« Les éleveurs se tournent vers les arbres », entretien avec Mathilde Rue
Mathilde Rue est doctorante à Toulouse, à l’Ecole de formation des enseignants agricole (Ensfea). Fille d’éleveurs en charolais, elle est dans la dernière phase de sa thèse sur l’agroforesterie intraparcellaire et les paysages. Ses travaux lui ont permis de rencontrer un grand nombre d’acteurs agroforestiers et de développer une expertise dans ce domaine.
Mathilde Rue est doctorante à Toulouse, à l’Ecole de formation des enseignants agricole (Ensfea). Fille d’éleveurs en charolais, elle est dans la dernière phase de sa thèse sur l’agroforesterie intraparcellaire et les paysages. Ses travaux lui ont permis de rencontrer un grand nombre d’acteurs agroforestiers et de développer une expertise dans ce domaine.
>> Tout d’abord, comment définiriez-vous l’agroforesterie intraparcellaire ?
Mathilde Rue : l’agroforesterie est une manière de pratiquer l’agriculture, en intégrant dans son raisonnement des arbres. Les formes d’agroforesterie sont nombreuses et anciennes (haies, arbres isolés, pré-vergers, etc.). L’organisation d’alignements d’arbres intraparcellaires (l’agroforesterie parfois appelée “moderne”) connait un développement. Des encadrements techniques et financiers sont intéressants pour les agriculteurs. Dans le cadre de la Pac, il y a un soutien à l’installation de système agroforestier qui peut également être amené par un fond privé dans une logique de compensation carbone.
>> Quels sont les bénéfices que les agriculteurs peuvent en retirer ?
D’un point de vue agronomique, des études démontrent l’intérêt de cette association. Si nous prenons pour exemple l’élevage bovin viande, les arbres vont avoir un rôle positif. Cela permet de faire de l’ombre en été, d’apporter de la fraicheur, de briser le vent ou encore de fertiliser la prairie avec les feuilles mortes et le renouvellement des racines, également d’apporter un complément fourrager qualitatif. De plus, il y a un bénéfice sur le moyen et le long terme. à l’heure où l’on parle de diversification, les arbres peuvent être un bon complément de revenu. De plus, tous les agriculteurs que j’ai interrogés sont satisfaits de l’agroforesterie intraparcellaire. C’est également une autre manière d’envisager son territoire, de prendre soin du paysage, et d’améliorer l’image de l’agriculture. Enfin, les arbres sont une production de long terme, un bon investissement en sachant que les agriculteurs ne paient que très peu pour planter, la pratique étant largement subventionnée. Ainsi, l’intérêt est réel dans une optique de transmission.
>> Pourquoi cette pratique n’est pas généralisée ?
Il est vrai que, si l’on parle beaucoup d’agroforesterie, peu d’arbres se plantent réellement. Comme dit précédemment, ce n’est pas un problème d’argent. D’une part, il y a la question foncière. Les agriculteurs ne vont pas planter des arbres sur des terres dont ils ne sont pas les propriétaires. De plus, cela peut être vu comme un retour en arrière, avec des parcelles plus petites. Dans le cadre des prairies, cela semble plus simple car il y a moins de travaux à y réaliser. Pourtant, l’agroforesterie intraparcellaire est un bon moyen d’être plus écologique dans nos modes de production. Il faut donc retrouver le savoir autour de l’arbre, innover et développer ces pratiques. C’est un enjeu pour l’élevage.