Débat
Le collectif, une réponse à la société en métamorphose
Quels temps vivons-nous ? Dans une société en mal de repères, le CESE prend le temps de réfléchir à d'autres relations sociales, économiques et environnementales.
environnemental).
“Avant même d’apporter des réponses, il faut commencer par poser les bonnes questions". D’entrée, Jean-Paul Delevoye, président du CESE (Conseil économique, social et environnemental) a posé le cadre de son intervention, à l’Ésa, lors de la soirée débat organisée hier jeudi par la FDSEA et l’Anjou agricole. C’est en effet la mission dévolue au CESE d’avoir ce regard distancié sur les choses, en dehors de toutes considérations temporelles liées à des échéances électorales par exemple. Ce que Jean-Paul Delevoye appelle "une maison du temps long" qui ouvre un espace de dialogue "sans arrière pensée de récupération politique".
“Ensemble”
Poser la situation donc pour ensuite poser le problème et en venir à l’esquisse d’une résolution. On a beaucoup parlé des questions, jeudi soir ; Jean-Paul Delevoye a évoqué tout juste la voie pour parvenir à la solution. Elle tient en huit lettres, huit lettres qui sonnent bien aux oreilles du syndicalisme agricole : Ensemble. Jean-Marc Lézé le rappelait en préambule : "En Maine-et-Loire, nous avons fait le choix des hommes". Ce choix-là est-il possible avec la compétitivité des entreprises ? Pour le président de la FDSEA de Maine-et-Loire, la définition donnée par l’Union européenne et rappelée dans l’avis du CESE présenté par Isabelle de Kerviler lui convient: “La compétitivité est entendue comme la capacité d’une Nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale dans un environnement de qualité. Elle peut s’apprécier par la qualité d’un territoire à maintenir et à attirer les activités et par celles des entreprises à faire face à leurs concurrentes”. "Pour la FDSEA, poursuit Jean-Marc Lézé, la compétitivité ne doit pas être assimilée à un risque de déclas-sement social mais doit concilier performance individuelle de nos entreprises et performance collective de nos filières et de nos territoires".
“La défense des causes et non des intérêts”
"C’est par le collectif, par la défense de l’intérêt général que l’on parviendra à sauvegarder l’ensemble des intérêts personnels", indique Jean-Paul Delevoye pour qui il faut passer "de la légitimité des institutions à l’utilité citoyenne. Ce n’est pas à la société à s’adapter aux structures, mais bien aux structures de s’adapter à l’évolution de la société", indique-t-il. On pense à Michel Serres dans "Petite poucette" (et dans le Monde du vendredi 13 avril 2012). Les réflexions et mises en perspective évoquées par le président du CESE – et abordées dans son livre "Reprenons nous" – se veulent sans tabou. Sans tabou quand il parle de la relation au pouvoir et de la défense des prés carrés. Sans tabou quand il parle d’intergénération, d’intégration, d’éducation, de nouvelles technologies. Sans tabou mais sans complaisance vis-à-vis d’une société qu’il considère, non pas en crise, mais en métamorphose dans un contexte de mondialisation. Plus généralement, c’est vers la défense des "causes" et non des intérêts que doit évoluer la société du 21e siècle, estime-t-il, et ce y compris pour "l’agriculture, cette cause à défendre".
“Passer du “je” au “nous”
Retrouver le vivre ensemble, le dialogue, la convivialité. “Dans un monde qui se parle de plus en plus mais ne s’écoute plus", les solutions économiques sont peut-être mondiales, mais les solutions sociales sont locales. Pour être compétitif, passer du "je" au "nous". Qu’au delà du PIB produit intérieur brut, on tienne compte du PIB produit intérieur du bonheur, comme l’a proposé un des deux cents participants de la soirée. "D’aucuns trouveront peut-être le constat de Jean-Paul Delevoye pessimiste ; il est d’une lucidité crue mais courageuse", a conclu Christiane Lambert. Un pessimisme qui, selon le philosophe Alain, est d’humeur, alors que l’optimiste est de volonté. Cette même volonté collective qui, de tous temps, a animé et continuera à animer la FDSEA.
M. L.-R.
Visite de Terrain
La compétitivité face à la concurrence
Le lien au territoire, la spécificité locale, la recherche de la compétitivité, Jean-Paul Delevoye a pu les toucher du doigt en visitant les serres des établissements Froger à Sainte-Gemmes-sur-Loire. Hortensias, roses, glaïeuls, asters, tulipes, tournesols, lys, mufliers, renoncules, pivoines, gerberas…, au terme de trois générations, l'entreprise familiale s'est spécialisée dans la fleur coupée. L'entreprise emploie 45 salariés et est adhérente au Geicq (groupement d'employeurs). C'est dire si la compétitivité, Guillaume, Emmanuelle et Michel Froger, les trois associés de l'entreprise, connaissent. En particulier face à la rude concurrence des Hollandais.
Guillaume Froger a notamment évoqué avec Jean-Paul Delevoye le coût de l'énergie et de la main- d'œuvre, le poids des charges sociales, les investissements réalisés et l'initiative "Produits d'Anjou" qui permet aux fleuristes de proposer à leurs clients des fleurs produites localement. "Une démarche bien perçue et qui fidélise la clientèle", apprécie Guillaume Froger. L'horticulture souligne néanmoins le besoin de soutien, notamment en communication, d'une telle démarche.
Quant à l'enjeu du foncier, il est particulièrement prégnant dans le triangle vert de la zone horticole de Sainte-Gemmes-sur-Loire qui comprend 45 entreprises et emploie un millier de personnes. Louis-Luc Bellard et Guillaume Froger n'ont pas manqué de le faire remarquer au président du CESE, histoire de nourrir ses réflexions.