Politique
Le vieil homme et l’utopie
Edgard Pisani,auteur de Vive la révolte !, est venu en Maine-et-Loire.
Il faut un véritable plan, qui s’étalera peut être sur 10 ou 12 ans, mais qui permettra au pays de se redresser. » En dressant un panorama assez sombre de la situation la France, du poids de plus en plus asphyxiant de l’État, de l’Éducation, de la relation au travail, de la dette, du régime des retraites… Edgard Pisani ne se situe pas en déclinologue, catégorie dans laquelle, par raccourci ou commodité, d’aucuns voudraient le ranger. À l’instar de Camus : « La révolte naît de la conscience » (l’homme révolté), c’est à un véritable sursaut, mieux encore à une exigence, qu’invite l’ancien ministre de l’Agriculture. Il intervenait la semaine dernière en Maine-et-Loire, auprès des jeunes de l’Ésa, auxquels il recommandait de « s’engager », et à la ferme-auberge de Pouancé, dimanche lors des Rencontres de l’Herberie.
Certes, Edgard Pisani n’est pas tendre avec la gent politique actuelle, dont on sent bien qu’elle n’égale, ni ne peut rivaliser, à ses yeux, avec les « grands hommes » qu’il a côtoyés. C’est pourquoi il enjoint les actuels candidats, dont il exclut ceux aux revendications trop catégorielles, à définir un projet politique qui tienne du contenu et non des moyens : « privilégier le quoi, de préférence et avant le comment », dit-il.
« C’est l’agriculture qui m’a appris la politique »
Edgard Pisani s’appuie en cela sur son expérience à la rue de Varennes. « C’est l’agriculture qui m’a appris la politique, parce que ce secteur ne se réduit pas à une seule fonction alimentaire. L’agriculture doit composer avec des paramètres sociaux, économiques, environnementaux. La politique est née de l’agriculture parce que c’est autour de ces activités primordiales qu’il a fallu, dès l’Antiquité, réglementer les usages. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, l’agriculture ne peut s’inscrire dans la seule logique de l’économie de marché. »
Tout en réaffirmant sa préférence pour l’alternance, « seule garantie de la démocratie », et donc de la bipolarisation des partis, Edgard Pisani regrette et fustige l’affrontement stérile auquel se livrent la plupart des candidats, au détriment de la recherche du bien commun. Aussi, emprunte-t-il à la métaphore pour indiquer une méthode de travail. « Frottez vos idées les unes aux autres pour arrondir vos têtes comme les galets de la rivière ». C’est ainsi, pense-t-il, que pourront naître de véritables réformes assises sur une large majorité.
Utopiste ou visionnaire ? Aujourd’hui Edgard Pisani se sent un peu seul … et âgé, même s’il ne désespère pas voir sa réflexion entendue par l’un ou l’autres des prétendants à la magistrature suprême. Et à 88 ans, sa détermination de servir est intacte.
m.l.-r.