Grande distribution
Les agriculteurs face au patron de Leclerc
La FDSEA et JA 49 ont rencontré Michel-Edouard Leclerc mardi 5 juillet. L’occasion de lui prouver que la hausse des charges est bien réelle sur les exploitations agricoles.
La FDSEA et JA 49 ont rencontré Michel-Edouard Leclerc mardi 5 juillet. L’occasion de lui prouver que la hausse des charges est bien réelle sur les exploitations agricoles.
« Vous êtes la bête noire de l’agriculture. Avec votre stratégie des prix bas, je vous tiens en partie pour responsable de la décroissance démographique de l’agriculture française et du mal-être du monde agricole. Autour de chez moi, 3 éleveurs en viande bovine ont jeté l’éponge parce qu’ils n’arrivaient pas à se rémunérer... ». Frédéric Robert, secrétaire général de la FDSEA 49 ne mâche pas ses mots face à Michel-Edouard Leclerc. A l’occasion de l’inauguration du Leclerc de Cholet, le président du comité stratégique des centres E.Leclerc a rencontré une délégation d’agriculteurs de la FDSEA et de JA, mardi 5 juillet, sur la ferme de Sylvie Rochais, éleveuse laitière, à Cholet. Une exploitation qui illustre parfaitement les effets de la hausse des charges sur le monde agricole. Le Gaec vient de mettre en service un nouveau bâtiment pour ses vaches laitières. Coût de l’investissement ? 1 100 000 euros. « Nous avons fait un emprunt sur 15 ans. En 2020, pour financer ce bâtiment, nous avons établi un prix d’équilibre de 330 € les 1 000 l de lait avec une production annuelle de 1 200 000 l. Sauf qu’aujourd’hui avec toutes les hausses de charges, il faudrait que notre lait soit payé 100 € de plus pour rentrer dans nos frais... »
Entre la côte porc à moins de 2 € le kilo et la baguette à 29 centimes, les éleveurs n’ont de cesse rappeler l’incohérence de la politique de la grand enseigne. « Il y a urgence. Sans prix, il n’y aura bientôt plus d’agriculteurs et vous n’existerez plus sans nous », lance Clément Traineau, éleveur en viande bovine. Et Nathalie Pichaud, présidente JA 49 d’ajouter : « depuis 10 ans, 100 000 exploitations agricoles ont disparu. Nous avons le défi de renouveler 50 % des exploitations. Nous avons besoin de prix rémunérateurs pour installer des jeunes. »
Des prix pour rémunérer les agriculteurs
Face à ces accusations de « mener une guerre des prix au détriment de la profession agricole », Michel-Edouard a donné sa version des faits. « Je me suis montré sceptique sur la loi Egalim 1. Mais la loi Egalim 2 est un bon outil. Et nous l’appliquons dans ce 3e round de négociations commerciales. Nous n’avons pas de dossiers en cours avec le médiateur », se targue le célèbre patron de la grande distribution qui n’hésite pas à rejeter la faute sur d’autres maillons de la chaîne. « Avec la loi Egalim 2, 78 % des transformateurs avec qui nous travaillons ont choisi l’option 3. » Pour rappel, cette option permet au fournisseur de ne pas donner le détail des matières premières et produits transformés dans ses conditions générales de vente. « Cette option manque de transparence. Nous ne savons pas quelle part des hausses que nous acceptons va à la MPA (ndlr : matières premières agricoles). »
Nathalie Langereau, responsable avicole de la FDSEA, lui a aussi rappelé les difficultés que rencontre la filière avicole. « La grippe aviaire a fragilisé toute la filière. à cela s’ajoutent des hausses de charges : le prix du gaz a été multiplié par 5 en un an, les aliments ont augmenté de 80 %. » Elle-même éleveuse en vaches allaitantes et en volailles prend sa ferme pour exemple. « A cause de la grippe aviaire, je n’ai pas eu de volailles en bâtiment pendant 2 mois. Mais mes charges, elles, ont continué d’augmenter. A ma dernière clôture comptable, je suis déficitaire de 18 000 euros. Si vous n’augmentez pas le prix de la barquette de volailles de 25 %, mon groupement va fermer boutique. Et moi aussi d’ailleurs. »
Le patron de Leclerc leur a assuré être prêt à « accepter des hausses de prix » mais supporte mal les critiques sur sa stratégie marketing. « Laissez-moi rendre attractifs vos produits comme je l’entends », a-t-il suggéré. Pas sûr que les agriculteurs l’aient entendu de cette oreille...