Interview
« Il fallait maintenir les restitutions »
Jean-Michel Serres, président de la Fédération nationale porcine attend une véritable reprise des cours.
La décision toute récente de la Commission européenne de suspendre les restitutions à l’exportation pour le porc est-elle bienvenue ?
Jean-Michel Serres : Cette décision vient trop tôt, le prix payé au producteur dans l’Union européenne est encore légèrement inférieur aux coûts de production. Le prix de l’aliment n’a pas encore diminué, il devrait baisser modestement dans les semaines qui viennent. Nous avions besoin de maintenir les restitutions jusqu’au début de l’année 2009, car c’est seulement à ce moment qu’il y aura une véritable reprise des cours.
Les trésoreries des élevages français reviennent-elles à l’équilibre avec la reprise progressive du prix du porc ?
Il n’y a pas d’équilibre en France en raison du prix des matières premières et donc des coûts de production qui sont extrêmement élevés, à 1,60 euro le kilo de carcasse. Le marché français est à la traîne et c’est très décevant, il est fragile, pénalisé.
Nous manquons en France de dynamisme, nous avons des difficultés à bien vendre nos produits sur le marché intérieur.
Un porc charcutier français est vendu en Allemagne entre 8 et 10 euros plus cher qu’en France.
Comment va évoluer le marché européen dans les prochains mois ?
La reprise du marché européen n’est pas encore effective. La moisson se termine, on voit que les protéines sont chères mais les prix des céréales sont annoncés à la baisse. Pour le moment, nous n’avons pas vu de baisse du prix de l’aliment, nous l’attendons dès la fin août. Ensuite, comment va se passer l’automne avec la suspension des restitutions. Nous devons aussi mesurer les effets sur le marché de la baisse du cheptel porcin en France et en Europe.
ACTUAGRI
Gérard Bourcier, FDSEA
« On est privé d’un outil important »
Gérard Bourcier, président de la section porcine de la FDSEA, s’associe pleinement à la réaction de Jean-Michel Serres sur la décision de la Commission européenne. « Je soupçonne les entreprises d’abattage et de transformation d’avoir fait pression sur le comité de gestion européen pour suspendre les restitutions, et cela afin que les cours se maintiennent aux niveaux actuels », dénonce le responsable syndical. Pour lui, il n’est pas du tout opportun de se priver aujourd’hui d’un outil, - « budgétisé par l’Europe » qui aurait été très utile pour désengorger le marché et faire remonter les prix à un niveau qui rémunère le travail des éleveurs et leur permette de moderniser leur outil de production.
Aujourd’hui, les éleveurs continuent de travailler à perte et la période automnale, traditionnellement peu favorable aux ventes de porc, risque d’être encore plus difficile. La dernière cotation au MPB, lundi, affichait un prix de 1,41 euros le kilo, toujours bien en-dessous du coût de production qui oscille entre 1,60 et 1,66 euros. La seule issue à court terme, selon Gérard Bourcier, consiste à « augmenter le prix au cadran et à le maintenir à long terme pour couvrir un coût de production élevé qui sera sans doute durable ». Une façon pour le producteur « d’enrayer la prévisible baisse de la production qui pourrait intervenir dans les mois à venir, du fait de la cessation d’activité de certains producteurs trop affaiblis par la crise ».
S.H.