Interview
la FNSEA salue la création d’un fonds structurel de solidarité céréaliers-éleveurs
Xavier Beulin évoque les points forts évoqués lors de son entretien avec le président de la République et la réouverture des négociations commerciales avec la distribution.
Quel bilan tirez-vous des 100 premiers jours de François Hollande à l’Élysée ?
Xavier Beulin : Je pense que le président de la République est en train de gagner en pragmatisme. Il affiche une volonté d’apporter des réponses que je qualifierais de structurelles par rapport aux défis que le pays a à relever. Lors de notre entretien à l’Elysée, François Hollande s’est largement exprimé sur les aspects exportation et compétitivité, mais sans pour autant formuler de promesse sur les questions sociales ou coût du travail. J’ai senti tout de même que la prise en compte de la situation économique et sociale était un vrai sujet de préoccupation. Même attitude vis-à-vis du volet européen et de la Politique agricole commune no-tamment. L’interrogeant sur sa promesse de campagne pour le maintien du budget de la Pac, il m’a répondu que “c’était toujours sa volonté”, tout en reconnaissant que la première étape, qui sera la consolidation et du pacte budgétaire et du budget de l’Union, constituera un enjeu difficile.
Face à la flambée des prix des matières premières, l’AGPB et l’AGPM proposent la création d’un fonds structurel céréaliers-éleveurs. Est-ce, selon vous, un bon dispositif ?
Je salue cette initiative pour deux raisons. C’est une initiative volontaire qui marque bien que le secteur des grains comprend le contexte dans lequel nous nous trouvons avec des prix de marché qui ont crû de 30 à 35 %, débouchant sur une situation qui va être extrêmement difficile dans les semaines et mois à venir pour le secteur de l’élevage.
Deuxième sujet de satisfaction, nous entrons progressivement dans une approche globale des enjeux agricoles interfilières. Cela fait des années que j’appelle de mes vœux un renforcement des liens entre le secteur végétal et le secteur animal. Les éleveurs sont les premiers clients des céréaliers. À travers ce fonds financier, nous allons pouvoir intervenir sur le court terme pour soulager le coût alimentaire pour les éleveurs et à moyen terme accompagner, sur le plan structurel, les phases nécessaires de modernisation pour améliorer la compétitivité de la filière élevage.
Vous demandez la réouverture des négociations commerciales de l’accord du 3 mai 2011 avec la distribution. Pourquoi ?
J’ai annoncé que j’allais réunir le 10 septembre prochain, l’ensemble des signataires de l’accord. Les représentants des enseignes de la distribution ne contestent pas les chiffres que nous leur avons présentés, ils proviennent de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Le point de divergence porte sur l’article qui précise la liaison entre la négociation commerciale et la mise en œuvre de dispositifs contractuels entre le secteur végétal et le secteur animal. Nous allons leur démontrer que des accords existent aujourd’hui en tourteaux, pulpes, drêches, et que cela fonctionne dans plusieurs coopératives généralistes. La constitution d’un fonds de solidarité structurel céréaliers-éleveurs annoncée par Orama est un autre bon exemple de lien étroit entre le végétal et l’animal. Si bien que l’argument de la distribution n’est plus très solide. Donc aujourd’hui, nous sommes en mesure de leur demander de répondre à nos sollicitations par rapport à la réouverture des négociations commerciales.
Qu’attendez-vous de ces négociations ?
Sur les deux filières volaille et porc, nous attendons des mesures concrètes et immédiates, à savoir une revalorisation des prix de 8 à 10 % au minimum pour tenir compte de l’évolution des coûts des matières premières. Nous attendons aussi que la grande distribution réaffirme son engagement dans une relation de filière responsable. Car, il ne sert à rien de mettre en place des dispositifs entre producteurs et transformateurs, si on ne va pas jusqu’au bout de la démarche avec les distributeurs. La contractualisation doit intégrer l’ensemble de la filière jusqu’à la distribution.
Le Premier ministre a annoncé une prochaine loi-cadre. Est-ce vraiment indispensable ?
Refaire une loi agricole en France en étant dans l’incertitude sur le contenu d’une future Pac serait contre-nature. On sort d’une conférence sociale, on va entrer dans une conférence environnementale, il existe de nombreux sujets à traiter, notamment concernant la compétitivité… Alors, attention à ne pas faire d’une loi agricole un trompe l’œil des sujets importants. Sur la question majeure de la compétitivité, nous avons beaucoup d’attentes à formuler en matière de fiscalité, de coût du travail, de normes, d’investissement dans l’agriculture et l’agroalimentaire… Je suis un peu prudent sur le caractère législatif, on peut avancer aussi à travers des lois de finance, des ajustements qui n’ont pas besoin obligatoirement de passer par une loi.
Propos recueillis
par Hervé Garnier
VOLATILITÉ > La profession réfléchit pour éviter le scénario de 2008 et tenter de juguler l’envol des cours.
Éviter la flambée des cours des matières premières
Si aucune menace ne pèse à ce jour sur la sécurité alimentaire mondiale, a rapporté le ministère de l’Agriculture dans un communiqué daté du 28 août, la situation des marchés est jugée “préoccupante”. Les prix mondiaux du maïs et du soja ont atteints des niveaux records : + 25 % pour le premier et + 17 % pour le second. La situation s’est déterioré pour le blé. “La conjoncture estivale pèse sur la production et la disponibilité des stocks, a indiqué, le 29 août, le président de la FNSEA. On voit se profiler une situation un peu analogue à celle de 2007-2008. Mais nous ne sommes pas là pour affoler ou faire peur”. Pour l’heure, le gouvernement s’est fixé l’échéance du 12 septembre et la sortie d’un nouveau rapport du département américain à l’Agriculture (l’USDA).
François Hollande au Space
De cette flambée des prix des matières premières devrait résulter une hausse inquiétante des prix des produits alimentaires. Une situation exceptionnelle, a commenté le ministre de l’Agriculture, confirmée par l’intervention du président de la République sur le dossier.
François Hollande est, d’ailleurs, attendu au Space à Rennes. “Il nous a dit qu’il reviendrait sur l’ensemble de ces sujets”, a rapporté Xavier Beulin.
Des engagements
La contractualisation est appelée à grand renfort pour tenter d’amortir tout au long de chaîne les impacts de la volatilité des prix. Déjà les céréaliers ont fait un pas. Pourtant, des exemples montrent la limite du système. Les abattoirs de volailles ont notamment annoncé à la Confédération française de l’aviculture (CFA) leur intention de baisser les prix à la production : la Fédération des industries avicoles (Fia) et le Comité national des abattoirs et ateliers de découpe de volailles (Cnadev) estiment en effet, dans un communiqué du 30 août, que l’envolée des cours des matières premières utilisées pour alimenter les volailles sont à l’origine d’une “augmentation cumulée du prix de l’aliment de plus de 50 % et des hausses des prix de revient de la volaille vivante de plus de 24 %”. En conséquence, celles-ci n’ont “pas d’autre choix que de remettre en cause leurs engagements de contractualisation avec les éleveurs, accouveurs et fabricants d’aliments”. On peut, dès lors, s’interroger sur les suites d’une ouverture probable des discussions tarifaires entre distributeurs et transformateurs dans la filière porcine, rapportée le 29 août par Guillaume Roué, président de l’interprofession porcine (Inaporc), à la suite d’une rencontre avec Stéphane Le Foll et un représentant de la Fédération du commerce et de la distribution. Une limite aussi que ne semble plus vouloir franchir le président de Système U, Serge Papin. Après avoir mené des discussions en juillet avec les volaillers, c’est désormais sous l’égide du ministère de l’Agriculture qu’il entend que les négociations se poursuivent.