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Jean-Marc Lézé : “il faut une Pac rééquilibrée, mais sans déséquilibrer”
La FNSEA donne sa position sur la mise en œuvre de la Pac post 2013. Explications avec Jean-Marc Lézé, président de la FDSEA49, qui participait au conseil fédéral du 19 septembre.
Concernant la Pac post 2013, quel a été le cheminement de la FNSEA ?
Jean-Marc Lézé : Ce dossier nous mobilise depuis deux ans. Nous avons fait connaître nos attentes face à des propositions du commissaire Ciolos, inacceptables en l'état.Nous sommes intervenus à tous niveaux pour obtenir des engagements financiers européens consolidés.
Nous avons convaincu nos gouvernants, nos parlementaires nationaux et européens : la Commission a dû accepter une profonde modification de son projet et nous avons sauvé le budget alloué à la France pour son agriculture sur la période 2014-2020. Nos actions et interventions ont notamment permis d'éviter la convergence totale pour 2019 avec une première marche de 40 % dès 2014, un verdissement forfaitaire et aveugle, une baisse de nos marges de recouplage.
Stéphane Le Foll, dans un souci d'apporter des soutiens complémentaires aux exploitations intensives de taille moyenne, a défendu l'idée et obtenu la possibilité de mise en œuvre d'une sur-dotation des premiers hectares. Cette disposition est devenue depuis une redistribution qui pourrait se faire à partir de moyens financiers représentant 30 % de l'enveloppe du premier pilier et appliquée sur les 52 premiers hectares des exploitations (superficie française moyenne). Parallèlement, le ministre a obtenu confirmation de la transparence des Gaec ayant déjà des parts Pac pour l'éligibilité à cette mesure. La FNSEA a étudié cette possibilité et ce d'autant que, dans un premier temps, elle retenait l'intérêt de plusieurs d'entre nous, y compris dans notre département et notre région.
Pourquoi la FNSEA n' a-t-elle pas retenu cette orientation ?
Plusieurs raisons à cela. Cette mesure ne serait juste que si elle concernait tous les ayant-droits sur les exploitations. Il n'est pas possible d'expliquer aux associés d'EARL qu'ils sont exclus alors que ceux de Gaec voisins seraient éligibles. Et le choix de Gaec ou d'EARL n'est pas une mesure d'opportunité: il relève d'une réalité de l'exploitation et de volonté des personnes concernées. Aussi, leur transformation en Gaec pour bénéficier de la transparence n'est pas une issue pertinente à leur situation défavorable. En France, nous comptabilisons 85 000 associés dans 37 200 Gaec, 99 000 associés dans 78 600 EARL et 31 000 autres sociétés regroupent 39 000 associés. Enfin, rappelons-nous que la revendication de reconnaissance de 1'ensemble des ayant-droits est ancienne et concerne aussi les soutiens du deuxième pilier.
Ensuite, la redistribution de 30 % de 1'enveloppe premier pilier sur les 52 premiers hectares est particulièrement pénalisante pour les soutiens aux exploitations intensives, et en particulier celles des zones intermédiaires. C'est la raison pour laquelle le ministre est contraint de marier cette redistribution avec une convergence à 100 % en 2020. Or, cette situation, nous ne la voulons pas et avons combattu avec le gouvernement la proposition de la Commission sur ce point.
De plus, le système redistributif conduit chacun d'entre nous à avoir, en 2014, une nouvelle base historique de référence de soutiens différente de celle de 2012. Aucun pays européen ayant engagé une démarche de convergence n'a modifié les bases historiques issues du transfert des différents soutiens sur notre DPU : les écarts peuvent être importants mais ils sont respectés comme base de la situation à faire évoluer. Une nouvelle fois, la France va se mettre en marge de ses partenaires et dans certains cas, ces nouvelles bases historiques seront non seulement préjudiciables à nos collègues concernés mais aussi à leur filière.
Enfin, arriver en 2020 avec le même niveau de soutiens pour toutes les exploitations de même superficie est difficile à envisager : nos conditions de production, nos données économiques et sociales sont très différentes selon les orientations. Un soutien identique et aveugle n'a, dans ces conditions, aucune réelle légitimité.
Vous revenez avec quel message dans le département ?
Pour toutes ces raisons et en travaillant sur les nombreuses possibilités offertes par l'accord européen, la FNSEA souhaite privilégier un système progressif et souple basé sur une convergence de 60 % à la moyenne, sans mesure de sur-dotation.
Tout d'abord, chacun d'entre nous pourra connaître de façon simple l'évolution de ses soutiens jusqu'en 2020. Pour les collègues qui ont aujourd'hui des soutiens/hectare élevés, la baisse est lente et plafonnée en tout état de cause à 30 % ; pour ceux qui sont très en dessous de la moyenne nationale, la progression sera réelle, bien sûr inférieure à ce qu'elle serait avec une convergence totale.
Mais, pour tenir compte de toutes ces situations individuelles, nous avons complété cette convergence limitée par la mise en œuvre de dispositifs complémentaires : recouplage maximum, soutiens réévalués des mesures du deuxième pilier, appuis à la modernisation et l'innovation.
Au-delà des qualificatifs de globale, responsable, réaliste et équitable de l’approche, la FNSEA estime, comme le souhaite Stéphane Le Foll, avoir trouvé le dispositif qui “rééquilibre sans déséquilibrer”. Cette position, nous allons l'expliquer aux agriculteurs et à tous nos partenaires, en particulier à nos responsables politiques. Nous avons convaincu pour modifier le projet de la Commission. Avec la même détermination, il nous faut obtenir un cadre national adapté à nos exploitations, à nos filières, aux défis à relever d'ici 2020.