Consommation
Le véritable impact des matières premières sur les prix à la consommation
Pour expliquer la vérité sur les prix, les agriculteurs devaient rencontrer, hier, jeudi après-midi, les consommateurs dans les grandes surfaces d’Angers.
Une hausse de 15 à 25 % du coûtde la production
Lorsque l’on parle de hausse des prix, le projecteur est aussitôt mis sur l’augmentation des matières premières, lesquelles feraient flamber le panier de la ménagère. Pour Jean-Paul Piet, secrétaire général de la FDSEA, le raccourci est trop facile car il laisse entendre que la hausse des étiquettes n’est due qu’à cette seule raison et fait l’impasse sur les autres dépenses des ménages. Il faut donc relativiser : le budget consacré à l’alimentation est de 11 % aujourd’hui, (contre 24 % en 1960) alors que la part consacrée pour se loger s’élevait, en 2005, à 24,7 %.
« Il est trop facile de dire que ce sont les prix agricoles qui font flamber les étiquettes », remarque Jean-Paul Piet. D’abord parce que la part des matières premières n’entre que pour une faible proportion dans le calcul du prix. Le secrétaire général de la FDSEA cite l’exemple de la baguette : les céréales ne comptent que pour 4,2 % dans l’élaboration du prix alors que les salaires et les charges en représentent 50 %. Une hausse de 70 % du prix de la farine ne pèse donc que deux centimes dans l’augmentation. « On a l’impression que le commerce en profite pour faire passer des hausses sur le dos des prix agricoles », poursuit le responsable syndical qui rappelle qu’en son temps, la baisse des prix agricoles n’a jamais été répercutée aux consommateurs : le prix des céréales et des oléoprotéagineux a baissé en effet de 34 % entre 1992 et 2005 et le prix du lait de
11 % sur les cinq dernières années. « C’est cette hypocrisie que nous voulons dénoncer auprès des consommateurs en allant leur expliquer le dessous des cartes et comment ils se font abuser. » Pour le responsable professionnel, le commerce n’est pas seul responsable de ce tour de passe-passe. « Les transformateurs ont aussi leur responsabilité. Il faut qu’ils répercutent les coûts à la grande distribution afin d’augmenter la rémunération des agriculteurs, confrontés eux aussi à l’augmentation de
l’aliment du bétail », estime-t-il. « De même les pouvoirs publics ont un rôle à jouer ». C’est pourquoi il réclame « une complète transparence d’un bout à l’autre de la filière ».
Cette incrimination est d’autant plus difficile à supporter et à entendre par les agriculteurs qu’ils sont eux-mêmes, pour la plupart de leurs productions, confrontés aux augmentations (voir encadré ci-dessous) et à l’envolée des coûts de l’énergie. L’alimentation représente en effet 70 % du coût de la production pour le porc, 70 % pour le veau, 58 % pour le poulet de chair et 50 % pour le jeune bovin. Ce qui se traduit par une hausse du coût de production de 15 à 25 % selon les productions. « Pour un producteur de porc, chaque livraison de concentrés coûte 1 000 euros de plus, relate Jean-Paul Piet. De telles charges, si elles ne sont pas répercutées, risquent de mettre un terme à des productions dites hors sol. Et la grande distribution se verra confrontée à un manque d’approvisionnements. C’est donc le rôle etl’intérêt des transformateurs, et notamment de la coopération, d’appliquer la réalité des prix ».
Réactions
Crise de longue durée et risque de pénurie ?
Sous l’effet conjugué du climat, circonstance conjoncturelle, et d’une demande croissante des pays en voie de développement dans un contexte de stocks à zéro et de développement des
biocarburants, le prix des céréales a doublé. Le prix de l’énergie fait des bonds. L’envolée sur les cours des céréales risque de durer, estime Jean-Paul Piet, secrétaire général de la FDSEA. Le marché à terme ne s’est jamais aussi bien porté. Pour l’agriculteur, « le moratoire sur les jachères ne devrait que faiblement répondre à la demande croissante, dans la mesure où ces terres sont, soit déjà occupées par des cultures industrielles, soit en herbe, soit d’une qualité peu propice à
l’implantation de céréales ».
« A-t-on les moyens d’une politique de carburant vert ? », interroge l’agriculteur. Ne faudrait-il donc pas rapidement évoluer vers des biocarburants de deuxième génération, issues de la biomasse, et laisser les assolements céréaliers à des fins alimentaires, comme le préconise Bruno Parmentier dans un article du Monde daté du mardi 4 septembre.
Dans le même article, Alexandre Gouhin, de l’Inra de Rennes, est plus serein quant au risque de pénurie. Il n’exclut pas une évolution sur les OGM et table sur une meilleure productivité. « Des prix élevés ont toujours incité, jusqu’à présent, à trouver des solutions pour produire plus »,
conclut-il.