Biodiversité
L’agriculture, activité vitale pour le maintien des zones humides
Chantal Jouanno, la secrétaire d’État à l’Écologie, a lancé le plan national d’action sur les zones humides, lundi, en direct des Basses Vallées angevines.
On recense 3 millions d’hectares de zones humides en France. Longtemps mal aimées, oubliées des politiques en faveur de la biodiversité, elles jouent pourtant un rôle majeur, en matière de filtration des eaux, de captation de carbone, de préservation de la biodiversité », a souligné Chantal Jouanno en lançant, lundi, un plan national de reconquête des zones humides. La secrétaire d’État a choisi les Basses Vallées, site exceptionnel aux portes d’Angers, envahi en cette période par les eaux, pour présenter ce plan qui s’inscrit dans le cadre de l’année internationale de la biodiversité. Parmi les actions prioritaires de ce plan figure, en numéro 1, le soutien à l’élevage extensif en zone humide. En France, de l’ordre de 1 million d’hectares de prairies humides sont gérées de façon extensive par des éleveurs. « Sans agriculture, on ne maintient pas les zones humides, a affirmé Chantal Jouanno. Or, une des difficultés est de pouvoir valoriser les produits issus d’une agriculture respectant l’environnement de ces zones ».
Illustration en a été donnée à la ferme de la P’tite Ferro, à Briollay, où le groupe national zones humides a été reçu par Jean-Yves et Pascal
Poulard, deux frères de 44 et 38 ans. Dans cette exploitation mixte viande et lait, on a appris depuis longtemps à concilier production agricole et respect d’un milieu fragile : « On vit depuis cinq générations au fil de l’eau », a résumé Pascal Poulard. Sur 135 hectares de SAU, 90 sont inondables. Les années les plus humides, il faut parfois attendre août, voire septembre pour faire les foins. « Notre objectif, c’est de trouver un compromis économie-écologie, c’est de sortir un revenu pour les deux familles, a-t-il souligné. Mais en 2009, le revenu a chuté de 30 % par rapport à 2008. » Depuis le milieu des années 90, l’élevage a souscrit des contrats aidés, de type Ogaf, puis MAE, CAD et CTE. La MAE territoriale signée en 2009 porte sur 89 hectares.
Très proche du bio
Le système d’exploitation mis en place à la P’tite Ferro est très dépendant à la fois de la Pac et de la poursuite des dispositifs MAE, dont le renouvellement est remis en questions tous les cinq ans et qui la privent de lisibilité à long terme. Alors, pour tenter de valoriser la viande bovine produite sur ce territoire et « pérenniser nos exploitations »,
Pascal Poulard a créé avec d’autres éleveurs, en 2001, la marque l’Éleveur et l’Oiseau, démarche qui s’est soldée par un échec commercial. « Nous étions peut-être trop en avance par rapport au consommateur qui n’a pas suivi », estime-t-il aujourd’hui. Il travaille actuellement à la relance d’un projet de commercialisation et continue par ailleurs de pratiquer la vente directe.
La ferme de la P’tite Ferro pratique une agriculture sans phytos, sans engrais chimiques ni apport organique, qui la rapproche du bio. Elle prépare depuis deux ans un projet de conversion, avec un système de séchage du foin en grange. L’investissement, de l’ordre de 270 000 euros, serait amorti grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques sur le bâtiment. Mais le changement de tarifs de rachat, survenu entre temps, pourrait avoir pour conséquence de « compromettre ou de reporter le projet », s’inquiètent aujourd’hui les exploitants.
« Tout n’est pas né du Grenelle »
Dans les Basses Vallées, 350 exploitations mettent ainsi en valeur le territoire et 2 650 hectares de MAET ont été signés, pour une somme de 3,1 million d’euros. La profession agricole s’est, depuis longtemps, fortement engagée auprès de la LPO (Ligue de protection des oiseaux) et des collectivités locales (comme Angers-Loire-Métropole), pour la préservation de ce site et en particulier de son animal emblématique, le râle des genêts, en pratiquant la fauche tardive. « Cela s’est fait dans une logique de concertation et de partenariat », comme l’a souligné Jean-François Cesbron. Le président de la Chambre d’agriculture en a profité pour évoquer la constitution prochaine d’un réseau de fermes où sera étudiée la biodiversité, en partenariat avec la LPO, la Fédération de chasse… « Ici, on ne part pas de rien, a ajouté Christiane Lambert, présidente de la FDSEA. Tout n’est pas né du Grenelle ». Elle a toutefois souligné que ce qui a pu se faire en Basses Vallées angevines « n’est pas forcément reproductible partout. Dans les grandes zones Natura 2000, notamment parce que la logique de concertation qui a prévalu ici serait plus difficile à tenir dans un contexte réglementaire tendu ». « Tous ces territoires particuliers doivent avoir un soutien financier », a dit pour sa part François Beaupère, responsable du dossier à la Chambre d’agriculture, à Chantal Jouanno. « Or, les agriculteurs voient les réglementations s’empiler, s’inquiète-t-il. Nous avons besoin d’un travail transversal. Les réglementations devront s’adapter à ce milieu et pas l’inverse ».
S.H.
Agriculture en zones humides
Des actions spécifiques
Le plan d’action zones humides couvre la période 2010-2012. Il est réalisé par le Groupe national zones humides (où la FNSEA et l’APCA sont représentées), créé il y a un an et piloté par le ministère de l’Écologie. Le budget est estimé à 4 millions d’euros. L’objectif est de créer les conditions du maintien et du développement de filières agricoles prospères pour la mise en valeur d’environ un millions d’hectares de prairies humides. Différentes actions sont proposées :
- la mise au point de mesures de soutien spécifiques à l’élevage en zone humide : changement de critères de l’ICHN, axe 3 du plan de développement rural hexagonal (PDRH), évolution des MAET, rémunération pour services environnementaux, compensation financière des contraintes environnementales…
- la valorisation des produits agricoles : les circuits courts, le bio et les signes officiels de qualité seront encouragés ;
- des programmes d’action
territoriale en faveur des zones humides : le MEEDM (ministère de l’Écologie, l’Énergie, le Développement durable et la Mer), en collaboration avec l’APCA et les agences de l’eau, lancera un programme de restauration de grands espaces agriculture zones humides sur quelques territoires pilotes ;
- de la recherche sur les pratiques culturales adaptées aux zones humides : le MEEDM coordonnera les travaux de recherche d’une équipe pluridisciplinaire et publiera en 2012 les cahiers techniques promouvant les meilleures techniques de valorisation agricole selon les principaux types de zones humides.