Le maire, facilitateur de dialogue
Interview de Philippe Chalopin, élu le 23 octobre dernier président de l’Association des maires de Maine-et-Loire.
Il y a bientôt un an, était signée la charte des utilisateurs de produits phytos censée favoriser le dialogue entre agriculteurs et riverains. Votre point de vue sur ce dossier des phytos ?
Etant fils d’agriculteur, je suis très sensibilisé à cette problématique et je mesure à quel point les agriculteurs ont évolué dans leur manière d’exploiter et la formidable prise de conscience environnementale dont ils ont fait preuve. Les choses ont énormément progressé dans le bon sens. Mais on a demandé pendant longtemps d’utiliser un maximum de produits pour maximiser le rendement, et aujourd’hui on ne peut pas demander aux agriculteurs de tout changer en 1 ou 2 ans. J’estime qu’il faut laisser, en la matière, du temps au temps. Certes, il arrive que certains ne respectent pas les règles, mais la majeure partie d’entre eux sont respectueux de l’environnement. On a tendance en France à vouloir imposer des règles sans laisser de temps pour trouver des solutions, et à vouloir passer sans transition d’un extrême à l’autre.
Les maires se retrouvent en position délicate entre des agriculteurs qui veulent développer leur activité et de nouveaux habitants parfois méfiants ou hostiles vis-à-vis de leurs pratiques. Quel rôle pour les maires ?
Quand il y a conflit, les maires peuvent être facilitateurs. Il faut que les personnes qui arrivent sur nos territoires soient pris en considération. En revanche, il est complètement inacceptable de voir des gens intervenir sur les exploitations de façon violente. Les agriculteurs sont des chefs d’entreprise, il faut les laisser travailler et leur faire confiance. Il y de la place pour toutes les agricultures, le bio, - mais celui-ci ne pourra pas nourrir toute la planète -, et une agriculture que je qualifierais de raisonnée. Les maires peuvent travailler en intelligence avec les représentants d’associations et les syndicats agricoles, et doivent se garder d’opposer les gens.
Aujourd’hui des projets collectifs de méthanisation, notamment celui de Durtal, rencontrent l’opposition de citoyens. Quelle est votre position en tant que représentant des maires ?
Je soutiens clairement le projet de l’association Lampa à Durtal. Il faut être cohérent : si l’on veut à la fois réduire la pollution, diminuer les émissions de gaz à effet de serre et produire de l’énergie verte, on ne peut pas dire en même temps, "pas de ça chez moi". Le projet de méthanisation permet de répondre justement à ces objectifs, tout en donnant une solution aux agriculteurs confrontés à des problématiques de mises aux normes. On pointe parfois du doigt les projets qui ne marchent pas, mais globalement la technologie de la méthanisation est de mieux en mieux maîtrisée en termes d’odeurs et de nuisances et j’encourage à aller vers ce type d’industries. Cela dit, j’y mets deux limites : je suis défavorable à une alimentation des méthaniseurs avec des cultures, car l’agriculture a une mission nutritive avant tout, et avec des déchets animaux. En revanche, la méthanisation de fumier et lisier telle qu’elle doit se faire à Durtal, ou ailleurs dans le département, est tout à fait à encourager car elle contribue à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Les agriculteurs qui s’engagent dans ce type de démarche sont courageux et innovants.