exportatrice (sur 5 % seulement de la SAU mondiale ), ce pacte qui a fait que l’agriculture française est perçue par les pays émergents comme l’une des meilleures et des plus sûres du monde, a été rompu.
Nos agriculteurs ont si bien travaillé que leurs concitoyens ont oublié la peur de manquer. Ils souffrent aujourd’hui de leur amnésie et de leur ingratitude. Alors que la plupart des autres pays, États-Unis, Chine, Japon, Inde, Brésil, savent à quel point leur agriculture est stratégique et mettent tout en œuvre pour la développer, nous sommes en train de perdre la nôtre.»
Les agriculteurs français ont tenu bon pendant la crise sanitaire
En 2021, alors que nous connaissons une pandémie sanitaire sans précédent, Sylvie Brunel ne change rien à qu’elle déclarait il y a trois ans : « nous avons plus que jamais besoin d'une agriculture forte et compétitive, et la détérioration du solde de nos échanges agro-alimentaires montre que les pouvoirs publics n'ont toujours pas compris à quel point notre agriculture est stratégique. Pourtant, pendant la crise du Covid-19, qui a vu de nombreuses populations basculer dans la faim, les agriculteurs français ont tenu bon : ils n'ont jamais cessé le travail pour nous fournir une nourriture saine, sûre et accessible, alors que les gens se précipitaient dans les grandes surfaces pour faire des provisions de sécurité. Ils ont aussi redécouvert les magasins paysans de proximité, l'alimentation à la ferme, et ça, c'est une excellente nouvelle, car je suis persuadée que notre agriculture française, toujours familiale et considérée comme la plus durable au monde par le magazine anglais The Economist, tient son excellence de sa pluralité. Il faut associer les modèles et non les opposer ! »
Le bio soumis à une concurrence déloyale
Sur le bio, Sylvie porte un jugement moins sévère qu’elle n’avait avant la pandémie. Selon elle, cela a permis à de nombreux paysans français de créer de la valeur dans des milieux difficiles, de petites surfaces, du péri-urbain, des zones défavorisées. Mais la culture du bio subit la pression sur les prix liés à la grande distribution (qui assure désormais la moitié des ventes de bio) et à une concurrence déloyale, puisque le bio importé est souvent bien éloigné des standards français.
Ce qui l'inquiète, c'est que le Pacte Vert de l'Union européenne, donc la future PAC (2023-2027), de même que la loi Climat et résilience française s'engagent résolument dans une volonté de verdissement qui risque de compromettre le statut de de la France de puissance nourricière. Vouloir à tout prix produire moins pour plus cher en généralisant l'agriculture biologique, est-ce compatible avec le maintien de la France dans le top 10 des exportateurs mondiaux de céréales, alors qu'à nos portes, se trouvent des régions fortement déficitaires ? « Nous ne pouvons pas déléguer à d'autres le soin de nous nourrir », avait déclaré Emmanuel Macron pendant la pandémie.
Toujours selon Sylvie Brunel, généraliser le bio signifie aussi, si l'on veut maintenir le niveau de production actuel, mettre en culture plus de surfaces, puisque les rendements sont en moyenne d'un tiers inférieur, mais la superficie des zones protégées ne cesse de s'accroître. Et face à l'augmentation de la pression parasitaire, la question se pose de savoir s’il y aura assez de machines, de tractoristes, d'outils d'aide à la décision, de moyens de lutte autre que mécaniques ou manuels.
Pendant le confinement, qui nous a privés de main d'œuvre étrangère, la plateforme mise en place pour trouver des bras pour l'agriculture s'est vite heurtée au découragement des bonnes volontés initiales. On ne doit pas renvoyer l'agriculteur à la pénibilité.
Produire en protégeant
La troisième révolution agricole, produire en protégeant, qui est le thème central du livre de Sylvie Brunel, passe par le recours à l'intelligence agronomique, l'agriculture climato-intelligente, la génomique végétale, et surtout une gestion anticipative de la ressource en eau. Pourtant, les oppositions sociétales continuent d'être fortes dès qu'il s'agit de créer des réservoirs.
Pour l’économiste, l’agriculture
française est plus que jamais stratégique : face aux enjeux de la transition écologique, les agriculteurs ont toutes les réponses : non seulement nous nourrir, mais nous libérer du fossile par le biosourcé, produire de l'énergie verte et renouvelable, et réussir les plans climat en piégeant le dioxyde de carbone dans les sols par de bonnes pratiques, qu'il s'agisse des prairies, (comment remettre en question l'élevage quand la moitié de notre SAU est composée de prairies?), des vergers ou des champs de maïs. Les producteurs de maïs se sont engagés d'ici 2025 à passer 10000 exploitations en HVE et à capter
1 million de tonnes de carbone en plus.
Oui, l'agriculture française bouge, se remet en question, innove, elle a toutes les solutions, mais il faut lui accorder toute la reconnaissance et le respect qu'elle mérite. Voilà pourquoi il leur faut être fiers de produire et de protéger. Ce sera le titre de la conférence de Sylvie Brunel le
9 septembre prochain.
Rendez-vous
Plus d’information et inscription sur fdsea49@agri49.com.
(Inscription obligatoire en raison des contraintes sanitires).