Coopération
L’avenir de Terrena passe par le développement durable
Répartis en trois pôles, les quatorze secteurs d’activité de Terrena vont développer des synergies et s’inscrivent résolument dans une démarche de développement durable.
La coopérative agricole Terrena, avec un chiffre d’affaires de 912 millions d’euros (- 4,3 %) pour un résultat net de 17,6 (+ 8 %), rassemble quatorze secteurs d’activité. Au cours de l’exercice écoulé, ces différents secteurs ont connu des fortunes diverses. Et leur lot de paradoxes, évoqués lors de l’assemblée générale qui s’est déroulée à Cholet, la semaine dernière. Ainsi, « le secteur des céréales a-t-il ses indicateurs financiers au vert, en dépit d’une commercialisation très éra-
tique », a indiqué Marcel Placet, responsable du pôle végétal. Toutes les catégories affichent des compléments de prix importants : au total, 10 millions d’euros auxquels il faut ajouter 2 millions de remises sur charges fixes. Revers de la médaille, ces cours porteurs ont entraîné une augmentation des prix sur les matières premières et l’alimentation, ce qui a pesé lourd sur les budgets des autres productions. D’où les interrogations des éleveurs sur la stratégie de Terrena en la matière. Et notamment sur la volaille. Ce secteur, on s’en souvient, avait été lourdement pénalisé par les effets induits de la grippe aviaire. Aujourd’hui, « les comptes de Gastronome sont redressés, a annoncé le président de Terrena Hubert Garaud. Et un plan de relance est à l’étude car les volumes risquent de manquer ». D’où des réactions dans la salle : « Comment envisager d’investir quand les prix imposés par la grande distribution ne cessent de baisser et les charges augmentent ? », a interrogé un éleveur. « On ne gagnera rien ou peu sur les matières premières. La valeur ajoutée est à trouver sur les valeurs associées à nos produits. C’est ce sur quoi travaillent nos filières », a convenu Hubert Garaud.
Maintenir notre potentiel
En ce qui concerne les autres productions, si la baisse du prix du lait a impacté le chiffre d’affaires de 2006, l’année 2007 marque un net redressement. « L’éventualité et les raisons d’une future pénurie sont à analyser afin de permettre à la coopérative de maintenir la production et le
développement de valeur ajoutée, en particulier sur le fromage, en accompagnant les éleveurs dans leur stratégie d’entreprise. » La viande bovine, confrontée à des importations et aux effets du découplage, est également un secteur à soutenir. « Il faut maintenir notre potentiel dans la zone de production, faute de quoi nous ouvrons en grand la porte aux importations ». C’est dans cet objectif, a
rappelé le président, qu’a été notamment décidé l’investissement d’un site de transformation sur Angers. Et que Ter’Élevage a élaboré son projet. Enfin, pour les productions hors sol, les lapins connaissent une conjoncture difficile, malgré la création de Multilap. Quant à la production porcine, le dixième anniversaire d’Arca sera l’occasion de lui donner « une deuxième jeunesse », souhaite Hubert Garaud.
De véritables opportunités
Ces perspectives s’accompagnent de deux mots d’ordre : le dévelop-pement et la synergie, afin d’être en capacité de répondre aux grands défis du 21e siècle. « Toutes ces actions
doivent s’inscrire aussi, de manière pragmatique, dans une démarche de développement durable », a indiqué Hubert Garaud. Agriculture et développement durable seraient donc compatibles ? Oui, a répondu sans hésiter Jean-Pierre Tillon, vétérinaire de formation et directeur scientifique de Invivo, invité de cette assemblée générale. Voire, le développement durable constitue non seulement le passage obligé, mais présente même de véritables opportunités. « Demain, les achats en céréales des amidonniers se feront en fonction de leur efficacité énergétique, » cite en exemple le scientifique.
Le développement durable qui repose sur le triptyque d’une demande sociétale, répondant à des critères environnementaux et économiquement viables, n’a rien du Triangle des Bermudes et l’agri-
culture doit s’y engager plus avant encore qu’elle ne le fait aujourd’hui. Le scientifique est persuadé que cette voie est compatible avec des pratiques agricoles modernes, renforcées par une amélioration des parcours et des efforts de technicité, de nature à répondre aux enjeux de demain : nourrir le monde, satisfaire à la demande des débouchés non alimentaires et s’inscrire dans la démarche des biotechnologies dans un contexte où les modes alimentaires sont de plus en plus versatiles et où les marques de distributeur s’intensifient. Le développement durable tel que le conçoit Jean-Pierre Tillon s’inscrit donc dans ce registre et exclut toute vélléité de décroissance. C’est bien d’une agriculture moderne et d’agriculteurs reconnus dans leurs fonctions et leur statut que parle le scientifique.
Les choses seraient-elles donc en train de changer ? En serait-il fini de « l’ère du soupçon », comme le suggère Jean-Pierre Tillon qui estime que l’agriculteur et l’agriculture sont en train de recouvrer leurs lettres de noblesse, pour autant qu’ils gravissent « la pyramide du développement
durable. De nombreux agriculteurs sont déjà dans la démarche. Ce sont des Monsieur Jourdain du dévelop-pement durable. Mais tout le monde n’est pas encore au même niveau, l’essentiel est de progresser. » Outre son impérieuse nécessité au regard de l’avenir de la planète, le développement durable ne serait donc pas une menace pour l’agriculture, mais une opportunité, qu’il s’agisse des
services (valorisation des déchets organiques, paysages), des nouvelles énergies renouvelables, de la chimie vertes, des nouvelles matières premières, de la rétention du carbone… autant de pistes qu’il serait judicieux de lister dans un référentiel. Il est actuellement en cours d’élaboration à Coop de France.