Assurance climat
Groupama vise le doublement des surfaces assurées d’ici 2030
L’assurance multirisques climatiques (MRC) change en profondeur à partir du 1er janvier 2023. Et c’est désormais une course contre la montre qui s’engage pour les assureurs. Objectif : attirer un public agricole beaucoup plus large que dans la version actuelle. Entretien avec Ingrid Bernier et Fabrice Henry, présidente et directeur départemental de Groupama Loire-Bretagne.
L’assurance multirisques climatiques (MRC) change en profondeur à partir du 1er janvier 2023. Et c’est désormais une course contre la montre qui s’engage pour les assureurs. Objectif : attirer un public agricole beaucoup plus large que dans la version actuelle. Entretien avec Ingrid Bernier et Fabrice Henry, présidente et directeur départemental de Groupama Loire-Bretagne.
Quel bilan tirez-vous de cette campagne 2022 marquée, entre autre, par la sécheresse ?
Ingrid Bernier : En effet, la sécheresse et les coups de chaleur ont fortement impacté cette campagne, y compris pour les irrigants, avec des températures qui ont à plusieurs reprises dépassé les 40°C. A l’échelle de notre caisse régionale, même nos collègues bretons ont subi ces phénomènes, ce qui n’était pas franchement habituel jusqu’ici. Les années se suivent et ne se ressemblent pas forcément. On se souvient tous par exemple de l’année 2021 fortement marquée par le gel de printemps et l’été humide. Mais au final, en matière de dégâts climatiques, il n’y a jamais de bonne année. Nous mesurons ici clairement les effets du changement climatique. Chaque année, nous avons des aléas à déplorer, et cela est d’autant plus vrai dans un département comme le nôtre, avec toute sa diversité de cultures.
Fabrice Henry : 2022 ne sera probablement pas une bonne année pour la MRC. Il suffit de voir que la part de réassurance a été intégralement consommée sur le 1er semestre 2022. Et cela fait suite à une année 2021, où nous avions déjà enregistré 2 fois plus de sinistres qu’en 2020. Globalement, quand on regarde sur une plus longue période, nous n’avons cessé de dégrader le résultat de la MRC depuis 2016, avec un rapport sinistres à cotisations qui se situe quasiment toujours au-delà des 100 %. Cela est d’autant plus vrai pour notre caisse régionale où les agriculteurs et viticulteurs sont structurellement moins assurés que la moyenne nationale. Dans le Maine-et- Loire, nous sommes à moins de 10 % alors qu’on est proche des 30 % à l’échelle du pays. Donc le double effet pervers de cette base réduite est que l’on a tendance à faire de l’anti- sélection, c’est-à-dire que ne sont restés assurés que ceux qui avaient déjà touché de l’assurance. Le système actuel n’était économiquement plus tenable pour nous comme pour les agriculteurs assurés, et qu’il était nécessaire de le réformer.
Précisément, en quoi cette réforme sera-t-elle suffisante pour à la fois couvrir les risques des agriculteurs dans ce contexte de changement climatique, tout en garantissant la pérennité du système assurantiel ?
I.B. : Il était nécessaire de rendre le produit plus attractif pour élargir la base de mutualisation. Et nous pensons que la baisse du seuil de franchise à 20 % couplée à une prise en charge des primes d’assurance relevées à 70 % vont faire venir de nouveaux agriculteurs, peut-être jusqu’ici sceptiques, vers la MRC. Pour prendre un exemple concret, assurer 1 hectare de blé à Bécon-les-Granits, pour 17 aléas climatiques, pourrait revenir en net pour l’agriculteur, après prise en charge, à à peine plus de 10 euros de l’hectare. Donc c’est quand même quelque chose de positif si on le compare à d’autres postes de charges. L’idée, au plan national, serait de doubler les surfaces assurées d’ici 2030, ce qui permettrait au système de tenir. Après, cela reste libre et certains préféreront toujours miser davantage sur l’épargne de précaution. C’est à chacun de voir.
F.H. : Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’au delà d’une réforme « paramétrique » où l’on se contenterait de bouger les seuils, cette réforme est une refonte globale du système de gestion des aléas climatiques, basé jusqu’ici pour partie sur l’assurantiel et pour partie sur les calamités agricoles. Le nouveau système a acté la mise en place du fonds de solidarité nationale, le FSN, qui permet l’intervention de l’état au-delà d’un seuil de pertes importantes qui a été fixé à 50 %. Cela permettra, je crois, de garantir le système, face à des aléas de plus en plus durs.
Les agriculteurs non assurés pourront aussi bénéficier de ce fonds de solidarité nationale, et devront solliciter un assureur comme « interlocuteur unique ». Comment cela va-t-il se mettre en place ?
I.B. : Oui certes, le FSN sera ouvert aux non assurés, mais ce sera loin d’être à la même hauteur que pour les assurés, pour qui 100 % des pertes subies au-delà de la franchise des 20 % seront prises en charge. Les non assurés n’auront droit qu’à une prise en charge par le FSN de 45 % des pertes subies au-delà de 50 % de dégâts, c’est-àdire des pertes quand même relativement élevées. Et ce taux de 45 % va être dégressif et passer progressivement à 40 % en 2024 puis 35 % en 2025.
F.H : Concernant l’interlocuteur unique, cela concernera bien sûr ceux qui souscrivent à l’assurance mais aussi tous ceux qui n’y souscriront pas. En effet, même ces derniers auront à choisir en début d’année, parmi les assureurs agréés, un assureur qui agira pour leur compte dans le cadre d’une délégation de mission de service public sur le FSN. C’est un point important à avoir en tête, que l’on choisisse ou non de s’assurer. Groupama a déjà informé et proposé à ses clients une pré-inscription.
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans l'Anjou agricole du 4 novembre.