FDSEA
IP-OP-contrat : les trois étapes vers la contractualisation
Le congrès annuel qui se tenait cette semaine à Andard, a largement évoqué
les modalités préalables à la mise en place de la contractualisation.
Inscrite dans la Loi de modernisation votée en juillet 2010 et prête à entrer en œuvre par décret pour certaines productions : les fruits et légumes en mars prochain et le lait au 1er avril 2011, la contractualisation nécessite quelques explications. Ne serait-ce que parce que ce mot suscite des interrogations, voire des appréhensions sur le terrain. Mais aussi parce que le dispositif intervient dans un délai relativement court et qu’il s’agit en la matière d’avancer en toute connaissance de cause. C’est donc ce sujet que la FDSEA a choisi d’évoquer en invitant trois intervenants à relater leur expérience à l’occasion son congrès qui se tenait mardi à Andard en présence des équipes reconduites et renouvelées lors des récentes élections locales.
“Le rapport de force”
Une chose est sûre : contractualiser, y compris jusqu’à la distribution, doit permettre de peser sur le marché. Christiane Lambert, la présidente de la FDSEA, l’a rappelé à l’assemblée de quelque 300 personnes, insistant sur "le rapport de force" qui doit naître de cette nouvelle organisation basée sur un cadre donné à des relations commerciales. "Le syndicalisme ne change pas de nature, a-t-elle aussitôt rappelé. Nous sommes un syndicat de chefs d’entreprise, à vocation économique. Mais parallèlement à des dossiers horizontaux, l’eau, les zones humides, il y a une implication nécessaire d’approche des filières”. En l’occurrence, la contractualisation – et ses préalables – constitue un des outils de cette "reconquista" dont le passage obligé est l’organisation des producteurs. Et ce, qu’il s’agisse des entreprises privées ou coopératives. Cette nécessité n’a pas échappé au Préfet de Maine-et-Loire, Richard Samuel, qui l’a reprise dans sa conclusion : "Je ressors de ce congrès avec une certitude et une interrogation. La certitude, inscrite d’ailleurs dans la LMA, qu’il faut des organisations de producteurs. Et une interrogation : est-ce au gouvernement ou aux producteurs les mettre en place et, le cas échéant, d’y (re)prendre le pouvoir ?" Le maître mot étant "gouvernance".
Car l’enjeu est bien là : il ne pourra y avoir de réelle contractualisation, de contrat bien vécu, à savoir un équilibre entre les parties signataires, que si les deux plateaux de la balance, en l’occurrence, l’amont et l’aval, s’équilibrent. D’où des étapes préalables à la contractualisation. Le rapport d’orientation de la FDSEA ne dit pas autre chose : "La chronologie Interprofession-Organisations de producteurs-Contrat est indispensable". D’où l’injonction d’Alain Cholet aux producteurs qui recevront des propositions de contrats de la part des laiteries à partir du 1er avril : "ne signez pas maintenant" (voir encadré).
Des préalables à la signature des contrats
"Le contrat est une sécurité à la fois pour les producteurs et les transformateurs car il est une garantie de débouché pour les premiers et une garantie d’approvisionnement pour les seconds". Pour autant, c’est au sein d’une organisation de producteurs, dans un cadre défini au sein de l’interprofession, que cela doit s’élaborer. Une interprofession très différente selon les secteurs, comme l’ont développé les intervenants de la table ronde. Pascal Nizan, président de l’AEBEA (Association des éleveurs bretons Entremont- Alliance, créée pour négocier le rachat de l’entreprise) voit dans l’Interprofession un rôle de "juge de paix" et un "lieu de discussion" et, en conséquence, un rôle prépondérant préalable pour fixer des orientations sur les volumes et les prix. En fruits et légumes, Interfel n’intervient qu’en matière de promotion et de communication, a rappelé Louis-Luc Bellard, président de Vergers d’Anjou. Pour le porc, Michel Guervené (président de la Cecab) souligne "l’attachement au marché" - celui d’hier, Plérin, moins représentatif désormais et le marché allemand aujourd’hui. Et moins que l’interprofession, c’est plutôt à l’organisation des producteurs qu’il assigne la mission de rétablir le rapport de force. L’organisation de l’offre, c’est ce que l’Union européenne et la LMA préconisent également. L’organisation de la production à l’œuvre, on a pu le voir, récemment, avec les 3 000 producteurs d’Entremont-Alliance qui, grâce à leur regroupement, ont permis une reprise par le groupe coopératif Sodiaal. Ce schéma d’un regroupement par entreprise peut-il perdurer ou n’est-il qu’un échelon préalable à une organisation ensuite par bassin ? "Les OP auront une vocation économique, avec à terme des mandats de négociation, de facturation, de gestion de volumes", est persuadé Pascal Nizan. Une vocation économique qui n’exclut pas – et au contraire – qu’elles soient "portées par le syndicalisme", prévient d’ores et déjà Frédéric Vincent, le président de JA49. Quoi qu’il en soit, organisée ou instaurée par décret, la contractualisation est en marche. Elle s’élabore, au sein de la FNSEA, par des avancées entre les productions (voir page 12). "Il faut entrer dans des mécanismes de relations contractuelles entre des productions aux intérêts a priori opposés", confirmait Christiane Lambert en fin de congrès. Rappelant aussitôt "les engagements au plus haut niveau de l’État pour une nécessaire régulation dans le cadre du G20". C’est aussi l’objectif de la Pac 2013.
M.L.-R.
INTERVENTIONS
Les régions, au plus près des préoccupations du terrain
Les responsables syndicaux des différentes régions se sont exprimés sur les problèmes rencontrés dans leur secteur.
Extension de la zone vulnérable
Sujet d’actualité, la possibilité d’une extension de la zone vulnérable à l’est du département suscite inquiétudes et incompréhension, comme l’a expliqué Dominique Janus, pour le Baugeois. Quelles conséquences aurait un classement de ce secteur ? “Le plus grand risque concerne la couverture obligatoire des terres en hiver imposée par la Directive nitrates : comment faire dans certains endroits du Baugeois où le taux d’argile est si important qu’il est primordial que le sol soit labouré l’hiver ? Ce serait un non-sens agronomique”. La question a été aussi soulevée par Christian Barbier, responsable du Layon-Saumurois et par Pascal Laizé, pour la Vallée. “Nous avons des arguments pour défendre le non-classement, et nous les avons présentés aux administrations. Mais si ces arguments ne sont pas entendus par la Commission européenne, le programme de reconquête de la qualité de l’eau s’appliquera à la Vallée (couverture des sols, calendrier d’épandage, plan de fumure…). Actuellement, ce programme n’est pas adapté aux cultures spécialisées”, a précisé Pascal Laizé. Sylvain Marty, directeur de la DDT, fait la même analyse de la situation : “Je suis en totalité d’accord avec les intervenants, il ne paraît pas justifié d’étendre la zone vulnérable à l’est. Le préfet en est aussi convaincu, et le préfet d’Orléans, coordonnateur de bassin, a été saisi.”
L’accès à l’eau
La question est récurrente dans les interventions des différentes régions. Dans les Mauges, les agriculteurs doivent “compenser les faibles surfaces par des rendements suffisants et cela passe par la recherche variétale mais aussi l’irrigation”, a rappelé Jean-Luc Dupé. L’éleveur de La Poitevinière a souligné la difficulté de réaliser des réserves collectives d’eau et voit la protection des zones humides comme un frein à la constitution de ces dites réserves. Où construire des réserves hivernales ? “Sur les buttes ?”, s’interroge-t-il. “Il est devenu quasiment impossible de constituer des réserves, puisque la Police de l’eau déniche systématiquement une zone humide dans les endroits propices à ces réserves et refuse les dossiers”, a aussi dénoncé Christian Barbier. Le drainage est également de plus en plus difficile. “Comment développer nos exploitations sans eau et sans possibilité de drainer certaines parcelles ? Il faut trouver une solution pour ne pas bloquer systématiquement les projets et prendre en compte les différents types de zones humides”, a demandé le représentant du Layon-Saumurois. Dans la Vallée, c’est la mise en place d’une gestion collective de l’irrigation qui est le grand défi pour 2011. Elle concerne 850 irrigants.
Le ratio prairies permanentes
Dans le domaine environnemental également, le ratio prairies permanentes est perçu comme un frein au développement : “Dans le contexte de l’élevage, il n’est pas tolérable que certaines exploitations, notamment en viande bovine, ne puissent pas réorienter leurs productions vers des cultures”, estime Christian Barbier.
La pression environnementaliste
Les tensions dues à l’implan-tation ou l’agrandissement d’ateliers hors sol ont été particulièrement fortes dans le Segréen, a rappelé Jacques Mousseau. Pour l’éleveur, “la profession a suffisamment de contraintes environnementales, techniques et économiques pour ne pas laisser faire n’importe quoi, ni se laisser dicter les lois. Soyons présents dans les instances décisionnelles, cela évitera que les décisions se prennent sans nous”, suggère-t-il. Cela implique, bien sûr, un engagement syndical le plus large possible pour partager les responsabilités et le temps.
Le foncier
L’accès au foncier, le prix des terres, la politique des structures… sont autant de sujets de préoccupation. “Dans les Mauges, l’autonomie alimentaire des élevages passe aujourd’hui par une augmentation du foncier”, a expliqué Jean-Luc Dupé. Une demande qui ne remet pas en cause la politique d’installation, mais, “sans confortation, les exploitations en place ne seront pas transmissibles. Or la pression foncière renchérit le coût de la terre”. Les solutions ? Anti-ciper les crises en s’organisant avec les céréaliers locaux pour contractualiser l’achat annuel de paille, et permettre aux exploitations de conforter l'assise foncière pour faire face aux nouvelles contraintes (phosphore…). Les exploitants demandent aussi une politique claire de l’utilisation du foncier. Les projets de plantation de bois énergétique, sur des terres destinées à l’alimentation humaine, dans le secteur de Saint-Florent-le-Vieil ont suscité l’opposition des agriculteurs.
La politique des structures a été abordée largement par Jacques Mousseau, pour le Segréen. S’adressant à l’admi-nistration, l’élu a dénoncé des acteurs locaux qui “s’acca-parent à grande vitesse le patrimoine agricole”, et qui ne sont pas liés aux mêmes règles environnementales que l’ensemble de la profession en terme de couverture des sols, retournement de prairies…” Il a aussi dénoncé “l’attitude de certains agriculteurs, responsable de la pression foncière et de l’augmentation du prix de la terre, mais aussi l’attitude de collègues agriculteurs qui proposent de la paille et du foin à des tarifs aussi spéculatifs que démentiels”.
Dans la Vallée, certains agriculteurs se voient refuser des permis de construire près de leur exploitation, une question soulevée par Pascal Laizé. “Pourtant, certaines productions nécessitent une présence quasi-permanente”.
Jacques Léridon, responsable de la section des preneurs, a profité de l’assemblée générale pour évoquer le dernier congrès de la SNFM (Section nationale des fermiers et métayers), qui s’est tenu début février en Mayenne. “Le statut du fermage est actuellement malmené, mais il faut rappeler qu’il reste un outil moderne. Le foncier est le socle de nos entreprises, et le statut du fermage en constitue les fondations”.
La réponse de l’administration : “Je suis en adéquation intellectuelle avec vous sur la nécesité de gérer le foncier, rare, mais l’entrée juridique prime dans les décisions”, a souligné Sylvain Marty, évoquant “le droit de propriété”.
La solidarité
La flambée du prix des céréales repose la question de la solidarité entre céréaliers et éleveurs. Pour Dominique Janus, “un partenariat gagnant est possible, il faut juste un peu de bonne volonté et d’arrêter d’être séduit par les sirènes du marché.” Et d’appeler à la contractualisation, pour empêcher que ne se creusent les inégalités entre agriculteurs.
S. H.