Mobilisation
Grande distribution : les agriculteurs veulent la vérité sur les marges
Sans attendre la date fixée, le 11 juin, par le mot d'ordre de la FNSEA,
les blocages de plates-formes de distribution ont commencé dès le 9 juin en Pays de la Loire.
Dans le feu de l’action bien avant le mot d’ordre national prévu pour ce jeudi 11 juin, les agriculteurs de la région des Pays de la Loire se sont mobilisés. Dans la région, tout avait commencé le dimanche soir, 7 juin. Ils étaient 400 à Sautron (Loire-Atlantique) devant la centrale d’achat de LIDL et 250, à Champagné (Sarthe) devant celle de Leclerc. Mercredi soir, les producteurs de lait, éleveurs porcins et bovins du Maine-et-Loire ont également condamné l’accès de la centrale d’achat Système U Grand Ouest de Trélazé.
Une détermination sans faille
Avec l’opération “Vérité sur les marges”, la FDSEA et JA montent au créneau à l’appel de la FNSEA. Objectifs fixés : dénoncer les dérives des grandes et moyennes surfaces (GMS) et la hausse des charges agricoles, mais également exiger des pouvoirs publics une implication dans la régulation des relations commerciales. Ces revendications se font jour sur fond d’une Loi de modernisation de l’économie (LME) déconnectée de la réalité selon les agriculteurs et d’un bilan de santé de la Pac controversé. « Une mobilisation sans faille, organisée par relais par des délégations venues des cinq départements de la région des Pays de la Loire », appréciait Joël Limouzin. Partout, la même revendication : un juste prix, une juste répartition de marges.
« Halte aux GMS qui se gavent », pouvait-on lire sur les panneaux. Et la remise en cause de la Loi de modernisation économique (LME) qui attise la convoitise de la grande distribution.
À Champagné, les manifestants sarthois ont dû lever le camp mardi midi, suite à une action en justice du Leclerc, suivie par le tribunal d’instance. « Un nouveau coup bas », estimait Michel Dauton, le président de la FDSEA sarthoise qui dirigeait aussitôt ses troupes vers d’autres lieux stratégiques, laissant à ses collègues des départements voisins le soin de poursuivre le siège devant le Leclerc.
À Trélazé, quelques homologues mayennais et sarthois étaient venus prêter main forte aux agriculteurs angevins afin de pointer du doigt les marges excessives de la grande distribution. « On est les dindons de la farce, s’indigne l’un d’entre eux. Auparavant il y avait des négociations, un dialogue entre producteur, transformateur et distributeur. Désormais, du fait de l’application de la LME, la grande distribution dispose d’une mainmise sur les prix et nous impose une faible rémunération : on livre du lait sous le prix de revient ». Les agriculteurs ne demandent pas une hausse du prix de leurs productions qui sanctionnerait le consommateur, mais une répartition des marges plus juste au sein de la filière. Résolus à demeurer solidaires et responsables, ils dénoncent les pratiques d’ « une grande distribution qui, sous motif de la défense du pouvoir d’achat des consommateurs, utilise ses fournisseurs en tant que variable d’ajustement pour préserver ses propres marges, en imposant systématiquement des baisses de tarifs ».
« Le racket de la distribution doit cesser, enjoint la FRSEA Pays de la Loire. On demande plus de transparence au niveau des prix. On a commencé par faire pression sur les laiteries : en vain. Aujourd’hui, on bloque la grande distribution ». Le mouvement pourrait se radicaliser si aucun compromis n’aboutissait : « On est prêts à aller jusqu’au bout », assurent la FNSEA et le CNJA. Les deux syndicats agricoles donnent un mois aux pouvoirs publics pour clarifier les procédés des GMS.
F.F. et M.L.R.
et les rédactions d’Agri72
et de Loire-Atlantique Agricole
Prix : Toutes les productions subissent la chute des cours, en particulier les productions animales. Le point avec les responsables professionnels.
Front commun contre la baisse des cours
Viande bovine : une situation jamais connue
Les trésoreries des producteurs de viande bovine affichent une situation désastreuse, selon la Fédération nationale bovine. « On peut déjà assurer que 2009 sera pire que 2008 », indiquait Mickaël Bazantay, le président de la section bovine FDSEA, lors du conseil d’administration de mardi. Petit espoir pour limiter la casse : les coûts plus faibles des achats d’engrais, mais des charges toujours aussi élevées ou nouvelles, comme l’équarrissage, la redevance élevage ou les pertes liées à la FCO.
Pourquoi les cours sont-ils en baisse ? En femelles viande de réforme, l’offre est à la hausse du fait de la décapitalisation pour faire face au besoin de trésorerie. Le nombre de réformes laitières est en hausse et la consommation en baisse. On voit aussi arriver sur le marché, depuis quelques semaines, des JB laitiers, une offre erratique pour un marché inconnu. Sur le JB, l’abattage est en augmentation au niveau national du fait de la FCO et l’Italie abat à tour de bras. Quant à l’export, l’incertitude est complète quant aux garanties de paiement.
« On n’a jamais connu une telle situation financière », poursuit Mickaël Bazantay. Catastrophique chez les naisseurs/ engraisseurs, à peine correct chez les engraisseurs spécialisés. Pour les naisseurs, les broutards de qualité se vendent à un prix raisonnable. « Le reste n’a pas de marché ». Pendant ce temps, « chez des industriels, les résultats sont à faire pâlir d’envie » alors que des anomalies ont été constatés en ce qui concerne le classement marquage. « La DGCCRF ne fait pas son travail »
En production porcine, la situation n’est guère plus brillante.
La diminution de la production en Union européenne, dont on pouvait espérer qu’elle impacterait les cours, a été compensée par de meilleurs résultats techniques et une baisse de la consommation. Même schéma à l’export avec une baisse de la production moindre que prévue, la crise économique, la parité euro/dollar… Résultat : « les cours ne décollent pas et dans ce contexte, les entreprises, privées comme coopératives, privilégient la viabilité économique de leurs outils », résume Gérard Bourcier, responsable de la section porcine à la FDSEA et administrateur FNP. Des prix et de des partenaires de la filière, il en aura été question lors de l’assemblée générale de la FNP qui se tenait jeudi à Paris : nous y reviendrons la semaine prochaine. Pour l’heure, avec des prix de 1,20 au cadran et 1,35 au producteur, alors que le coût de production varie de 1,45 à 1,50 euro/le kilo, rémunération comprise, Gérard Bourcier voit se profiler le spectre du dépôt de bilan pour nombre d’exploitations porcines. « Comment tenir avec un endettement de 100, voire 140 % », s’interroge-t-il.
« Avec de tels cours, il ne restera bientôt que 30 % des exploitations, et encore celles ci n’auront-elles pas les moyens ni d’investir, ni de projeter l’avenir ». Le responsable professionnel s’inquiète également du renouvellement des générations. C’est donc l’avenir de l’autosuffisance française qui est en jeu. « Pour la maintenir, il faudrait au minimum 1,45 euro/kilo pendant cinq ans », calcule-t-il. Autant de raisons qui font que les producteurs de porcs, qui avaient déjà procédé à des opérations, voici quelques semaines, en grandes surfaces, s’associent pleinement aux actions de blocage et au mot d’ordre syndical lancé pour cette fin de semaine. « Pourvu qu’il ne soit trop tard ».
M.L.-R.
Voir également en page 8 en viticulture.
Prix du lait : Dans un contexte économique extrêmement défavorable l’interprofession a retrouvé la voie du dialogue qui, seule, peut permettre de préparer l’avenir.
Interprofession laitière : pourquoi un tel accord ?
L’interprofession laitière a repris sa marche en avant. Dans un contexte économique extrêmement défavorable, tous les ingrédients de l’immobilisme étaient pourtant réunis.
- Le marché mondial du lait, perturbé comme tous les secteurs par la crise économique mais aussi par le scandale de la mélamine en Chine, a entraîné les prix européens, plus réactifs au marché, à une baisse dramatique en particulier en Allemagne.
- Les pouvoirs publics, par l’intermédiaire d’un courrier de la DGCCRF, ont jeté le trouble sur le rôle et les droits de l’interprofession sur la fixation du prix du lait.
- Les entreprises en ont profité pour ne plus accepter le dialogue interprofessionnel sous prétexte du droit et ont décidé unilatéralement une baisse historique en avril (- 30 %).
- Une réaction des producteurs inégalée signe de l’exaspération dans la campagne.
- Des demandes aussi nombreuses que contradictoires tant des producteurs que des entreprises entre elles.
Ainsi un accord sur le prix du lait était fortement improbable il y a encore à peine une dizaine de jours et pourtant. Pourquoi dans ces conditions les acteurs de l’interprofession ont-ils décidé de signer cet accord (280 €/1 000 litres) contesté par les uns, considéré comme « insuffisant mais indispensable par les autres ».
Trois éléments peuvent expliquer ce choix :
Le besoin pour les producteurs d’avoir un éclairage sur le prix annuel mais surtout de nouvelles perspectives sur les futures fixations du prix avec la définition de trois formules d’index fournis par le Cniel.
De plus, sans accord, les entreprises s’alignent toujours sur le moins disant, pour prendre des parts de marché, ce qui entraîne une dégradation rapide de la valorisation des produits de grande consommation (PGC).
Au-delà du prix de 2009, l’accord impose à l’interprofession de définir, avant la fin de l’année, les futures relations contractuelles entre les producteurs et leurs entreprises. Ce dernier point, sensé pallier le désengagement de l’UE sur la gestion des marchés, est certainement aussi fondamental pour l’avenir de l’économie laitière que les règles de fixation du prix puisqu’il doit mettre en place la gestion les volumes, seule garante d’une meilleure valorisation des produits laitiers.
Bon ou mauvais accord, l’avenir le dira mais force est de constater que l’interprofession a enfin retrouvé la voie du dialogue qui, seule, peut permettre de préparer sereinement l’avenir de la production laitière.
S.D.