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La politique agricole de demain en débat en Anjou
Conduite par le ministre de l’Agriculture, une délégation d’élus européens a visité deux exploitations du Segréen. Objectif : mettre en avant les atouts du modèle agricole à la française.

Ils sont venus sur le terrain pour découvrir l’agriculture “à la française” et peut-être aussi “à l’angevine”. Une agriculture qui s’inscrit dans le territoire, et pionnière du développement durable. Les élus européens membres de la commission agricole, sont-ils repartis convaincus à l’issue de leur visite sur deux exploitations du Segréen, vendredi matin ? « Vous n’avez pas à vous inquiéter. On va négocier », a assuré Niels Parish, le président de la commission agricole, aux agriculteurs et à leur ministre. Car la question n’est pas tant, semble-t-il, de se demander si les aides vont être maintenues, mais bien sous quelles conditions. « Nous voulons montrer à la Commission européenne ce que nous sommes ; et pourquoi nous tenons à la Pac. Ce ne sont pas des aides mais des investissements pour demain », a indiqué Michel Barnier. Le ministre de l’Agriculture appelle de ses voeux un contrat win-win entre les agriculteurs, les politiques et les consommateurs, sans pour autant prôner une agriculture nostalgique : « Nous savons que la politique agricole doit évoluer, mais elle doit continuer à accompagner les agriculteurs ».
Des Européens convaincus
« Nous sommes Européens, parce que l’Europe c’est notre avenir, a rappelé Christiane Lambert, en démarrant la visite chez Hugues et Gildas Sauloup, au Lion-d’Angers. Les élus de l’Union européenne, eux-mêmes agriculteurs, se sentent un peu chez eux vendredi matin. Ils interrogent sur l’élevage des limousines sous la mère, s’intéressent à la surface en herbe. « Ici, on anticipe au quotidien pour continuer à produire de manière efficace une agriculture respectueuse du milieu, durable et territorialisée », poursuit Christiane Lambert. L’objectif de la visite, c’est bien de mettre en avant ce modèle - et ses conditions de bonne fin - auprès de parlementaires acquis ou presque à la cause du libéralisme. En tout cas, à la régulation par le marché. Le président de la Commission agricole européenne, Niels Parish, est britannique. Le vice-président danois. Pour eux, à l’instar du modèle retenu dans leur pays, le découplage des aides est une chose acquise, la conditionnalité une évidence. « En Grande-Bretagne ou au Danemark, les primes sont versées sur les hectares et non en fonction de la production et les agriculteurs décident de la production qu’ils veulent faire », expliquent-il. Ministre de l’Agriculture et profession agricole sont persuadés, eux, que l’aménagement du territoire repose sur le soutien aux productions. Ils partagent le même point de vue : « Sur cette exploitation, supprimer le recouplage, c’est arrêter la production de viande alors même qu’il existe des filières et des débouchés », explique Mickaël Bazantay. Les conséquences seront lourdes : les prairies deviendront des cultures, un associé quittera le Gaec. Plus globalement, l’abandon du recouplage aura un impact direct sur l’ensemble du secteur : organisée (plus de 50 % en groupement) et investie dans la filière, la production de viande génère 35 000 emplois. L’exploitation de Hugues et Gildas Sauloup s’est aussi largement investie dans les enjeux environnementaux. Elle vise l’autonomie énergétique avec l’installation, de panneaux photovoltaïques. Elle a aussi mis en place, comme l’ensemble du bassin de l’Oudon, les bandes enherbées le long des cours d’eau, « huit ans avant la mise en place de la conditionnalité », rappelle Laurent Lelore, président du Cratéas.
Échanges en direct
À La Meignanne, le Gaec Allard-Bertrand produit du lait, dont un quota en lait cru valorisé en vente directe, et du poulet label dans la démarche Volaille d’Ancenis engagée en certification agriculture raisonnée. Ici, les aides représentent 81 % du revenu lait et 69 % du revenu agricole. « Cela vous pose un problème ? », demande le représentant britannique. « Oui, je préfèrerais des prix rémunérateurs », répond tout de go Michel Allard qui s’inquiète du découplage : « Comment continuer à justifier des aides sans l’obligation de produire ? ». Et de l’après-quota. La politique départementale, assise sur le Projet agricole départemental, privilégie l’installation à l’agrandissement. Le système danois lui, avec ses quotas marchands, n’a pas cette approche territoriale, souligne l’élu scandinave. « Une étude des exploitations hollandaises démontre que l’agrandissement n’est pas synonyme de rentabilité », rétorque Alain Cholet, président de la FDL. « Pensez à l’après quota plutôt qu’à empêcher leur suppression », conseille le représentant britannique. En clair, organisez-vous. « C’est précisément ce sur quoi travaille la filière », conclut Christiane Lambert. Alors, convaincus, les élus européens ? « Vous n’avez pas à vous inquiéter », répète Niels Parish qui salue « les bons produits français. Vous allez rester agriculteurs et continuer à prospérer. Nous allons parvenir à un accord peut-être avant Noël ». Une promesse que les agriculteurs ne manqueront pas de rappeler à la commission bruxelloise, le cas échéant.
m. l.-r.