Politique
Les douze travaux agricoles du futur ministre de l’Agriculture
Le nouveau président de la République et le futur gouvernement vont devoir rapidement prendre en main des dossiers délicats sur le plan agricole, qui auront des conséquences à long terme.
1 2008, entre bilan de santé de la Pac et acte chirurgical. 2008 sera, pour la Pac, l’année du bilan de santé. Dans cette perspective proche, la commissaire européenne à l’agriculture, Mariann Fischer Boel, a l’intention de « lancer cette année une large consultation en vue de faire des propositions qui prendront effet au cours de la période 2009 à 2013 ». Il s’agira uniquement, assure-t-elle, de vérifier que la politique actuelle, réformée en 2003, « fonctionne comme elle le devrait dans un monde qui a bougé depuis ».
Bruxelles veut néanmoins que l’occasion soit saisie pour généraliser un peu plus le découplage des aides directes et pour simplifier le régime de paiement unique.
La Commission devrait plaider par ailleurs pour un relèvement du taux de modulation obligatoire des aides directes, qui est actuellement de 5 %, afin d’accroître les fonds mis à la disposition du développement rural. En revanche, estime la commissaire à l’agriculture, la modulation volontaire, décidée fin mars
dernier et applicable seulement au Royaume-Uni et au Portugal, « crée plus de problèmes qu’elle n’en résout ». Enfin, de nouvelles simplifications des règles de la conditionnalité
des aides directes pourraient être envisagées.
2 Une très délicate présidence de l’UE en perspective. Au cours du deuxième semestre de 2008, la France, succédant à la Slovénie, exercera la présidence tournante de l’UE à un moment politiquement délicat. En effet, c’est alors que devraient se conclure les pourparlers sur la rénovation du Traité européen. Avant cette présidence, les négociations sur les derniers volets de la réforme agricole entamée en 2003 – celle des secteurs du vin et des fruits et légumes – devraient avoir abouti. En revanche, le bilan de santé de la Pac prévu en 2008 sera en cours, ainsi que la réflexion sur la refonte budgétaire qui ne sera mise en oeuvre qu’après 2013. Pour la Pac, Mariann Fischer Boel a déjà sa petite idée : suppression à terme des exceptions encore existantes au principe du découplage total ; plus grande harmonisation des divers modèles de découplage à travers l’UE ; remise en question des instruments de marché traditionnels avec, notamment, l’abolition du système des quotas laitiers ; financement suffisant du développement rural.
3 La course de vitesse de l’OMC. Un des dossiers les plus immédiats qu’aura à affronter le nouveau gouvernement, et notamment les ministres chargés du Commerce et de l’Agriculture, sera celui de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Principalement pour cause de calendrier américain, à la fin de l’année, le gouvernement de George W. Bush n’aura plus la liberté de négocier des accords commerciaux sans en référer systématiquement au Congrès, maintenant à majorité démocrate. Les enjeux agricoles de cette négociation sont triples : la réduction des subventions intérieures à l’agriculture, le démantèlement des subventions à l’exportation, la réduction des droits de douane. Pour l’Europe, les deux premiers enjeux ont déjà fait l’objet d’engagements ou d’application lors de la réforme de la Pac en 2003. La conférence de Hong Kong, fin 2005, a débouché sur un engagement à la suppression des subventions à l’exportation pour 2013. Restent les droits de douane pour lesquels la France surveille de près la manière dont le négociateur européen, le commissaire au commerce Peter Mandelson, négocie.
4 Céréales : le filet de protection de l’intervention remis en cause. Mai 2004 : la Hongrie intègre l’UE et son entrée va faire grimper les stocks
d’intervention de maïs à des niveaux jamais atteints. Avril 2006, suite à
un rapport réalisé par des experts indépendants, Bruxelles annonce sa volonté de durcir les critères d’accès à l’intervention en maïs qui se transforme début décembre en projet de suppression. S’il n’a pas rencontré l’adhésion des ministres européens de l’Agriculture, ce projet semble de plus en plus près de convaincre. D’autant plus que le marché de l’éthanol peut au besoin être considéré comme un nouveau filet de sécurité.
5 Fruits et légumes : au moins deux sujets politiques. Au moins deux sujets demanderont l’intervention des politiques : l’instauration d’un système de gestion de crise et l’introduction d’une dose de découplage dans le secteur. Le principe d’un système de gestion de crise avait été adopté par le compromis de Luxembourg en 2003. Il était prévu alors d’abandonner le fonds avec le 1 % de modulation des aides Pac. La Commission voudrait que les organisations de producteurs prennent à leur charge le coût du dispositif. Mais plusieurs pays, dont la France, demandent l’instauration d’un fonds spécifique.
6 Vin : la libéralisation du marché en question. Deux grands enjeux principaux émergent. La libéralisation des plantations : les producteurs d’AOC s’opposent fermement à cette mesure qui va à l’encontre de l’intérêt des vins de qualité. Deuxième sujet : faut-il abandonner la régulation du marché (distillation, aide au stockage…) ? Là, ce sont les viticulteurs de vins de table qui risquent gros. Les questions des pratiques œnologiques, de la répartition des enveloppes nationales, des indications géographiques et de l’étiquetage seront également prétextes à discussions.
7 Environnement : la question de l’impact de l’agriculture sur l’environnement sera majeure. Les nouvelles grilles de la conditionnalité seront un sujet très sensible. Autres dossiers environnementaux : la préparation et la publication des textes d’application de la loi sur l’eau adoptée en décembre 2006 (redevances diverses et variées, gestion de l’irrigation, boues d’épandage, contrôles des pulvérisateurs de produits phytosanitaires...) et la gestion de la ressource en eau.
8 OGM : la menace des fauchages, comme tous les étés. Les Organismes génétiquement modifiés (OGM) feront partie des dossiers sensibles déposés sur la table du prochain ministre de l’Agriculture. Cette année, plusieurs dizaines de milliers d’hectares de maïs OGM – au moins 30 000 selon les semenciers – seront cultivés en France. La transposition en mars 2007 de la directive européenne 2001/18 relative aux essais en champs et aux cultures commerciales d’OGM, n’a pas fait baisser la garde aux militants anti-OGM.
9 Le leitmotiv de l’installation. Avec quelque 16 000 installations globales par an (aidées et non aidées), on compte quand même 10 000 chefs d’exploitation en moins chaque année (source Cnaséa). L’installation des jeunes est dans tous les discours ministériels et syndicaux. Politiquement, pour le nouveau ministre, ce dossier est une priorité. Depuis son arrivée à la présidence de JA, Philippe Meurs a mis « le renouvellement des générations » au cœur de son mandat.
10 Les relations avec le syndicalisme majoritaire. Forte de ses plus de 55 % des voix aux élections aux Chambres d’agriculture de janvier 2007, la FNSEA entend plus que jamais peser dans les décisions prises par le nouveau ministre de l’Agriculture. « On ne pourra pas faire sans la FNSEA à l’avenir », résume Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA et nouvellement président du syndicalisme agricole européen.
11 Le pluralisme en question. Portée par sa forte progression aux dernières élections, la Coordination rurale n’entend pas rester à la porte du ministère. Quant à la Confédération paysanne, en difficulté suite à ses résultats très décevants, elle ne lâchera rien sur le pluralisme syndical qui est par définition un combat fédérateur pour la structure.
12 Les difficiles équations budgétaires. Le financement du régime social agricole reste à ce jour sans solution viable. La création, le 1er janvier 2005, du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (Ffipsa) ne s’est pas accompagnée de financements permettant d’atteindre un équilibre annuel et aucun financement pérenne n’a été trouvé pour équilibrer les comptes. Du côté de la Prime à l’herbe (PHAE), la partie ne semble pas encore jouée. En ce qui concerne l’assurance récolte, le niveau de soutien public devra être conforté. Actuellement de 35 %, pour 30 millions d’euros de budget, il devrait passer à une centaine de millions d’euros. Le prochain gouvernement devra réfléchir à un dispositif qui permettra d’élargir l’assurance récolte à tous les agriculteurs qui pouvaient bénéficier du FNGCA.
D’après D’AGRA PRESSE