Sécheresse
L'autonomie alimentaire des exploitations est d'ores et déjà compromise
Malgré quelques épisodes pluvieux et disparates, la situation reste préoccupante et les éleveurs s'inquiètent de l'alimentation des animaux.
Le tour d'horizon des différents cantons, lors du conseil d'administration de la FDSEA mardi matin, confirme les préoccupations des agriculteurs. Si les pluies ont apporté, ici ou là, un peu de soulagement, cela n'enlève rien aux dommages et aux pertes déjà enregistrés sur les récoltes d'herbe et de foin. Les précipitations ont varié, parfois à quelques centaines de mètres de distance, de 3 mm comme à Gennes, jusqu'à 110 mm du côté de La Pommeraye. "Dans le canton Saumur-nord, il n'a pas plu du tout", constate Marie-Agnès Pihée. “Dans mon secteur, la pluviométrie est passé du simple au double selon les endroits", constate Jean-Jacques Delphin, du canton de Vihiers. Sans entrer dans le détail, on peut d'ores et déjà tabler sur des rendements, en fourrage, inférieurs à 40 % minimum par rapport à une année normale. En herbe, la première coupe a été bonne, mais la récolte s'est arrêtée là. Dans les prairies, les animaux sont retirés du pacage. "On nourrit depuis le mois d'avril", constate Fabinne Davy, de Daumeray.
Faire connaître d’urgence ses besoins en paille
Face à ce déficit, une opération paille ouverte à tous les agriculteurs a été mise en place. "Vu les demandes de toutes parts, il est urgent de connaître précisément les besoins pour confirmer les commandes", indique Jean-Marc Lézé, secrétaire général de la FDSEA (voir l’Anjou agricole du 10 juin). Parfois, la solidarité locale joue et des céréaliers ne broient pas la paille. "Une solution à privilégier quand c'est possible pour éviter le coût du transport", souligne Jean-Marc Lézé. Pour pallier le déficit, les éleveurs organisent aussi sur le terrain des échanges paille/fumier. Le comité sécheresse inter-OPA devrait formaliser cette pratique dans les prochains jours.
Double peine pour les éleveurs de bovins
La situation la plus préoccupante concerne le secteur de la viande bovine déjà très fragilisé par la conjoncture économique. La décapitalisation à laquelle doivent se résoudre certains éleveurs, faute de pouvoir assurer la nourriture des animaux, entraîne une chute des cours. Voilà donc l'éleveur de viande bovine confronté à une double peine : une moindre rémunération et l'amputation de son outil de travail. Mickaël Bazantay pointe du doigt les pratiques commerciales : "Les animaux sont encore dans les exploitations. Ce sont les annonces des prochains abattages qui font baisser les cours". Des éleveurs complètent la ration avec des concentrés, mais là aussi "les cours s'envolent", constate Jean-Paul Piet, du canton de Chemillé. "La luzerne manque. Cela pose des problèmes pour les productions caprine et hors sol". Quant aux semences fourragères, les contrats ont été diminués de moitié l'an dernier. Les établissements semenciers ont peut-être manqué de prudence".
C'est sur les maïs que se portent aujourd'hui tous les espoirs. Pourvu qu'ils aient été semés tôt, dans la première quinzaine d'avril. Pour les autres, certains n'ont même pas germé. Pour autant, la récolte dépendra, là aussi, de la pluviométrie ou de la gestion de l'irrigation pour les maïs irrigués (voir à ce propos en page 15 les recommandations d'Arvalis).
Un projet collectif de réserves d’eau
Les conditions climatiques de cette année 2011 posent à nouveau, avec une plus grande acuité encore, la question de l'autonomie alimentaire des exploitations. La sécurisation de tous les systèmes, fourragers, cultures spécialisées, etc passe, notamment, par un accès à l'eau. La prise de conscience par les pouvoirs publics et les récentes déclarations du chef de l'État en déplacement en Charentes, la semaine dernière, plaident pour une évolution de la réglementation (voir encadré). Sur le terrain, les agriculteurs sont prêts. Ainsi, dans le canton de Chemillé, la FDSEA met en place un projet collectif de réserves et recense les exploitations et des lieux. Pour ce qui est de l'irrigation, l'arrêté étiage évolue chaque jour dans le sens d'une plus grande restriction (voir page 16). "Le préfet de Maine-et-Loire, rencontré à ce sujet, s'est montré très réceptif", indique Pascal Laizé, chargé du dossier environnement à la FDSEA. Il entend nos préoccupations, y est sensible, mais ne dérogera qu'à l'appui d'un argumentaire précis et détaillé".
M. L.-R.
Répercussion des matières premières
Les conditions sont réunies selon la FNSEA
Dans un communiqué diffusé le 10 juin, la FNSEA estime que, “sans appel”, les conditions sont réunies pour que l'accord du 3 mai s'applique.
Cet accord stipule que les fournisseurs et distributeurs doivent se réunir et négocier une nouvelle répercussion des prix des matières premières entrant dans la composition des prix des produits alimentaires. Selon la centrale syndicale, les deux conditions de déclenchement des négociations, à savoir le franchissement d'une tranche de +10 % minimum du prix de l'alimentation animale et la sortie du tunnel du ratio prix du produit sur prix de l'aliment, sont réunies depuis 6 mois pour la filière bovine, depuis 5 mois pour la filière porcine et depuis 8 mois pour la filière volaille. Le syndicat attend donc que les négociations sur les prix payés aux fournisseurs soient ouvertes à nouveau, “sans délai “. Les indicateurs de prix se trouvent sur le site du ministère de l'Agriculture à l'adresse suivante : http://agriculture.gouv.fr/Indices-filiere-bovine
DÉCISIONS NATIONALES
Les dernières mesures
En excluant, d'emblée, des aides directes au secteur agricole, le président de la République, en déplacement en Charentes, a annoncé le report à l'année suivante des échéances pour les prêts accordés dans le cadre du plan Sarkoszy de 2009 ainsi que l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti pour les agriculteurs situés en zone sinistrée.
Le Fonds national des calamités agricoles sera abondé à hauteur de 200 millions d'euros. Les premiers versements devraient intervenir en septembre. Un plan de cinq ans sera mis en place pour la création de retenues d'eau et la réduction des volumes utilisés par l'agriculture.
“Nous avions une demande d'urgence, elle est traitée, a commenté Xavier Beulin, président de la FNSEA. Cependant, a-t-il aussitôt ajouté, "le rendez vous de septembre permettra de faire le bilan des pertes et la mise en place d'un plan plus massif".
De son côté la FNB (Fédération nationale bovine) considère que "les mesures financières annoncées ne sont pas à la hauteur des enjeux. Elles n’apporteront pas la bouffée d’oxygène tant attendue et ne lèvent aucune des hypothèques grevant l’avenir”. La FNB aurait préféré un report en fin de tableau de l’ensemble des annuités d’emprunts. Demandé également, un "véritable plan de gestion de marché afin d’enrayer la dégradation des cours depuis un mois et qui pourrait s’aggraver dans les prochaines semaines".