Consommation
La vente directe : des circuits de distribution à part entière
La vente directe des produits fermiers tend à se généraliser. 150 personnes ont participé, lundi dernier, au colloque organisé par la Chambre régionale à Saint-Georges-sur-Loire.

La consommation de produits fermiers a augmenté de 30 % en 17 ans. Même si la majorité de la production est destinée à la filière de l’agro alimentaire, la vente directe n’est donc plus un phénomène totalement marginal. Voire, il s’organise et permet à des exploitations de se maintenir, et même de créer de l’emploi direct ou indirect. Et participe, de ce fait, à l’aménagement du territoire et à son dynamisme. Si la formule se généralise, elle le fait sous des formes différentes qui illustrent l’implication ou la relation des agriculteurs à l’alimentation et à l’organisation de l’offre : on trouvera des Amap, pour lesquelles les demandes émanent des consommateurs ; des points de vente collectifs regroupant plusieurs agriculteurs et une gamme plus large de produits ou encore des marchés à la ferme.
Rétablir la relation entre le mangeur et le “mangé”
Un nombre croissant de consommateurs se tourne en effet vers ces modes de distribution. Ce sont essentiellement les urbains – 80 % des Français vivent en ville – qui optent pour ces nouveaux modes de distribution, se sentant de plus en plus éloignés de la nature dont ils ont parfois une image mythique. L’agro-industrialisation a rompu la relation physique, sensorielle entre le mangeur et le “mangé”. La notion de mondialisation a aussi exacerbé une aspiration à la proximité et le spectre sanitaire celui de la traçabilité. Autant d’éléments qui expliquent le regain d’intérêt pour les circuits courts – ce qui ne constitue jamais qu’un retour sur des pratiques pas si éloignées que cela dans le temps : les hypermarchés datent des années 60 – et plaident donc en faveur de ces modes de commercialisation qui, outre de diminuer les intermédiaires, favorisent le contact direct entre le consommateur et le producteur. Une étude menée à travers cinq régions françaises auprès de 5 673 personnes, dont 1 028 en Bretagne, et présentée lors du colloque Vente directe organisée en début de semaine par la Chambre régionale, met en évidence ces pratiques. L’enquête révèle que 71 % des enquêtés (et 78 % des Bretons) achètent couramment des produits fermiers et pour 45 % d’entre eux, cette pratique est hebdomadaire. En tête des achats, la volaille, les lapins, les œufs (76 %), les produits laitiers (73 %), les fruits et légumes (58 %). L’approvisionnement se fait pour 35 % chez le producteur ou sur les marchés, 22 % dans les magasins à la ferme et 20 % en grande surface, démontrant ainsi que les responsables de la GMS ont bien compris le créneau que constitue cette demande. La zone de chalandise se situe à moins de 20 minutes du domicile. La somme consacrée à l’achat de produits fermiers représentent 12,5 % du budget alimentaire des ménages français, pour un panier moyen de 35 euros. Les acheteurs sont en majorité des cadres ou professions libérales ; les moins de 30 ans en achètent moins.
Une tendance qui se heurte aux limites du pouvoir d’achat
La restauration hors foyer est également un vecteur de développement des circuits courts. À Bouvron, en Loire-Atlantique, la municipalité a accompagné une association pour la mise en place de repas bio à la cantine. Au total, 18 000 repas par an réalisés par un cuisinier sur place, sont servis avec un approvisionnement local. Le surcoût est pris en charge par la mairie. L’utilisation des légumes de saison, l’approvisionnement en semi gros, pas de multichoix, mais aussi un meilleur rendement des aliments de qualité ont réduit le surcoût estimé au départ à 0,20 euros : il est aujourd’hui de 0,12 euros. L’objectif de la démarche, plus globalement, est de pouvoir mettre en place de la contractualisation. La distribution en circuit court est-elle un mouvement de fond ? Le succès de nombreuses initiatives démontre qu’il s’agit là d’une tendance lourde, même si elle se heurte aux limites du pouvoir d’achat. On aura affaire, là aussi, à une segmentation dans les choix des consommateurs. Pour s’ancrer dans les habitudes, l’offre de produits fermiers aura tout intérêt à s’insérer dans des lieux d’achat habituels. Les agriculteurs devront aussi tenir compte des produits phare plébiscités par les consommateurs – le trio de tête volaille, produits laitiers, fruits et légumes – tout en offrant une gamme la plus large possible. C’est le cas par exemple des Fermes baugeoises, qui regroupe une quinzaine d’exploitations, chaque semaine, sur le parking d’une grande surface de Saint-Sylvain d’Anjou. La surface de vente va être portée à 280 m2. Va-t-on voir se multiplier ce type de magasins ? Si la demande des consommateurs est réelle, il faudra veiller à ne pas saturer le marché et à ne pas négliger les aspects relationnels et humains d’un tel fonctionnement.
m. l.-r.