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Entretien
L’impact des champs électromagnétiques sur les animaux d’élevage

Le député Modem du Maine-et-Loire, Philippe Bolo, vient de produire un rapport parlementaire sur
l’impact, encore mal connu, des champs électromagnétiques sur la santé des animaux en élevage.

Philippe Bolo, député du Maine-et-Loire

>> Qu’est ce qui vous a poussé à vous intéresser à ce sujet en particulier ?

Philippe Bolo : Peut-être que ma formation d’ingénieur agronome n’est pas étrangère à l’intérêt que je porte à ce sujet. Mais surtout, en tant que membre de l’Opecst1, j’essaie de m’emparer
de thèmes qui font avancer utilement les débats. Nous sommes ici sur un sujet très complexe,
qu’il faut éviter de regarder de manière binaire. Lorsqu’on implante une antenne relais, un
parc éolien, ou même une nouvelle ligne électrique, cela génère souvent des mouvements
contradictoires. Il y a les pour et les contre. Moi je veux essayer de comprendre les mécanismes,
pour regarder les choses de manière factuelle et documentée, plutôt que d’avoir à me positionner
en tant qu’élu soit dans le camps de ceux qui refusent le progrès, soit dans celui de ceux
qui refusent de regarder les limites du progrès.

>> En dehors de quelques cas, souvent assez médiatiques, l’impact de ce phénomène est-il si répandu que cela dans les élevages ?

Pour être honnête, l’état des connaissances est assez faible sur ce sujet, et c’est d’ailleurs ce que pointe le rapport. Aucune étude à grande échelle et sur le long terme n’a été menée jusqu’à présent en France. Vous avez raison de dire qu’il y a quelques cas qui défraient la chronique, parce qu’il y a de la mortalité d’animaux, et parce que souvent, ces cas sont concomitants avec l’installation d’infrastructures électriques. Mais il y a probablement tous les autres qui s’ignorent, parce que les symptômes sont moins sévères. Depuis que j’ai pris en main ce sujet, et que j’en parle autour de moi, j’ai recueilli plusieurs témoignages d’éleveurs qui se posaient des questions, en n’ayant jamais eu d’explications rationnelles à des problèmes rencontrés affectant le  comportement ou la santé de leurs animaux, telles que des boiteries, des dérèglements hormonaux, des baisses de production, ou encore des refus  de fréquenter certaines parties du bâtiment, etc. De fait, ces pathologies peuvent avoir des origines variées, et bien souvent par le passé, les vétérinaires laissaient un peu de côté ce champ d’investigation.

>> Des troubles ont-ils été observés en l’absence d’ouvrages électriques ou d’antennes à proximité immédiate ?

Oui, bien sûr il peut y avoir des problèmes liés à l’installation privée. Des cas ont été observés alors qu’il n’y avait ni ligne à haute tension, ni antenne relais, ni éolienne à proximité. En revanche ce qui est plus difficile à expliquer, ce sont les cas comme celui du parc éolien des quatre Seigneurs, en Loire-Atlantique, où des troubles sont apparus dans deux élevages dès les
travaux de terrassement, soit bien avant la mise sous tension électrique du parc. 

>> Mais alors qu’est-ce qui favoriserait ces phénomènes ?

Il y a un relatif consensus scientifique pour dire qu’à la base, les animaux ont une plus forte
sensibilité que les humains aux courants parasites. Il y a bien sûr l’environnement immédiat,
comme les barrières métalliques, qui vont favoriser l’apparition des ces courants. On parle de tension de contact, avec des décharges électriques. Toutefois, certains comportements animaux
restent inexpliqués, alors même qu’aucune tension électrique n’est mesurée. Plusieurs intervenants ont avancé le rôle que pourrait jouer le sous-sol, avec ses failles et ses nappes d’eau, dans la transmission de  courants vagabonds.

>> Pourquoi ne pas faire intervenir des géobiologues dans ce cas ?

Mais c’est déjà le cas. Beaucoup d’agriculteurs leur font appel à titre préventif avant la construction ou l’aménagement d’un bâtiment. Toutefois cette discipline ne fait pas l’unanimité. Si elle repose en partie sur des méthodes scientifiques, notamment dans le domaine des mesures électriques, elle fait aussi appel à la subjectivité et au ressenti, et peut dans certains cas être utilisée par des personnes mal intentionnées, qui peuvent profiter de la détresse des éleveurs. C’est pourquoi dans les préconisations du rapport, je propose de structurer cette profession, en
instaurant une obligation de formation, et le respect d’un code de déontologie.


>> Quelles sont vos autres préconisations ?

Très clairement, il y a besoin de plus de recherche sur ces effets, les seuils de perception
des différentes espèces animales, l’influence de l’eau et de la géologie dans la circulation
des courants électriques. Ensuite, on a besoin d’inventorier les cas. C’est pourquoi je
propose la mise en place d’un observatoire. Sur un plan plus préventif, je propose de généraliser
les diagnostics géobiologiques et électriques avant la construction d’un bâtiment d’élevage, mais également avant l’installation d’infrastructures publiques. Et puis enfin, il est essentiel de
former et de sensibiliser au sujet, dans les écoles d’agriculture, dans les écoles vétérinaires,
dans les chambres d’agriculture. 

Quel avenir voyez-vous à ce rapport ?

Si j’avais un rêve, ce serait de pouvoir passer 1 heure avec Julien Denormandie pour le
sensibiliser au sujet et obtenir des budgets pour la recherche. Parce que mon propos est vraiment
de regarder ce problème de manière scientifique et documentée. Et c’est trop souvent ce qui manque quand on s’attelle à ce genre de sujets qui déchaînent les passions. Et surtout, ce que cette mission m’a rappelé avec force, c’est qu’il faut vraiment se méfier des certitudes que l’on peut avoir. Le doute est à la base de la réflexion de tout bon scientifique.

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